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Vers le traitement personnalisé du cancer
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Les progrès de la génétique moléculaire depuis 20 ans ont modifié de fond en comble notre compréhension des mécanismes de la transformation des cellules cancéreuses et de la progression tumorale. La découverte dans le génome des cellules tumorales de mutations ou d'activations anormales de gènes clés gouvernant les mécanismes et le contrôle de la prolifération des cellules normales a fait émerger les concepts d'oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeurs. L'analyse de la structure et des fonctions de ces gènes mutés dans les cellules cancéreuses a conduit au développement de nouveaux médicaments ciblés, dont l'action spécifique n'est plus de tuer toutes les cellules de l'organisme se divisant rapidement, sans reconnaitre clairement les cellules cancéreuses, comme le font les agents de la chimiothérapie conventionnelle, mais bien d'inhiber spécifiquement telle ou telle fonction de la protéine produite par les gènes anormaux présents dans les cellules cancéreuses.
On a pu dire que ces agents ciblés étaient, par leur spécificité d'action, les premiers médicaments 'intelligents' du cancer, comme les antibiotiques ont été il y a 60 ans les premiers traitements 'intelligents' des maladies infectieuses. Une dizaine de médicaments de ce type sont déjà sur le marché et ont montré une activité remarquable dans des types tumoraux parfois jusqu'ici pratiquement résistants à toutes les thérapeutiques conventionnelles. Cependant, ils ne sont efficaces que dans un nombre très limité de cas, car ils n'agissent précisément que chez les malades dont la tumeur présente bien l'anomalie génétique ciblée par le médicament. Une centaine de médicaments du même type sont actuellement en cours de procédure d'enregistrement aux USA ou en Europe, et plus de 800 nouvelles molécules sont aux stades de développement pré-clinique dans les 'pipe-lines' des grands laboratoires pharmaceutiques, qui font de cette nouvelle voie de recherche un axe de développement stratégique majeur pour les toutes prochaines années.
Actuellement cependant, le développement de ce type de médicaments est difficile, long et très coûteux, en raison de l'absence de possibilités de séquençage et d'analyse moléculaire fine des tumeurs en dehors de quelques grands Instituts de recherche. Ces médicaments sont donc en règle générale développés à l'aveugle, dans des populations de malades non sélectionnés et après échec des traitements conventionnels, ce qui rend malaisé et aléatoire la mise en évidence d'une activité thérapeutique chez un petit nombre de malades. Ces considérations économiques conduiront vraisemblablement les firmes pharmaceutiques à modifier leurs stratégies et à développer prioritairement ces nouveaux produits dans des environnements moins contraints financièrement (Instituts et Universités privées aux Etats-Unis), ou dans des pays où le coût des essais thérapeutiques est bien moindre et qui auront pris beaucoup plus vite et résolument que nous le virage des bio-technologies (Chine, Inde, Asie du Sud-est).
La mise en place de plateaux techniques centralisés dotés des ressources humaines et technologiques suffisantes en génétique et en génomique est une nécessité qu'il importe de mettre en œuvre au plus vite. L'introduction en pratique hospitalière de ces nouvelles technologies ne peut se faire au coup par coup en fonction de l'arrivée sur le marché de tel ou tel nouveau médicament, mais doit permettre une analyse robuste, rapide et reproductible non pas d'un gène isolé mais d'une large série de gènes, voire bientôt du génome tumoral complet ; rappelons une nouvelle fois que les technologies de séquençage à haut débit du génome existent déjà, ont quitté le domaine de la recherche fondamentale pour celui de la commercialisation, et ont montré leur puissance et leur rapidité. Ces outils technologiques évolueront bien sûr encore par divers raffinements techniques, mais ces évolutions porteront surtout sur les modèles d'analyse bioinformatique des résultats, sur la simplification et la rapidité des techniques. Cette évolution des techniques n'entraînera pas une augmentation inéluctable des surcoûts.
On peut en première approximation considérer que 3 à 5 plates-formes de taille critique suffisante, et fonctionnant non comme des laboratoires de recherche fondamentale, mais comme des plates-formes de services ouvertes, de type semi-industriel, et équipées des matériels et de leur environnement bio-informatique, suffiraient pour assurer la caractérisation moléculaire et génétique de l'ensemble des tumeurs des nouveaux patients cancéreux français. L'accessibilité simple et rapide à des tests prédictifs fiables est donc un impératif stratégique de santé publique, et ce d'autant que les mêmes stratégies, et les mêmes technologies, permettront probablement à terme le démembrement et la personnalisation des traitements d'autres maladies chroniques, telles surtout les affections dégénératives du système nerveux.
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