Quel que soit son mode d’administration, un médicament n’agit pas uniquement sur l’organe malade mais sur l’ensemble de l’organisme. Cette imprécision n’est pas sans risque : il peut manquer sa cible et ne pas avoir l’effet escompté, ou avoir de sérieuses conséquences. La solution, simple en théorie mais très complexe en pratique, serait de parvenir à activer les médicaments uniquement là où ils sont nécessaires. Un tel procédé permettrait en outre d’activer ou désactiver une protéine dans un organisme vivant pour mieux en comprendre les fonctions. « C’est de cette question méthodologique que tout est parti », se souvient Monica Gotta, professeure ordinaire au Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a initié et coordonné ces recherches avec Nicolas Winssinger, professeur ordinaire au Département de chimie organique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. « Nous cherchions alors un moyen d’inhiber une protéine impliquée dans la division cellulaire, la protéine Plk1, où et quand on le voulait, pour mieux comprendre la fonction de cette protéine dans le développement d’un organisme ».
En alliant leurs expertises en chimie et en biologie, les scientifiques ont été capables de modifier une molécule inhibitrice de Plk1 afin qu’elle ne s’active qu’en présence de lumière. « Après un processus complexe, nous avons réussi à verrouiller le site actif de notre inhibiteur avec un dérivé de la coumarine, un composé naturellement présent dans certaines plantes, qu’une simple impulsion de lumière pouvait détacher », détaille Victoria von Glasenapp, post-doctorante dans les laboratoires de la professeure Gotta à la Faculté de médecine et du professeur Winssinger à la Faculté des sciences, et première auteure de l’étude.
Mais il s’agissait encore de trouver un moyen d’ancrer l’inhibiteur à l’endroit exact de l’organisme où son action était désirée. « Nous avons réussi à modifier l’inhibiteur de façon à ce qu’il soit immobilisé à l‘endroit ciblé, en y ajoutant une ancre moléculaire libérée uniquement par la lumière », explique Nicolas Winssinger. « Cela nous a donc permis d’activer et d’ancrer l’inhibiteur d’une même impulsion lumineuse, et ainsi de désactiver Plk1 et stopper la division cellulaire à l’endroit exact désiré ».
Le système développé par les scientifiques de l’UNIGE permet de contrôler spatialement et temporellement l’activité d’une molécule dans un organisme vivant grâce à la lumière. Il peut être adapté à de nombreuses molécules et pourrait permettre d’activer un médicament uniquement à l’endroit voulu. Cette découverte devrait permettre, avec un simple laser, de déclencher un traitement exactement là où il est nécessaire et de préserver les tissus sains environnants, limitant ainsi les effets secondaires indésirables. « Nous espérons que notre outil va être largement utilisé et permettre de mieux comprendre le fonctionnement du vivant et, à long terme de développer des traitements plus localisés », conclut Monica Gotta.
Unige : https://www.unige.ch/medias/2025/la-lumiere-serait-elle-la-cle-de-futurs-traitements-cibles