Lors d’une infection ou blessure, le système immunitaire est mobilisé pour contrôler l’infection et la réparation des tissus lésés. Cette activation se fait notamment grâce à libération de médiateurs pro-inflammatoires pour informer le cerveau de l'état immunitaire de l'organisme et coordonner la réponse immunitaire. En réponse à ce signal, le cerveau induit une réaction complexe connue sous le nom d’"état de maladie" qui vise à réaffecter l'énergie aux différents systèmes.
Cet état est associé à des changements comportementaux comme l’évitement social, la léthargie, à des ajustements métaboliques tel que la fièvre ou la perte d’appétit ainsi qu'à la libération d'hormones comme la cortisone, de manière à accroître la résistance à l'infection mais aussi à réguler les réponses immunitaires. Dans cette étude, un groupe pluridisciplinaire composé de neurobiologistes et d’immunologistes de l'Institut Pasteur, de l'Inserm et du CNRS a découvert un nouveau circuit par lequel le cerveau mesure les niveaux d'inflammation dans le sang et, en retour, régule cette inflammation. En effet, une région du tronc cérébral, appelée complexe vagal, détecte directement les niveaux et la nature des hormones inflammatoires dans la circulation sanguine. Ces informations sont ensuite transmises aux neurones d'une autre région du tronc cérébral, le noyau parabrachial, qui intègre également des informations en lien avec la douleur mais aussi certaines mémoires aversives ou traumatiques. Puis, ces neurones activent à leur tour des neurones de l'hypothalamus, ce qui entraîne l’augmentation rapide de la cortisone dans le sang, une hormone de régulation anti-inflammatoire.
Pour identifier ce circuit, les chercheurs ont utilisé des approches de pointe en neurosciences permettant d’observer individuellement les neurones impliqués pendant l'inflammation. Les experts ont pu observer comment l'activité de neurones spécifiques dans le noyau parabrachial pouvait réguler la production de globules blancs impliqués dans la réponse immunitaire. « Cette recherche démontre que l'activité neuronale du cerveau est capable, à elle seule, d'exercer un effet puissant sur le développement des réponses immunitaires dans le contexte d'une infection ou d'une blessure. Elle fournit donc un exemple clair de la puissante connexion bidirectionnelle entre le corps et le cerveau. Et elle nourrit également notre ambition de découvrir l'impact de notre cerveau sur notre façon de vivre avec les microbes, de combattre les agents pathogènes ou de réparer les blessures », explique Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité à l’Institut Pasteur.
La découverte de ce circuit ouvre de nouvelles perspectives de recherche nourrissant conjointement les domaines de la neurobiologie et de l’immunologie : « Cette étude nous donne des clés supplémentaires pour mieux comprendre l'impact de l'inflammation systémique sur notre cerveau, notre humeur et sur certains processus de neurodégénérescence », complète Gabriel Lepousez, neurobiologiste au sein de l’unité Perception et mémoire (Institut Pasteur / CNRS).
Etant donné le rôle établi du noyau parabrachial dans les processus de mémoire aversive, la réactivation de ce circuit en cas de rappel d'expériences inflammatoires ou aversives passées pourrait permettre de devancer de potentielles menaces infectieuses. Grâce à cette communication neuro-immune, le système immunitaire pourrait ainsi bénéficier des capacités du cerveau à prédire et anticiper des menaces de notre environnement.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash