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Vers l'optique en rayons gamma

Il est facile de manipuler la lumière visible : des lentilles, des prismes ou des miroirs suffisent pour la focaliser, la dévier ou la réfléchir. Dans le cas des rayons gamma, plus énergétiques, on pensait que la déviation était  impossible et qu’aucun dispositif optique ne pouvait fonctionner dans cette gamme d’énergie. Mais une équipe de physiciens de l’Institut Laue-Langevin (ILL), à Grenoble, a montré que les rayons gamma sont réfractés dans le silicium.

La réfraction est le phénomène physique sur lequel repose le fonctionnement des lentilles et des prismes : lorsque la lumière passe d’un milieu à un autre, sa vitesse change et sa trajectoire aussi. C’est ainsi qu’une paille plongée dans un verre d’eau apparaît brisée à l'interface de l’air et l’eau. On définit l’indice de réfraction d’un milieu comme le rapport de la vitesse de la lumière dans le vide et celle dans ce milieu. Il vaut environ 1 dans l’air et environ 1,5 dans le verre.

L’indice de réfraction dépend de la fréquence de la lumière. Il tend vers 1 quand la fréquence augmente : dans ce cas, le rayon incident n'est pas dévié. Pour des rayons X, il faut plusieurs centaines de lentilles pour focaliser un faisceau. Quelques instruments, tel que l’Installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF) à Grenoble, permettent de sonder la matière au moyen de rayons X à des échelles nanométriques, ce qui a des applications dans divers domaines (physique, chimie, médecine ou archéologie). Avec les rayons gamma, on pourrait aligner un nombre encore plus important de lentilles, mais, chacune absorbant une partie de la lumière, un tel dispositif serait inexploitable.

Dietrich Habs, de l’Université de Munich, et ses collègues de l’ILL proposent une autre approche. Ils ont mesuré l’indice de réfraction du silicium pour des photons gamma d'énergie jusqu’à deux mégaélectronvolts. Dans leur expérience, un faisceau gamma, produit par un faisceau de neutrons bombardant une cible de chlore, traversait un prisme de silicium où il était réfracté. Les physiciens ont constaté que l’indice de réfraction du silicium devient légèrement supérieur à un lorsque l’énergie des photons gamma augmente. C'est dû à un effet dit de diffusion Delbrück : en présence du champ électrique des noyaux de silicium, les photons gamma engendrent des paires électron-positron, qui s’annihilent en libérant des photons gamma. Le passage par la paire électron-positron, qui se déplace plus lentement que la lumière, ralentit la progression des photons dans le prisme, ce qui modifie l’indice de réfraction.

Celui-ci reste très proche de un dans le cas du silicium, mais l’effet Delbrück devrait être plus important pour des atomes plus lourds. Les physiciens estiment que l’or permettrait d'obtenir un indice de réfraction assez élevé pour concevoir des systèmes optiques (lentilles, prismes, guides d’onde, etc.) utilisables avec des rayons gamma. Des dispositifs exploitant les rayons gamma seront-ils un jour exploitables en imagerie médicale ou pour traiter des cancers ?

Pour La Science

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