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Voir à nouveau grâce à une dent

Recouvrir la vue grâce à une dent, la sienne ou celle de son fils, comme l'a expérimenté un Irlandais, devenu aveugle après une explosion, ne relève ni du miracle ni d'un docteur Frankenstein, mais d'une opération chirurgicale imaginée il y a des décennies par un ingénieux spécialiste italien. "500 à 600 interventions de ce type ont été pratiquées au total dans le monde", indique le Dr Bernard Duchesne (université de Liège).

La technique, dite d'"ostéo-odonto-kératoprothèse, a été "inventée par (Benedetto) Strampelli en 1956", ajoute ainsi l'un des "huit" spécialistes au monde de cette opération, avec notamment le Français Emmanuel Lacombe. "Il s'agit d'une alternative à la greffe de cornée, quand cette dernière n'est pas possible, mais aucunement bien sûr d'un remplacement de l'oeil entier par une dent", dit-il.

La technique, surtout utilisée dans les années 60, a été entre-temps modifiée par la famille Falcinelli, Giancarlo et Giovanni, qui ont publié en 2005 la première évaluation scientifique de la méthode sur 223 patients. "On se sert beaucoup plus fréquemment d'une dent du patient, généralement une canine, précise-t-il, que de celle d'un donneur apparenté compatible avec le receveur", comme dans le cas de l'Irlandais Bob McNichol, 57 ans.

M. McNichol avait perdu la vue en 2005 lors d'une explosion dans une entreprise de recyclage d'aluminium. Schématiquement, "tout matériau synthétique directement implanté dans l'oeil se voit expulser par la couche de surface, c'est-à-dire l'épithélium, et c'est encore plus vrai au niveau de la cornée", explique M. Duchesne. "Or l'inventeur a observé que dans l'organisme, deux matériaux rigides pouvaient être en contact sans problème avec de l'épithélium, les ongles et les dents", poursuit-il.

"Il a observé par ailleurs que la muqueuse buccale tolère la dent, si le ligament alvéolo-dentaire est en bon état. Sinon (problème d'hygiène, maladies familiales...), la muqueuse cherche à l'expulser, provoquant le déchaussement de la dent". Une observation dont Benedetto Strampelli, "assez génial", a su tirer parti.

Concrètement, on prélève le bloc ostéo-dentaire où se trouve la racine de la dent avec ce fameux ligament, puis l'émail est enlevé. On meule ce bloc pour obtenir un parallélépipède rectangle de 7 à 8 mm de large, de 14 à 16 mm de long et 2,5 à 3 mm d'épaisseur.

On le perce pour y introduire une simple optique en plastique transparent, et ainsi le boucher. L'ensemble est alors placé sous la peau du patient pendant 3 mois minimum, pour qu'il soit colonisé par des cellules et entouré de tissus fibreux afin de permettre de faire les points de suture.

"Parallèlement, on prépare l'oeil en lui enlevant la fine couche qui le recouvre (opération dite kératotomie) et la remplaçant par de la muqueuse buccale afin que la dent retrouve le milieu auquel elle est habituée", poursuit l'ophtalmologue. L'aspect n'est "pas très joli (pupille sans iris, couleur rosâtre)", mais esthétiquement une grande lentille de contact avec un iris dessiné dessus peut être "acceptable".

Des lunettes permettent d'adapter ensuite la vue, poursuit le spécialiste. "La récupération visuelle est suffisante pour conduire une voiture", ajoute-t-il, évoquant un chauffeur de taxi à Rome, opéré de cette manière. "Cette technique, très lourde (en durée et personnels), n'a jamais été très en vogue", admet-il, mais elle reste "utile". Pour sa part, le patient irlandais opéré à Brighton se réjouit de voir "suffisamment" pour se déplacer et regarder la télévision.

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