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Des virus espionnent des bactéries pour savoir quand passer à l’attaque

Les virus sont incapables de se reproduire en l’absence d’un hôte. Ces limitations empêchent ces créatures d’être reconnues comme des « êtres vivants » à proprement parler. Or, leur situation déjà ambiguë risque de se complexifier à la suite de la découverte d’une équipe de chercheurs de l’Université Princeton.

Malgré leur apparente simplicité, certains virus semblent être en mesure non seulement de comprendre le langage des bactéries, mais aussi de les espionner. Cette aptitude leur permet de lancer une attaque-surprise au moment où ils pourront infecter un maximum de nouvelles bactéries.

On imagine souvent les bactéries comme des êtres individuels, mais ces dernières vivent et surtout agissent en communauté. Ces colonies synchronisent leurs activités grâce à divers modes de communication, principalement chimiques. L’un des principaux objectifs de leurs dialogues est d’évaluer le nombre de leurs congénères dans une région, un phénomène appelé détection du quorum qui permet de décider quand entreprendre certaines actions de groupe.

Ces gestes varient de la production de biofilms, une armure qui protège les groupes de bactéries, à des ordres de se disperser ou même de déclencher des infections. De plus, les bactéries ne communiquent pas qu’avec leurs semblables. Certaines peuvent reconnaître des molécules étrangères et ainsi réagir à la présence d’autres espèces. L’une de ces molécules de communication se nomme DPO et se lie à une molécule réceptrice nommée VqmA.

En fouillant des banques de données d’ADN microbien à la recherche d’êtres vivants possédant ces récepteurs, les chercheurs américains sont tombés par hasard sur un virus prédateur des bactéries, un bactériophage identifié par le numéro VP882. Initialement, les chercheurs croyaient à une erreur dans les données. La découverte de cette capacité qu'ont des bactéries de communiquer les unes avec les autres est relativement récente, et l’idée qu’un virus puisse intercepter ces communications leur semblait encore plus farfelue.

Toutefois, après avoir traqué l’échantillon viral, les chercheurs ont pu confirmer que le virus peut bel et bien « s’inclure » dans la conversation bactérienne. Cette hypothèse a été confirmée lorsque les chercheurs ont infecté des colonies de bactéries responsables du choléra avec ce phage. Lorsque les chercheurs ajoutaient la DPO au mélange, le virus passait à l’attaque et éradiquait les bactéries. D’un autre côté, des virus auxquels on avait retiré la capacité de détecter la DPO avaient perdu leur réactivité, peu importe le nombre de bactéries environnantes.

Normalement, lorsqu’un virus infecte une bactérie, il a deux options. Il peut la forcer à fabriquer des copies de lui-même jusqu’à ce qu’elle éclate, en libérant des milliers de nouveaux virus. Il peut aussi s’intégrer à son ADN et y rester en dormance jusqu’à ce qu’un signal lui donne l’autorisation de se réactiver. En espionnant la conversation des bactéries autour de lui, le virus peut « savoir » le nombre de cibles potentielles qui l’entourent et se réactiver au moment où il pourra faire le maximum de dégâts.

La découverte ne s’arrête toutefois pas là. Les chercheurs ont réussi à transformer le virus-espion en outil pour combattre des bactéries responsables de maladies humaines. Ce traitement, nommé thérapie phagique, est une méthode qui utilise un virus pour éliminer des bactéries multirésistantes. Bien que connue depuis longtemps, cette technique est difficile à réaliser à grande échelle, surtout parce qu’un phage est généralement spécifique à un seul type de bactérie.

Les chercheurs ont montré qu’en modifiant ce virus pour le rendre capable de reconnaître d’autres molécules de communications bactériennes, comme celles d’E. coli ou de la salmonellose, ils arrivaient à lui faire changer de cible et ainsi détruire les bactéries qu’ils avaient choisies.

Bien qu’une telle thérapie ait encore besoin de beaucoup de perfectionnement, ou même d’autres modifications génétiques, cette étude permet au moins d’apprécier la complexité grandissante de ces êtres microscopiques. D’ailleurs, en 2017, des chercheurs avaient réussi à montrer que les virus pouvaient « communiquer » les uns avec les autres, afin de choisir les meilleurs moments pour arrêter de détruire des bactéries et retourner en dormance.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Radio-Canada

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