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Vers une simple prise de sang pour prévenir la mort subite
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Selon la Fondation Cœur & Recherche, chaque année en France, environ 60 000 adultes apparemment en bonne santé décèdent brutalement d’un arrêt cardiaque. Chez les moins de 45 ans, cet accident découle souvent de maladies cardiaques d’origine génétique, non détectées. Repérer ces pathologies le plus tôt possible est donc vital. C’est justement l’objectif de la cardiogénétique ! « En plein essor, cette approche a considérablement augmenté les chances de survie de nombreux patients », souligne Philippe Chevalier, cardiologue à l’hôpital Louis-Pradel de Lyon.
Les maladies cardiaques génétiques forment un large groupe hétérogène qui comprend pas moins d’une vingtaine de pathologies. Elles sont classées en deux sous-groupes : les cardiomyopathies, où le muscle cardiaque (myocarde) présente des défauts anatomiques (cardiomyopathies hypertrophique, dilatée, ventriculaire droite arythmogène…) et les "syndromes d’arythmie", où le cœur est structurellement normal mais bat trop lentement, trop rapidement ou de façon irrégulière (syndromes de Brugada, du QT long ou du QT court…). Bien que qualifiées de "rares", ces maladies touchent tout de même plusieurs dizaines de milliers de personnes en France. Par exemple, à elle seule, la cardiomyopathie hypertrophique concerne 1 personne sur 500, soit environ 135 000 Français, selon Orphanet, le portail d’information sur les maladies rares.
Alors que les pathologies cardiaques "classiques" sont souvent favorisées par certains modes de vie (alimentation déséquilibrée, tabagisme, sédentarité…), les maladies cardiaques génétiques découlent d’anomalies (ou "mutations") au niveau de certains gènes clés, impliqués dans la fabrication de protéines indispensables au bon fonctionnement du cœur, comme la myosine, l’alpha-actinine 2 ou les protéines des canaux ioniques.
Née au début des années 1990 et en plein essor depuis le début des années 2010, la cardiogénétique vise à dépister précocement ces mutations et à traiter le patient de façon adaptée. « Comme l’oncogénétique – dédiée elle, à l’étude des facteurs génétiques favorisant les cancers – cette approche vise à faire de la médecine de précision, personnalisée aux mutations en cause pour chaque patient », précise Philippe Chevalier. En France, l’activité de ce domaine est organisée au niveau national autour de la filière de santé Cardiogen, coordonnée par Philippe Charron à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Outre ce centre et l’hôpital Louis-Pradel à Lyon, huit autres offrent désormais une consultation de cardiogénétique (les hôpitaux Necker et Georges-Pompidou à Paris, les CHU de Nantes, Bordeaux, Grenoble…). Les équipes de cardiogénétique de ces centres se réunissent régulièrement, dans le but d’homogénéiser leurs pratiques.
Dans les faits, la cardiogénétique implique une collaboration étroite entre des cardiologues et des biologistes. À Lyon, les patients sont reçus par Philippe Chevalier qui, après un examen clinique et une analyse des résultats de divers autres examens possibles (électrocardiogrammes spécialisés, imagerie cardiaque…), établit un diagnostic. Puis l’équipe de Gilles Millat, responsable du laboratoire de cardiogénétique des Hospices civils de Lyon, tente de valider génétiquement ce diagnostic. « Concrètement, nous extrayons l’ADN du patient à partir d’un échantillon de sang et le séquençons. Puis à l’aide de logiciels de bioinformatique, nous procédons à une analyse ciblée d’un panel de plus de 100 gènes connus pour être impliqués dans la pathologie soupçonnée », détaille Gilles Millat. Finalement, si le résultat du test génétique confirme le diagnostic du cardiologue, celui-ci prescrit un traitement adapté : « une modification du mode de vie, un traitement médicamenteux ou non (pacemaker, défibrillateur), et/ou la mise en place d’une surveillance médicale régulière », détaille le médecin. Enfin, l’équipe propose également des tests génétiques aux proches du patient (mère, père, frères et sœurs ou enfants).
L’efficacité de cette approche ? Comme l’ont montré, entre autres, des travaux publiés en 2021 par l’équipe de Gilles Millat, qui ont porté sur 4 185 patients, les tests génétiques permettent aujourd’hui d’identifier de façon quasiment certaine les mutations génétiques en cause, dans 30 à 40 % des cas. « À l’avenir », observe le biochimiste, « ce taux pourrait significativement augmenter grâce à des recherches en cours, qui visent à confirmer ou à infirmer l’implication de certaines mutations dont le rôle dans certaines maladies cardiaques génétiques demeure incertain ».
Cet effort de recherche mobilise notamment l’équipe de Vincent Gache, chercheur Inserm à l’institut NeuroMyoGène de Lyon, qui travaille en collaboration avec les groupes de Gilles Millat et de Philippe Chevalier. « Nous créons des organoïdes de cœur, à partir de cellules sanguines du patient ou de cellules souches dans lesquelles nous introduisons les mutations suspectes grâce à des techniques d’édition du génome. La comparaison et l’analyse de ces différents organoïdes permet de quantifier les impacts des mutations sur le fonctionnement de ces “mini-cœurs” et ainsi, de valider si ces mutations induisent les troubles constatés. De plus, point important, ces organoïdes nous permettent également de tester de nouvelles molécules médicamenteuses », explique le biologiste cellulaire.
Boudée à ses débuts par beaucoup de cardiologues qui ne croyaient pas en son efficacité, la cardiogénétique s’impose désormais de plus en plus. « Dans notre service, près de 2 000 patients bénéficient désormais de tests génétiques chaque année, contre une centaine en 2010 », indique Philippe Chevalier. Dans les années à venir, cette tendance à la hausse pourrait s’amplifier. Car outre les maladies cardiaques génétiques "rares" susmentionnées, la cardiogénétique pourrait concerner d’autres pathologies cardiaques beaucoup plus fréquentes.
Dont notamment l’infarctus du myocarde, lié à l’obstruction d’une artère irriguant le cœur, et qui touche environ 80 000 Français chaque année, selon l’Assurance maladie. En effet, « l’existence de “familles à infarctus”, où le risque d’être touché par ce trouble est plus élevé que chez la moyenne des gens, laisse penser que ces cas sont favorisés par une combinaison de multiples mutations génétiques qui, indépendamment, ont chacune des effets minuscules mais qui, combinées, augmenteraient significativement le risque d’infarctus du myocarde », éclaire Philippe Chevalier.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Biologie & Biochimie
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