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Edito : Le stockage massif et bon marché de l'énergie : un enjeu technologique et économique majeur pour le monde...

Campagne de Dons pour sauver RT Flash en 2025

Constatant que cette année, pour la première fois, nous n’atteindrions pas notre objectif de 15.000,00 euros si nous ne réagissions pas, j’ai pris la décision d’envoyer, hier, un message à tous nos anciens donateurs, en leur avouant que, sans une réelle prise de conscience de leur part, RT Flash n’arriverait pas à franchir l’année 2025.

Malheureusement, le listing informatique sur lequel s’est appuyé mon mailing ne distingue pas les donateurs 2024 de tous les anciens donateurs. Aussi, je veux bien dire que le mailing du 5 Décembre ne concerne pas les donateurs de 2024. Je les remercie d’avoir déjà fait un don en 2024.

Pour ceux qui n’ont pas encore fait un don en 2024 et qui ne sont pas enregistrés sur nos listings, je laisserai ci-dessous le lien (en bleu) sur lequel il vous suffit de cliquer pour vous trouver instantanément sur le site de HELLOASSO qui gère notre campagne de dons.

Bien Cordialement

René TREGOUET

Merci de faire un don via Hello Asso en cliquant sur le lien suivant : https://www.helloasso.com/associations/adist/formulaires/10

 EDITORIAL :

Le stockage massif et bon marché de l'énergie : un enjeu technologique et économique majeur pour le monde...

Selon l'AIE (Agence Internationale de l’Energie), la consommation mondiale d'énergie primaire a dépassé les 15 Gteps (1 Gtep = 1Milliard de tonnes d’équivalents pétrole) en 2022 (soit un doublement depuis 1980) et la part de l'électricité dans la consommation finale mondiale d'énergie, qui était de 13 % en 1990, atteint 23 % en 2024 et pourrait dépasser les 50 % en 2050. S'agissant de la seule production électrique mondiale, elle devrait passer de 30 000 TWH (1 TWH = 1 milliard de Kwh) en 2022 à environ 46 000 TWH en 2050, sachant que la part des énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie, énergies marines) dans cette production électrique va augmenter de manière considérable, passant d'un tiers aujourd'hui à au moins 80 % en 2050, ce qui suppose de multiplier par 10 les capacités mondiales totales de renouvelables (principalement solaire et éolien) d'ici 25 ans. Ce basculement énergétique mondial représente un défi technique, industriel et économique colossal, non seulement en matière de montée en puissance de l'ensemble des énergies propres, à toutes les échelles spatiales de production (domestiques, locales et géantes), mais également en matière de moyens de stockage massif, fiable et bon marché d'énergie, susceptibles de permettre la régulation des réseaux de distribution et d'équilibrer en permanence, l'offre et la demande fluctuantes, en lissant les fluctuations de production liées au caractère intrinsèquement irrégulier des énergies solaires et éoliennes.

En 2023, selon l'AIE, l'installation de batteries couplées à des éoliennes ou panneaux solaires, a augmenté de 130 % par rapport à 2022. En juin dernier, un rapport publié par le norvégien Rystad Energy prévoyait que les installations annuelles de stockage par batterie dépasseraient 400 TWh d’ici 2030, alors qu'en 2024 la capacité de stockage électrique installée dans le monde est de l'ordre de 200 GW (soit 0,2 TWh). Deux études récentes, l'une réalisée par le groupe de recherche BloombergNEF et l’autre par la société de services DNV, viennent de confirmer que la barre symbolique du TWh (un milliard de kW) de capacités de stockage — hors stockage par pompage-turbinage — à l’échelle mondiale devrait être franchie en 2027. A plus long terme, BloombergNEF table sur des capacités de stockage d’électricité mondiale de 1,9 TWh en 2030, puis de 22 TWh en 2050, majoritairement grâce à des batteries lithium-ion, mais également redox, sodium et fer. Au final, les capacités mondiales de stockage énergétique pourrait donc être multipliées par cent entre 2024 et 2050. En avril dernier, les Etats du G7 ont appelé à multiplier par six les capacités mondiales de stockage d'électricité d'ici 2030, condition indispensable au triplement des énergies renouvelables prévues pour cette échéance. On ne s'en étonnera pas, le marché mondial du stockage de l'énergie va exploser avec la demande mondiale et devrait passer, selon IDTechEx, de 50 à 223 milliards de dollars d'ici 2045.

Deux pays entendent bien se tailler la part du lion dans cet énorme marché, en plein essor, du stockage massif d'énergie, les États-Unis et la Chine. Il y a quelques semaines, la société américaine Form Energy a annoncé qu'elle allait construire la plus grande batterie fer-air au monde dans l’État du Maine. Composée d’un réseau de modules de la taille d’une machine à laver, cette batterie géante sera la première de cette capacité à utiliser la technologie fer-fer–air-air. Ce système de stockage aura une capacité de 8 500 mégawattheures et coûtera 147 millions de dollars. Les batteries fer-air de Form Energy seront capables de fournir une puissance de 85 mégawatts au réseau, pendant 4 jours. Cette technologie prometteuse fer-air utilise un système de rouille réversible. Pendant la décharge, la batterie consomme de l’oxygène dans l’air, ce qui va oxyder le fer de l'anode et créer ainsi de la rouille. Pendant la charge, le processus s'inverse : la rouille se retransforme en fer et libère de l’oxygène. L’avantage de cette nouvelle technologie, par rapport au lithium-ion, est son coût, plus de dix fois inférieur aux batteries conventionnelles. En outre, cette batterie est bien plus respectueuse de l’environnement car elle n’utilise pas de métaux lourds polluants, mais uniquement du fer, de l’eau et de l’air.

Des chercheurs du National Renewable Energy Laboratory (NREL) du ministère américain de l’énergie ont développé un système de stockage d’énergie de longue durée, ingénieux, efficace, fiable et très bon marché (environ 10 dollars du kWh stocké contre 300 dollars un kWh dans une batterie lithium-ion et 60 dollars pour un kWh hydro-électrique), reposant sur l'utilisation de sable chauffé à très haute température. Le sable utilisé dans ce système de stockage d’énergie thermique (TES) est en effet porté à une température de 1 100°C, en utilisant des sources d'énergies renouvelables à faible coût. Pour produire de l’électricité en cas de demande, il suffit de faire descendre le sable chaud dans un échangeur de chaleur, qui chauffe un fluide caloriporteur, puis entraîne un générateur à cycle combiné. Ces scientifiques du NREL ont pu calculer que leur système de stockage conservait 95 % de sa chaleur pendant près d'une semaine, grâce à l'excellente inertie thermique du sable utilisé (Voir Mining).

Autre projet américain innovant, le projet Delta, dans l'Utah, qui prévoit la plus grande installation de stockage d'énergie renouvelable des États-Unis. Cette installation hors-norme vise à permettre la production d'hydrogène vert à l'échelle industrielle, à partir de sources d'énergie renouvelables. L'hydrogène vert ainsi produit sera stocké dans de gigantesques cavernes souterraines et pourra constituer un énorme réservoir de carburant renouvelable pour la production d'électricité décarbonée.

Premier projet à combiner à un tel niveau a production, le stockage et la transmission d'hydrogène renouvelable, le projet Advanced Clean Energy Storage (Stockage d'Energie Propre Avancée), comprend  une centrale électrique à cycle combiné à turbine à gaz de 840 MW qui fonctionnera avec un mélange de 30 % d'hydrogène vert et de 70 % de gaz naturel, à partir de 2025, avant de passer progressivement à 100 % d'hydrogène vert d'ici 2045. Situé à Delta, dans l'Utah, ce projet devrait accélérer la décarbonation de tout l'ouest des États-Unis. Ce site va permettre la production d'hydrogène vert à l'échelle industrielle et à grande échelle à partir de sources d'énergie renouvelables. L'hydrogène produit sera stocké de manière sûre dans des cavernes souterraines de sel. Cet hydrogène vert emprisonné représentera plus de 300 GWh d'énergie et une seule de ces cavernes de sel suffira à stocker l'ensemble de l'énergie consommée en un mois par la Californie.

Le célèbre cabinet d'architecture Skidmore, Owings & Merrill (SOM) de Chicago propose, pour sa part, un concept futuriste de stockage d’énergie par gravité. L'idée est de construire des gratte-ciels atteignant jusqu'à 1 km de hauteur pour stocker massivement l'énergie grâce à la gravité. Le concept, simple mais très efficace, consiste à hisser de très lourdes charges au sommet de ces tours creuses pendant les périodes d'excédent de production énergétique. En cas de pics de demande, il suffira de redescendre ces poids pour faire tourner des générateurs et produire rapidement de l'électricité. Selon SOM, ces tours creuses peuvent offrir une solution de stockage d'énergie à grande échelle et bon marché. Le stockage d'énergie par gravité est déjà mis en œuvre dans plusieurs pays du monde par la société américano-suisse Energy Vault mais SOM veut la porter à un tout autre niveau en l'intégrant à des bâtiments d'un kilomètre de haut. Cette solution de stockage économique à long terme serait particulièrement adaptée pour lisser les excédents de production d'énergie renouvelable intermittente (éolien, solaire).

La Chine fait également feu de tout bois en matière de solutions innovantes de stockage massif de l’énergie. Elle vient de mettre en service la plus grande batterie gravitaire du monde (60 mètres de haut), construite par Energy Vault, dans la banlieue de Shanghai. Le système EVx, d’une capacité de 100 MWh, a été installé à proximité d’un parc éolien et d’un point de connexion au réseau national en Chine. Il vise à améliorer et à stabiliser le réseau national en stockant et en distribuant l’énergie renouvelable. La Chine dispose désormais de 9 unités de stockage gravitaire, pour une capacité totale de 3,7 GW. La Chine vient également de se doter de la plus grande installation de stockage d'énergie par air comprimé du monde. Située à Feicheng, dans la province chinoise de Shandong, cette unité d'une capacité de 300 MWh affiche un rendement de 72 % et peut fournir six heures d'électricité à 250 000 foyers locaux pendant les périodes de forte consommation. La Chine mise également sur les nouvelles batteries au sodium, moins chères et moins polluantes, pour stocker son énergie. En juin dernier, elle a mis en service la plus puissante batterie au sodium du monde (100 MWh) à Qianjiang dans la province du Hubei. Évoquons également le nouveau système de stockage géant par volants d’inertie, la Dinglun Flywheel Energy Storage Power Station, située à proximité de la ville de Changzhi, au centre de la Mongolie-Intérieure. Cette unité, la plus grande du monde actuellement, comprend 10 volants inertiels, placés dans le vide, et en lévitation magnétique, de manière à limiter au maximum les frottements et pertes d'énergie. Cette station a été conçue pour pouvoir fournir rapidement plusieurs heures d’électricité à environ 2000 foyers, en cas de besoin. De manière pragmatique et intelligente, la Chine a su diversifier les moyens de stockage innovants pour répondre au mieux à la diversité des ses besoins en matière énergétique.

En Europe, l’institut Fraunhofer, en Allemagne, travaille sur un remarquable projet de stockage d'énergie sous-marin baptisé StEnSea. Concrètement, en période de surplus d’électricité, une pompe expulse, grâce à la pression naturelle exercée par la colonne d’eau située au dessus d'elle, l’eau d'une sphère en béton de 9 mètres de diamètre, immergée à 500 mètres de profondeur. Pour récupérer l'énergie, il suffit d'ouvrir une vanne qui laisse l’eau pénétrer dans la sphère. La simple force de l’eau entrant dans cette sphère fait tourner une turbine, qui génère ainsi de l’électricité. Fraunhofer, réputé pour son sérieux, estime que cette technologie simple, fiable et écologique, peut devenir très compétitive, avec un coût estimé à 4,6 centimes par kilowattheure stocké. L'Institut allemand estime le potentiel mondial de cette technologie à 817 TWH, soit presque deux fois la consommation annuelle d’électricité en France et environ 3 % de la consommation mondiale d'électricité.

Je termine ce rapide tour d'horizon des innovations technologiques prometteuses par une très belle avancée française, réalisée il y a quelques semaines, par des scientifiques du CNRS et de l’ENS Paris-Saclay. Ces chercheurs ont identifié un mécanisme permettant à certaines molécules de restituer leur énergie sous forme thermique, puis d’être réutilisées pendant plusieurs cycles pour stocker à nouveau de l'électricité. Grâce à l'ajout d’une très faible quantité d’acide, les chimistes sont parvenus à contrôler de manière efficace ce processus réversible de restitution de chaleur. Ces molécules appartiennent à une famille de commutateurs photosensibles permettant de stocker l'énergie solaire sous forme chimique, puis de la transformer à la demande en énergie thermique. Sans entrer dans les détails très techniques de cette avancée, les chimistes ont réussi, en utilisant des pyridines (C5H5N), à conférer aux molécules une propriété d'isomérisation photochromique, c'est-à-dire la capacité de changer de forme par exposition à la lumière. Dans une solution liquide, ces molécules peuvent ainsi stocker plusieurs jours l'énergie lumineuse reçue. L'utilisation d'un acide (l'hydron, H+), permet de relâcher l'énergie solaire sous forme de chaleur. La beauté du procédé est que les molécules utilisées peuvent retrouver leur forme initiale, et être réutilisées. Selon ces chercheurs, ce processus réversible de restitution de chaleur pourrait être intégré, d'ici une dizaine d'années, aux systèmes de chauffage et de stockage d'énergie des immeubles, pour conserver et libérer à la demande, sous forme de chaleur, l'énergie lumineuse captée par les nombreux panneaux solaires (et cellules solaires souples) à haut rendement qui recouvriront les toits mais également les façades des bâtiments.

En France, Les six installations de pompage-turbinage (STEP) exploitées par EDF garantissent une puissance de stockage de plus de 5 000 MW. Mais, la forte montée en puissance des renouvelables nécessite à présent le recours à de nouveaux modes de stockage, à commencer par les batteries de grande capacité, plus souples et plus rapides à installer que les STEP, situées en zone montagneuse. La puissance des batteries stationnaires dépasse désormais les 900 MW en France, ce qui représente dix fois le total de 2020. Et selon la Commission de Régulation de l'Energie, ce parc installé devrait encore doubler en 2025, pour dépasser les 1 200 MW. Parmi les nouvelles installations qui seront raccordées au réseau l'an prochain, on compte notamment un énorme système de stockage sur le port de Nantes Saint-Nazaire. Celui-ci sera le plus puissant du pays : installée par le britannique Harmony Energy, cette batterie géante de 100 MW de puissance pour 200 MWh (mégawattheures) de stockage sera mise en service d’ici l’hiver 2025. Elle pourra assurer deux heures de stockage aux 170 000 foyers du Grand Nantes. A plus long terme, ce ne sont pas moins de 400 projets, totalisant environ 7000 MW. En 2030, notre pays devrait donc disposer d'environ 13 000 MW de capacité de stockage, ce qui ne sera pas de trop pour réguler la production électrique qui devrait, dans moins de dix ans, être issue pour un quart des énergies renouvelables, solaire et éolien principalement.

J’évoque également rapidement les progrès remarquable en matière de stockage domestique. La société Sunology vient par exemple de réinventer la batterie domestique avec Storey, une unité de stockage modulaire. Cette batterie du futur, d'une puissance de sortie de 6 kW (extensible à 24 kW), possède un système de refroidissement passif et ne fait aucun bruit. Elle détecte automatiquement les moments où l’énergie coûte le moins cher, que ce soit via vos panneaux solaires ou pendant les heures creuses. Un algorithme optimise en permanence le stockage pour maximiser vos économies. Autre nouveauté, cette batterie n'a pas besoin d’être branchée directement aux panneaux solaires ; elle peut se brancher sur une prise électrique classique et fonctionne, aussi simplement qu’un appareil électroménager. Mais le plus beau, c'est que, même sans panneaux solaires, cette batterie fonctionne de manière autonome, en se chargeant aux heures creuses pour restituer l’énergie quand les prix grimpent.

En mai dernier, l’entreprise australienne LAVO a présenté la première batterie domestique à hydrogène au monde. L’idée consiste à utiliser cet excédent d’énergie pour alimenter un électrolyseur qui produit de l’hydrogène à partir de l’eau. Ce système se présente sous la forme d’une grosse armoire métallique de 324 kg. Le boîtier comprend 4 réservoirs d’hydrogène à hydrure métallique qui supportent chacune une pression de 30 bars ainsi qu’une batterie au lithium de 5 kW. L'ensemble intègre également une pile à combustible à hydrogène et un convertisseur de tension. L’unité de stockage a été conçue pour pouvoir emmagasiner jusqu'à 40 kW d'énergie, de quoi alimenter une maison en électricité pendant une semaine sans raccordement au réseau. L'excédent d’énergie produit par les panneaux solaires est conservé sous forme d’hydrogène, qui peut, si besoin, être converti en électricité grâce à une pile à combustible. Ce système, à condition que son prix diminue dans l'avenir (27 000 euros pour l'instant), pourrait constituer une alternative prometteuse aux unités de stockage à batteries au lithium, mais sera probablement réservé, dans un premier temps, au stockage d'énergie des immeubles entiers et copropriétés.

On le voit, à côté des STEP qui resteront encore longtemps les moyens de stockage massif de l'énergie les plus importants et les plus économiques, tout un panel de nouvelles technologies de stockage, pouvant répondre de manière fiable et peu onéreuse à une grande variété de besoins, sont à présent disponibles et pourrait représenter le tiers des gigantesques capacités de stockage mondiales qui devront être installées d'ici 2050 pour intégrer l'ensemble des énergies renouvelables dans une production d'électricité appelée à représenter la moitié de la production totale d'énergie, en raison de la décarbonation globale de nos économies. Qu'il s'agisse des nouvelles batteries au sodium ou au fer, du stockage par hydrogène, ou air comprimé, ou du stockage gravitaire, inertiel, sous-marin et demain, moléculaire, chacune de ces technologies devrait connaître un fort développement et toutes se complètent et devront être combinées de manière intelligente, dans le cadre du futur paysage énergétique mondial qui sera, décarbonation oblige, infiniment plus décentralisé, diversifié, réticulaire et complexe que celui, largement responsable du réchauffement climatique actuel, que nous avons connu depuis deux siècles, dominé par les énergies fossiles.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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