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Edito : Le succès de la mission Artémis relance la conquête spatiale vers Mars et au-delà…

AVEC NOS MEILLEURS VOEUX :

Chère Madame, Cher Monsieur,

Dans quelques heures nous allons entrer en 2023.

Je vous présente mes meilleurs vœux à l'aube de cette année nouvelle.

Nous continuerons pendant toute cette année, à vous apporter, gratuitement, des informations sur les innovations scientifiques et technologiques qui, souvent, pourraient changer notre vie dans ces prochaines années. Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année.

Bien Cordialement
René Trégouët
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
Rédacteur en Chef de RT Flash

Editorial :

Le succès de la mission Artémis relance la conquête spatiale vers Mars et au-delà…

Au terme d’un fabuleux périple de 25 jours et deux millions de km, la mission lunaire pilotée par la NASA, Artemis I s’est terminée dimanche 11 décembre par une procédure inédite d’entrée du module spatial Orion (9 tonnes) par rebonds dans l’atmosphère, suivie d'un amerrissage parfaitement réussi dans le Pacifique, au large des côtes californiennes. Cette mission Artemis, qui a cumulé les exploits – elle a survolé la face cachée de la Lune à 100 km de distance, s'est placée sur une orbite rétrograde lointaine et a battu le record de distance, 432 000 km, pour une capsule habitable – est un succès majeur pour la Nasa, et relance de plus belle la compétition féroce entre les Etats-Unis et la Chine pour le grand retour de l’homme sur la Lune, attendu pour 2026, l’installation de la première base permanente sur la Lune et, à plus long terme, la conquête de Mars (vers le milieu de ce siècle) et l’exploration du système solaire lointain et de ses mystères, à commencer par les fascinantes lunes de Saturne et Jupiter que sont Encelade (6eme satellite de Saturne), Titan (le plus gros satellite de Jupiter) et Europe (La plus petite lune connue parmi les 79 que compte Jupiter).

Rappelons que le module de service d'Orion, et ses 33 moteurs, a été développé par l'ESA et non la Nasa. Il assure la propulsion du vaisseau et fournit la chaleur et l’électricité dont l’équipage aura besoin, lors des futures missions. Les performances de ce nouveau module ont dépassé les attentes de la NASA et de l’ESA, en produisant 15 % d'énergie en plus et en ayant une consommation électrique inférieure aux prévisions. Mais le plus époustouflant a été la procédure de retour et de récupération de ce module Orion : en quelques dizaines de minutes, Orion a réussi à ramener sa vitesse de 39 400 à 300 kmh, d’abord en rebondissant de manière contrôlée sur les hautes couches de l’atmosphère, puis en affrontant des température de 2 760° grâce à son nouveau bouclier thermique géant de cinq mètres de diamètre et enfin en déployant ses 11 parachutes à seulement 1600 mètres de la surface de l’océan.

Le déroulement impeccable de ce premier volet de la Mission Artemis ouvre la voie aux deux autres volets de cette mission : 1°/ réaliser en 2024 un vol d'essai habité d'Orion, dans le SLS.   2°/  ramener, pour la première fois depuis 1972, des astronautes sur la Lune en 2026. Mais, à la différence de la conquête lunaire des années 60 et 70, il s’agit cette fois d’aller plus loin et de préparer la présence permanente de l’homme sur la Lune, d’où l’articulation de la mission Artemis et du projet de station spatiale lunaire « Lunar Gateway », développé conjointement par les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Europe. La station Gateway devrait être assemblée entre 2024 et 2027 et se composera, à terme, de plusieurs modules, propulsion, télécommunications, habitation, stockage. Elle devrait permettre à quatre astronautes de pouvoir vivre en autonomie pendant au moins un mois. Cette plate-forme lunaire sera à la fois un laboratoire scientifique, un centre d’escale pour les missions sur la Lune et une base avancée pour les futurs voyages vers Mars.

Signe des temps, alors qu’Orion était sur le point de regagner la Terre, un alunisseur construit par l’entreprise japonaise Ispace et propulsée par une fusée SpaceX décollait de Cap Canaveral.  Jusqu’ici, seuls les Etats-Unis, la Russie et la Chine ont réussi à faire atterrir des robots sur la Lune, située à environ 400.000 km de la Terre, mais Ispace, qui ambitionne d’être intégrée aux futurs volets 2 et 3 de la mission Artemis, compte bien faire alunir en mars prochain le petit rover de 10 kg, fabriqué par les Emirats Arabes Unis, qu’emporte cette mission. Ispace veut aussi être la première société privée à inaugurer un service commercial de livraisons abordable vers le Lune, qui devrait se peupler de plusieurs bases permanentes d’ici quelques décennies. « Cette mission marque l’aube de l'économie lunaire », s'est félicité Takeshi Hakamada, le fondateur et PDG d’Ispace.

Mais alors que le Japon affirme ses ambitions spatiales, une autre nation vient de franchir une étape décisive dans la maîtrise des technologies spatiales, l’Inde. Ce nouveau géant économique et technologique a réussi, le 18 novembre dernier, à lancer sa première fusée privée. Baptisé Vikram-S (en hommage à Vikram Sarabhaile fondateur du programme spatial indien), ce lanceur d’une demi-tonne a décollé depuis l’île de l’Andhra Pradesh et a atteint les limites de l’espace, soit 90 km d’altitude. Fait remarquable, il n’a pas fallu deux ans à la jeune société indienne Skyroot Aerospace pour concevoir et développer cet excellent lanceur, très innovant, comportant notamment  des structures en carbone composite et des composants imprimés en 3D. Commentant ce succès, le ministre indien des Sciences, Jitendra Singh, a déclaré, « C’est un nouveau départ pour le projet spatial indien et nous visons à présent clairement l’objectif d’un vol habité d’ici 5 ans. »

Mais le grand rival spatial des Etats-Unis et de l’Europe reste la Chine qui rattrape à marche forcée son retard dans le spatial, en enchaînant d’impressionnants succès. Les Chinois sont en train d’achever la réalisation de leur station spatiale (en orbite à 400 km de la Terre), baptisée Tiangong, "palais céleste" en mandarin. Son dernier module s'est arrimé avec succès, le 2 novembre dernier. Des taïkonautes ont pu y pénétrer et ont réalisé le premier transfert d'équipage en orbite de la Chine. En avril, trois taïkonautes ont regagné la Terre après un séjour-record de 183 jours dans l’espace.

Depuis quatre ans, la Chine accumule les succès spatiaux : la mission Chang'e 4 (Chang'e désignant la déesse de la Lune) a réalisé une première mondiale en se posant sur la face cachée de la Lune, en janvier 2019. Depuis, le rover Yutu-2 poursuit son exploration du satellite naturel de la Terre. Fin 2020, la Chine est devenue le troisième pays, après les Etats-Unis et la Russie, à ramener des échantillons de roches lunaires avec la mission Chang'e 5. L’analyse de ces échantillons, vieux de deux milliards d’années, a permis de mettre en évidence un volcanisme tardif de la Lune. En mai 2021, la mission Tianwen-1 (“Questionnement au ciel-1”), a déposé le robot Zhurong (Dieu du feu) sur Mars, et celui-ci a déjà parcouru plus de 2 km sans encombre.

Reste que l’éclatant succès de la mission Artemis montre que les Etats-Unis n’ont pas l’intention de se laisser distancer par la Chine dans cette course spatiale et qu’ils restent des compétiteurs redoutables. Il est vrai que la NASA consacre 20 milliards d’euros par an à son programme spatial quand la Chine en dépense, selon les estimations, environ 12 milliards d’euros. A titre de comparaison, le budget de l'Agence spatiale européenne pour la période 2023-2025 se monte à 17 milliards d'euros. Mais l’excellence américaine en matière spatiale ne repose pas seulement sur les moyens financiers dont elle dispose. Contrairement à la Chine qui déroule un programme spatial étatique, très centralisé et étroitement contrôlé et orienté par le pouvoir communiste chinois, les Américains savent faire preuve d’une incomparable souplesse, et d’une capacité d’initiative et de coopération avec le secteur privé qui font toute la différence, et que les Chinois sont encore très loin d’atteindre..

Il n’en demeure pas moins que, pour la Chine, le spatial est de venu un instrument majeur de puissance géostratégique et politique, comme l’a d’ailleurs reconnu le Ministère chinois de la Science, qui a confirmé à l’occasion du récent 20ème congrès du Parti communiste chinois, que la Chine avait bien l’intention d’établir une base permanente sur la Lune, puis d’explorer Mars, ainsi que plusieurs astéroïdes…

Il est très intéressant de souligner que la Chine, comme les autres grands puissances spatiales, Europe et Etats-Unis, a parfaitement conscience qu’une rupture technologique en matière de propulsion spatiale est nécessaire pour pouvoir explorer Mars et le système solaire lointain. En effet, en raison de la masse de carburant à embarquer, des temps de missions et des impératifs de protection des astronautes, vis-à-vis de l’exposition aux dangereuses radiations cosmiques, la propulsion chimique n’est pas envisageable pour des missions lointaines. En revanche, avec des propulseurs ioniques, les durées de voyage pour rallier Mars, et plus tard, les lunes riches de promesses de Jupiter et Saturne, pourrait à terme être considérablement réduites.

Or, et ce n’est pas un hasard, le 2ème module de la station spatiale chinoise, appelé Tianhe et lancé en avril 2021, est doté de quatre propulseurs ioniques qui utilisent un courant électrique pour accélérer des ions.

Le rendement énergétique de ces propulseurs ioniques est bien plus efficace que celui de leurs homologues chimiques. Pour maintenir la Station spatiale internationale en orbite pendant un an, il faut actuellement dépenser quatre tonnes de carburant. Avec des propulseurs ioniques, il suffirait de seulement 400 kilos pour rester en orbite pendant la même durée, selon l’Académie chinoise des sciences. Quant au voyage vers Mars, sa durée  pourrait être ramenée de huit mois à un mois et demi, de quoi limiter sérieusement les effets nocifs des radiations cosmiques sur l’équipage (Voir Headtopics).

Cette technologie est déjà utilisée avec succès depuis deux ans sur Beihangkongshi-1, exploité par la compagnie aérospatiale chinoise SpaceTy. Cette société a choisi la solution innovante mise au point par le Français ThrustMe, dont le moteur ionique NPT30-I2-1U utilise de l'iode, bien moins coûteux et difficile à stocker que le Xenon, comme carburant. Le prochain défi technique consistera à augmenter la puissance des propulseurs, tout en assurant la longévité et la sécurité des moteurs. Sur ce point capital, les chercheurs chinois auraient récemment réalisé une avancée majeure : selon eux, il est possible de générer un champ magnétique assez puissant pour que les particules ionisées ne détériorent pas le moteur ionique pendant de longues périodes (Voir The Eurasian Times).

Il y a quelques jours, une équipe de l’Université McGill au Canada et de la fondation Tau Zero aux États-Unis a proposé une approche directement inspirée du vol des oiseaux de mer. Selon ces chercheurs, leur technique permettrait à un vaisseau d’atteindre des planètes lointaines, comme Jupiter en quelques mois seulement (Voir Phys.org). Le concept utilisé consiste à exploiter des sources d’énergie disponibles dans l’espace, à commencer par le vent de particules chargées provenant du Soleil. L’étude propose une approche révolutionnaire qui permettrait, en théorie, à un véhicule interagissant avec le vent solaire de dépasser les limites de vitesse propres à ce mode de propulsion : le dynamic soaring ou vol de gradient, une technique pratiquée par les oiseaux de mer, qui consiste à économiser de l’énergie en traversant de manière répétée la limite entre deux masses d'air ayant des vitesses distinctes. Grâce à cette technique, des planeurs télécommandés ont pu atteindre des vitesses dépassant 850 km/h. Selon les calculs de ces chercheurs, il serait possible, après un an et demi d’accélération, de propulser un vaisseau spatial à environ 2 % de la vitesse de la lumière soit 6.000 km par seconde

Pour propulser un engin spatial à une telle vitesse, les chercheurs imaginent un concept d’« aile magnétohydrodynamique », sans structure physique, qui pourrait être réalisée via deux aimants à plasma placés le long d’une antenne sur plusieurs mètres de long. Le champ créé par les aimants viendrait interagir avec les flux de vent solaire dans différentes directions - tout comme les oiseaux utilisent la turbulence du vent pour créer une portance. Ces chercheurs vont à présent essayer de réaliser une démonstration d’une traînée significative contre le vent solaire en utilisant un aimant à plasma.

En 2018, l’Agence spatiale américaine a lancé un challenge aux ingénieurs, et pas des moindres : envoyer 1.000 kg de charge utile sur Mars en seulement 45 jours. Emmanuel Duplay et son équipe de l’Université Mc Gill ont relevé ce défi, dans une étude publiée il y a quelques mois qui a fait grand bruit, intitulée « Proposition de voyage spatial rapide vers Mars en utilisant un mode de propulsion par laser thermique » (Voir étude). Ces chercheurs de l’Université de McGill au Canada ont imaginé un concept de fusée propulsée à l’aide d’un laser pointé depuis la Terre vers le vaisseau spatial. Ce faisceau laser de 10 mètres de diamètre, pour une puissance de 100 mégawatts, chaufferait un plasma d’hydrogène qui serait expulsé sous forme de gaz et propulserait le vaisseau. Le vaisseau spatial serait équipé d’un réflecteur parabolique incliné vers une chambre de chauffage contenant du plasma d’hydrogène.

A l’aide de l’énergie transmise par ce laser, le noyau de plasma serait chauffé à environ 40.000 degrés Celsius et les gaz circulant autour du noyau atteindraient une température de 1.000 degrés Celsius. Ce sont ces gaz, expulsés par une buse, qui permettraient la forte poussée propulsant le vaisseau vers Mars. Initialement, la charge utile pourrait être lancée à 17 km/seconde vers Mars et cette vitesse serait encore équivalente à 16km/s au bout de 45 jours. Selon les chercheurs, la masse de charge utile transportée avec ce système pourrait être dix fois plus importante qu’avec une propulsion chimique.

Les grandes puissances spatiales, USA, Europe, Chine, Japon et demain, Inde, ont bien compris que l’exploration et la conquête de notre système solaire – sans parler de la colonisation éventuelle de Mars – n’est pas envisageable sans ruptures technologiques majeures dans quatre domaines. Le premier, nous l’avons vu, concerne le mode de propulsion qui doit permettre de gagner au moins un ordre de grandeur, par rapport à l’actuelle propulsion chimique, en vitesse de déplacement dans l’espace. Trois voies technologiques sont explorées à cette fin, la voie nucléaire, la voie ionique (ou plasmique) et la voie photonique, sachant que ces différentes solutions peuvent se combiner entre elles.

Le deuxième domaine est celui de l’informatique qui gèrera les vaisseaux spatiaux amenés à réaliser de longues et lointaines missions. On comprend bien que des équipages qui seront livrés à eux-mêmes et qui ne pourront pas espérer de réponses de la Terre, en cas de problèmes, avant plusieurs heures (le temps que les signaux radio voyagent à la vitesse à la lumière), devront pouvoir compter sur des systèmes d’intelligence artificielle à la fois très réactifs, capables de prendre les bonnes décisions face à un événement imprévu et très robustes, c’est-à-dire capables de s’autoréparer en cas de dysfonctionnement.

Le troisième, lié au précédent, concerne les robots polyvalents et autonomes qui accompagneront l’équipage et le seconderont de manière précieuse dans leurs nombreuses tâches. Là encore, ces robots devront être d’une fiabilité à toute épreuve, mais également en capacité de prendre des décisions rapides en cas de situations extrêmes.

Enfin, le dernier domaine, qui mériterait à lui seul un long développement, est celui du statut biologique des astronautes qui prendront part à ces missions longues et périlleuses, pouvant durer plusieurs années. Si l’on veut pouvoir protéger l’équipage d’une exposition trop prolongée aux radiations cosmiques, il faudra sans doute que certaines phases de ces missions spatiales s’effectuent, sinon en état de cryogénisation (cette technologie étant peut-être pour très longtemps hors de portée de la science), mais du moins en état d’hibernation contrôlée, dans des capsules individuelles de survie, ce qui suppose de parvenir à une maîtrise du métabolisme humain que nous sommes encore loin de posséder.

On le voit, la nouvelle étape de la conquête spatiale qui commence sera un formidable moteur de progrès scientifiques et techniques, à la fois parce que ces avancées de ruptures sont nécessaires à son déroulement et parce qu’en retour, l’exploration approfondie de notre système solaire va permettre à l’humanité de faire des pas de géants dans la connaissance fondamentale des lois de l’Univers, et dans la compréhension du vivant, mais aussi de trouver dans l’espace de nouvelles ressources matérielles utiles à notre planète, et de nouvelles formes d’utilisation de l’énergie qui pourront être, espérons-le, transposées sur Terre . Dans cette perspective, nous devons nous féliciter que l’Europe ait fait preuve de clairvoyance et ait décidé, il y a quelques semaines, une augmentation historique du budget de l’Agence Spatiale Européenne. Soyons en convaincus : notre avenir, notre destin est d’aller toujours plus loin pour explorer le vaste Univers et pour répondre à notre soif insatiable d’aventures, de connaissances et de mystères…

René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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