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Séquencer les fragments d’ADN circulant pour diagnostiquer le cancer

Pourra-t-on un jour détecter facilement et rapidement les cancers à un stade précoce, grâce à une simple analyse du plasma sanguin ? Oui, selon les travaux d'une équipe d’une trentaine de chercheuses et de chercheurs de différentes institutions basées à Jérusalem. En permanence, des cellules meurent dans les tissus du corps humain. Des fragments d’ADN dérivant de ces cellules peuvent alors être retrouvés dans la circulation sanguine.

Plus précisément, dans chaque cellule, les presque deux mètres d’ADN contenant l’information génétique de chaque individu sont compactés en une structure appelée chromatine dont l’unité de base d’organisation est le nucléosome, lui-même constitué de morceaux d’ADN enroulés autour de protéines nommées histones. C’est sous la forme de ces nucléosomes que des fragments d’ADN peuvent être retrouvés dans le sang. Ces fragments contiennent des informations sur leur tissu d’origine, mais également sur l’expression des gènes dans ce tissu, en lien avec des pathologies.

Les modifications épigénétiques de l’ADN et des histones, c’est-à-dire les modifications réversibles induites par l’environnement, expliquent pourquoi des cellules partageant la même information génétique peuvent exprimer différemment leurs gènes. En particulier, les marques épigénétiques portées par les histones renseignent sur la régulation récente de l’activité des gènes au sein d’une cellule, et ont été largement décrites comme jouant un rôle important dans le développement de nombreuses maladies.

L’étude montre qu’il est possible de quantifier les marques d’histones directement dans les fragments d’ADN circulant, et surtout que ces marques sont conservées depuis le tissu d’origine jusque dans la circulation sanguine. L’analyse fait appel à l’immuno-précipitation de chromatine (ChIP) pour détecter les modifications épigénétiques d’histones sur l’ADN, suivie par du séquençage à haut-débit afin de déterminer la localisation de ces modifications sur le génome. Les médecins et biologistes ont ainsi pu montrer que le signal d’une marque d’histone sur un gène donné, détecté par le ChIP-seq, était corrélé à l’expression de ce même gène. En quantifiant le signal épigénétique, cette technique permet d’évaluer quels gènes étaient exprimés par la cellule d’origine et donc de déterminer le tissu d’origine de l’ADN circulant.

En pratique, ils ont montré que chez des patients ayant subi un infarctus, un signal spécifique aux cellules cardiaques est détecté dans le sang de manière très sensible et proportionnelle au taux de troponine dans la circulation, c’est-à-dire à la gravité de l’infarctus. En utilisant une cohorte de patients présentant différentes atteintes hépatiques, l’étude met en évidence la possibilité de différencier les pathologies d’un même organe grâce aux signaux épigénétiques retrouvés sur les fragments d’ADN provenant de cellules du foie.

Enfin, en étudiant les fragments d’ADN dans le sang de patients atteints de cancer colorectal, ils ont établi une signature de 189 gènes associés au cancer colorectal et absents chez les donneurs sains : cela a permis de détecter les patients malades avec une très grande sensibilité et spécificité.

L’impact en santé publique est potentiellement immense. Avec la création d’une bibliothèque de signatures épigénétiques associées à tous types de pathologies, ce type d’analyse pourrait théoriquement être utilisé pour diagnostiquer un large spectre de maladies de manière non-invasive, à partir de simples échantillons de sang.

Dans le cas des cancers, un diagnostic plus précoce améliorerait considérablement le pronostic, la plupart des tumeurs n’étant opérables que si elles sont détectées suffisamment tôt. Mieux, cette technique pourrait également orienter la stratégie ainsi que le suivi thérapeutique, car ces travaux mettent aussi en évidence la possibilité de détecter des variations moléculaires parmi les patients porteurs de cancers.

L’identification de ces variations (mutations ou amplifications de gènes comme par exemple le gène HER2) ne nécessiterait plus de biopsie et favoriserait la prescription de traitements plus ciblés et personnalisés. Les thérapies ciblées sont généralement plus efficaces et mieux supportées par les patients car visant plus directement les cellules cancéreuses.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

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