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La symétrie des vertébrés due à la tension de surface

Bras, jambes, nageoires, ailes, ou pattes… bien ordonnés de chaque côté du tronc : la symétrie des vertébrés parait naturelle et évidente. Pourtant, plusieurs mécanismes de haute précision opèrent durant la formation de l’embryon pour donner à notre corps cette structure commune au sein d’une même espèce.

Dans un article, publié dans Nature récemment, des chercheurs de l’EPFL montrent comment les somites, bourgeons embryonnaires qui donneront naissance aux membres, trouvent leur place finale et la symétrie de leur longueur grâce à un phénomène entièrement mécanique : la surface de tension. Ce phénomène bien connu fait aussi s’arrondir l’eau à la surface des verres ou les gouttes de rosée sur les feuilles. Cette recherche marque un tournant dans les recherches sur le développement puisqu’elle montre pour la première fois comment ce principe, présent dans tous les tissus de l’organisme en développement, est à l’œuvre dans un phénomène clef.

Au stade embryonnaire, les somites, minuscules bourgeons, apparaissent le long du tube neural, futur système nerveux central. Ils se forment de manière rythmique et séquentielle le long de l’axe du corps, au cours des premiers stades du développement de l’embryon. Ces minuscules renflements sont les précurseurs du système musculo-squelettique, donnant naissance aux côtes, à la colonne vertébrale ainsi qu’aux muscles qui leurs sont associés.

Cette caractéristique est commune à tous les vertébrés. Ce qui intéressait les chercheurs était donc de savoir comment la symétrie finale gauche-droite se met en place. « On a longtemps pensé que cela était dû à l’action d’un oscillateur génétique, l’horloge dite de segmentation », explique Sundar Naganathan, postdoctorant au Laboratoire Timing, Oscillations, and Pattern de l’EPFL. « Mais ce point de vue s’est révélé faux ». En réalité, des somites se forment parfois avec une longueur inégale entre les deux côtés et de forme asymétrique. Les chercheurs ont donc cherché à comprendre comment cette variation précoce aboutit finalement à la symétrie corporelle que l’on connaît. « Nous avons démontré que celle-ci est une propriété émergente », poursuit le scientifique.

En observant les somites de poissons zèbres grâce à diverses techniques d’imagerie, les chercheurs ont constaté que la longueur s’autocorrigeait rapidement et s’équilibrait de part et d’autre du tube neural environ une heure après leur formation. « Nous avons aussi remarqué que seule la forme de ces petites proéminences changeait, sans modification du volume. Les variations en longueur sont compensées par des modifications en largeur et en hauteur », explique Sundar Naganathan. Forts de ces premières observations, les chercheurs pouvaient supposer que la tension de surface était à l’origine de ces changements. Cette propriété physico-chimique, commune à tous les tissus embryonnaires, est liée aux interactions moléculaires d'un fluide avec son environnement. Les molécules se trouvant à l'interface possèdent une énergie légèrement supérieure qui vise à garder la cohésion entre molécules identiques. Le système se modifie pour trouver un équilibre qui correspond à la configuration nécessitant une énergie minimale. L’aire de l’interface est donc réduite et la structure s’arrondit.

Pour prouver que ce phénomène est bien en jeu dans la symétrie d’être vivants, Sundar Naganathan et ses collègues ont poursuivi leurs investigations par plusieurs expériences in vivo et in vitro. Ils ont par exemple mis en culture une certaine quantité de ces petits bourgeons qui se sont effectivement arrondis, comme les gouttes de rosée sur une feuille. Mais ce phénomène était-il suffisant à fournir les forces nécessaires pour rétablir la longueur ?

Grâce aux perturbations induites à l’aide de protéines connues pour avoir un effet sur la tension de surface, les chercheurs ont montré que la longueur des somites pouvait être modifiée. Ils ont donc poursuivi leurs recherches avec des modélisations informatiques et des comparaisons et analyses entre les divers modèles, développant au passage des algorithmes d’analyse d’images automatisés afin de simplifier le tri des éléments essentiels dans des films de plusieurs térabits. « Nos résultats montrant le rôle de la mécanique tissulaire pourraient être appliqués aux systèmes organoïdes, où l’obtention de formes tissulaires précises reste encore un problème non résolu », explique le chercheur.

Tout concordait : « nous sommes donc arrivés à la conclusion que la tension de surface peut faciliter la correction des erreurs de longueur et de symétrie », souligne Sundar Naganathan. Cette recherche a été effectuée sur des embryons de poissons zèbres, mais « le fait que la tension de surface soit une propriété universelle pour tous les tissus en développement dans toutes les espèces permet de penser que ce mode de correction pourrait être également à l’œuvre pour les autres vertébrés », poursuit le chercheur.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

EPFL

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