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La vie privée est-elle soluble dans le Net ?
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Les nouvelles technologies banalisent l'espionnage des individus dans tous les domaines de la vie quotidienne. De plus en plus floues, les frontières de la vie privée et de la confidentialité semblent rétrécir chaque jour davantage avec l'invasion des ordinateurs, des téléphones portables, des caméras de surveillance ou des cartes à puce qui enregistrent chacun de nos gestes et de nos déplacements. «Il faut se rendre à l'évidence: la vie privée n'existe plus», affirme brutalement Scott McNealy, PDG de Sun Microsystems, un des géants de l'informatique. Nous vivons désormais dans une maison de verre, en liberté surveillée, sous le contrôle permanent de ces «objets communicants» dont nous ne pouvons plus nous passer. En France, le Parlement doit se pencher sur le sujet dans les mois qui viennent. C'est un mécanisme insidieux qui s'est mis en place plus ou moins à notre insu: en acceptant les avantages et le confort apportés par les nouvelles technologies, nous abandonnons implicitement une partie de notre «souveraineté» et de notre intimité. En échange des facilités de paiement par carte bancaire, nous nous résignons à accepter de voir enregistrer nos passages dans les restaurants, les hôtels, les supermarchés ou aux péages d'autoroute. Les services d'e-mail gratuits ne sont «offerts» par certains opérateurs que contre le renvoi d'un questionnaire détaillé sur nos goûts et nos comportements. En laissant s'installer des caméras de surveillance dans les immeubles pour nous protéger des voleurs, nous ouvrons en même temps la porte à la tentation de l'espionnage. Et ce n'est qu'un début. Le nouveau standard Wap, qui couple les téléphones portables à Internet, permettra bientôt à un commerçant de vous envoyer des messages lorsque vous passerez devant son magasin. Des magnétoscopes dits «intelligents» s'apprêtent à faire leur apparition sur le marché: ils permettront d'enregistrer jusqu'à trente heures d'émissions, d'éliminer à la demande les spots de publicité et de composer des programmes personnalisés. Exemple: un modèle baptisé TiVo dresse le profil de son propriétaire, en observant ses habitudes, puis lui suggère des émissions susceptibles de l'intéresser. Les objets les plus triviaux se dotent de capacités d'espionnage: le frigo Screenfridge, mis au point par Electrolux, garde en mémoire la liste des denrées qu'il contient et vous prévient lorsque vous allez manquer de lait ou de confiture. Et bientôt - pourquoi pas? - il vous enverra un blâme parce que vous avez consommé trop d'alcool ou de beurre...Sommes-nous condamnés à vivre dans une société transparente? La vie privée est-elle inéluctablement soluble dans la technologie? Nos petites affaires passionnent les commerçants, mais aussi les administrations. Dans le monde entier, sous prétexte de lutte contre le piratage et la délinquance, les gouvernements mettent en place des législations potentiellement liberticides et placent les réseaux sous contrôle avec des systèmes d'écoutes de plus en plus sophistiqués. En France, la loi votée par l'Assemblée nationale, le 28 juin dernier, marque ainsi la fin de l'anonymat sur Internet: elle oblige désormais les fournisseurs d'accès à conserver les données de connexion de tous leurs abonnés - heure et numéro d'appel, durée de connexion - et impose aux hébergeurs d'identifier les auteurs des pages Web stockées dans leurs serveurs. En Grande-Bretagne, le gouvernement travailliste vient, début juillet, de promulguer une loi qui autorise la lecture des e-mails par la police. Aux Etats-Unis, le FBI a reconnu récemment l'existence d'un système baptisé «Carnivore» qui trie les messages échangés sur le réseau et intercepte automatiquement tous ceux qui contiennent certains mots-clefs, comme «bombe» ou «drogue». Un procédé similaire a été mis en place au niveau international par la très secrète National Security Agency, l'Agence nationale de sécurité américaine. Face à cette cyber-inquisition on assiste à une nouvelle «course aux armements» entre, d'un côté, les organismes privés et publics de plus en plus curieux et, de l'autre, les citoyens et les consommateurs gagnés par la paranoïa, qui investissent dans des techniques de protection de plus en plus sophistiquées. «Une chose est sûre: ce sont les happy few les mieux éduqués et les plus débrouillards qui seront en mesure de défendre leur vie privée», affirme Margaret-Jane Radin, professeur de droit à l'université Stanford (Etats-Unis) et spécialiste des questions de propriété. Il existe déjà une expression pour désigner les riches et les pauvres dans ce domaine: le «fossé numérique».
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