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La stimulation cérébrale profonde ravive les souvenirs de patients Alzheimer
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Des chercheurs américains de l'Université de Floride ont constaté que certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer déclarent se souvenir de faits parfois très anciens lorsque l’on stimule électriquement une zone particulière du cerveau.
La stimulation cérébrale profonde (SCP) nécessite l’implantation chirurgicale d’un système comprenant électrodes cérébrales et boîtiers de stimulation (pacemakers ou générateurs d’impulsions), au moyen de câbles sous-cutanés placés sous la peau au niveau thoracique. Cette technique implique de faire des trous dans le crâne par lesquels passent les sondes de stimulation intracérébrale.
Ces observations surprenantes ont été réalisées dans le cadre d’un essai clinique reposant sur l’utilisation de la stimulation cérébrale profonde. L’essai a consisté, chez 42 patients, à stimuler une région appelée fornix (du latin fornix, signifiant arche). Cette structure du cerveau, contenue dans chaque hémisphère, appartient au système limbique et est constitué de fibres nerveuses, notamment en provenance de l’hippocampe.
L’objectif de cette étude clinique n’avait pas pour but de stimuler la mémoire. Elle consistait en effet à évaluer si la stimulation électrique du fornix pouvait ralentir le déclin cognitif associé à la maladie d’Alzheimer. De fait, aucune amélioration cognitive n’a été observée. Et c’est finalement un phénomène d’une toute autre nature qui a été constaté.
Vingt des 42 patients (48 %) ont spontanément rapporté des souvenirs vivaces de leur passé deux semaines après l’implantation des sondes de stimulation dans la région du fornix. Un passé datant parfois de plusieurs décennies. Ces souvenirs ont gagné en précision et clarté lorsque le voltage du courant de la stimulation était augmenté (jusqu’à 10 Volts), soulignent Wisham Deeb et ses collègues de l’Université de Floride à Gainesville. Un patient s’est ainsi remémoré avoir été en état d’ébriété alors qu’il sirotait une margarita dans une station balnéaire d’Aruba, une petite île des Antilles néerlandaises.
Lors d’une stimulation à une intensité de 7 V, un autre a décrit une scène où « il aidait un gars à chercher quelque chose dans sa propriété ». Lorsque l’intensité a été portée à 10 V, il s’est alors souvenu qu’ils étaient tous les deux à la recherche du fils de son voisin et que « cet événement était survenu la nuit, aux alentours d’Halloween ».
Ce même patient a déclaré ressentir une sensation de satiété, se souvenant lors d’une autre stimulation à 7 V, se tenir debout sur le porche de la première maison qu’il avait achetée et sentir l’odeur spécifique de ce qu’il allait manger. Lorsque l’intensité du courant a été portée à 8 V, ce patient s’est alors souvenu qu’il s’agissait de sardines et d’un sandwich à la moutarde. Il se souvenait d’une scène qui remonte à 23 ans.
Une stimulation à 10 V a également provoqué le rappel d’un souvenir particulièrement précis bien que très ancien : celui d’avoir frappé au visage, alors qu’il avait cinq ans, un enfant du nom de Jamie Ray et avoir sautillé dans le quartier. Lors d’une stimulation de 5 V, un patient s’est souvenu d’un chalet. A 6 V, il se souvenait d’un chalet et d’un lac. A 8 V, le souvenir d’être assis sur le porche d’un chalet près d’un lac lui est revenu.
Un autre patient s’est souvenu de son père quand il était enfant et, à une intensité de stimulation plus forte, de son mariage. Lors d’une stimulation avec un courant de 5 V, un patient s’est souvenu qu’il appartenait à l’association humanitaire Peace Corps. A 7 V, le souvenir de son mariage lui est revenu. A 8 V, celui de sa première rencontre au Peace Corps avec celle qui allait devenir sa femme. De même, il s’est souvenu avoir joué au golf, s’est rappelé de son caddy et a retrouvé le souvenir d’avoir eu une famille fantastique. Enfin, chez un autre patient, la stimulation a provoqué le rappel de souvenirs quand il était dans la Navy durant la guerre du Vietnam. Autant de souvenirs qui n’étaient donc pas à tout jamais perdus chez ces personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Au total, 20 patients ont vécu 85 flashbacks induits par la stimulation cérébrale profonde. Parmi eux, 12 ont présenté 29 réminiscences particulièrement vivaces. Six patients se sont remémoré des scènes comportant des émotions, des odeurs ou des températures.
Ces patients ont vécu ce que les neurologues et neuropsychologues nomment des « phénomènes expérientiels mnésiques » (ou « flashbacks expérientiels »). C’est le neurochirurgien canadien, Wilder Penfield, qui a le premier, induit des phénomènes mnésiques en utilisant des stimulations électriques corticales. En 1934, il avait rapporté que la stimulation cérébrale par un courant électrique de faible intensité de régions spécifiques du cortex d’un patient épileptique avait induit la réminiscence d’un événement de son passé.
Même si la stimulation cérébrale profonde de la région du fornix n’a pas amélioré la mémoire des patients et que l’on est donc loin d’une application thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer (ou les amnésies), ces résultats peuvent contribuer à une meilleure compréhension de la mémoire humaine, estiment les auteurs.
Ceux-ci ont entrepris de visualiser le trajet des fibres nerveuses de la substance blanche cérébrale de leurs patients (tractographie) et d’évaluer l’activité de leur cerveau par imagerie fonctionnelle. Objectif : identifier encore plus finement les régions impliquées dans les réminiscences induites par neurostimulation. Les résultats préliminaires semblent indiquer que 87 % des flashbacks décrits par leurs patients étaient associés à une stimulation conjointe de deux régions proches (fornix et aire sous-calleuse).
L’étude des réminiscences induites par stimulation cérébrale profonde représente donc une fenêtre sur les structures et voies neuronales impliquées dans les processus d’encodage et de rappel de la mémoire à long terme.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Neurosciences & Sciences cognitives
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