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Edito : La robotique va révolutionner le métier d'agriculteur

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Editorial :

La robotique va révolutionner le métier d'agriculteur

Tiré par la demande mondiale de produits agricoles qui devrait augmenter de 50 % d'ici 2050, le marché mondial des robots agricoles devrait être multiplié par cinq d'ici 2030, passant de 12 milliards d'euros à 59 milliards d'euros. En France, selon l’Observatoire des usages du numérique en agriculture, le nombre de robots en service dans les cultures a été multiplié par six depuis 5 ans. Aujourd'hui, on estime à environ 2 000 le nombre de robots qui s'activent en extérieur, essentiellement dans les domaines de l'élevage et en maraîchage. Ce nombre devrait quadrupler d'ici 2027, pour atteindre les 8000 machines. Quant aux robots dans le secteur de l'élevage, leur nombre est passé de 10 000 à 18.000. En production végétale, ce sont la viticulture et le maraîchage qui sont les deux secteurs les plus équipés, devant les grandes cultures et l’horticulture.

Même si notre agriculture reste la première d'Europe, avec une production agricole annuelle d'une valeur de 95 milliards d'euros en 2022, le nombre d'exploitations agricoles ne cesse de diminuer : en 20ans, ce nombre a diminué d'un tiers, passant de 600 000 à 416 000. Quant au nombre de travailleurs agricoles, il a lui aussi logiquement diminué pour descendre à moins de 500 000 personnes, soit à peine1,5 % des actifs en 2021 contre 7,1 % il y a quarante ans.

Dans un marché agricole mondial de plus en plus concurrentiel et tendu, notre agriculture va devoir résoudre une équation particulièrement difficile d'ici le milieu de ce siècle : diversifier ses productions agricoles pour répondre aux demandes des consommateurs, tout en maîtrisant ses coûts de production et en réduisant sensiblement son empreinte écologique, environnementale et climatique. Il faut en effet rappeler que notre agriculture est la deuxième source d'émissions de gaz à effet de serre en France, juste derrière le secteur des transports, avec 85 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (MtCO2eq) émises en 2021, soient 19 % du total de nos émissions nationales.

Dans un tel contexte, la robotique agricole est appelée à jouer un rôle majeur, à la fois pour pallier le manque croissant de main d’œuvre, pour améliorer la compétitivité des exploitations, pour réduire la pénibilité des métiers agricoles et pour aller plus vite vers une agriculture plus durable et respectueuse de l'environnement, en réduisant notamment l'usage des produites phytosanitaires.

Dans le cadre de la journée technique organisée par la Chambre d’agriculture de la Nièvre, la société AgXeed a présenté un robot agricole qui vise à transformer le quotidien des exploitants. Baptisé AgBot, ce robot est capable de travailler sans supervision humaine et peut sensiblement réduire la charge de travail des agriculteurs. « Ce que le robot est en train de faire, le déchaumage de la parcelle, ça ne demande pas de compétence particulière » souligne Charles Zwaenepoel, l'agriculteur qui possède le champ utilisé pour la démonstration. Concrètement, l'exploitant commence par délimiter la mission du robot via un portail, depuis un ordinateur ou une application sur smartphone ou tablette. Une fois programmé, il peut suivre l’avancement de l’opération à distance en temps réel.

L’AgBot contient de multiples capteurs, Lidar, capteurs à ultrasons et radars intégrés, qui repèrent le moindre obstacle et réduisent les risques d’accidents. La responsabilité en cas d’accident reste imputée au constructeur, ce qui est un facteur déterminant de tranquillité pour les agriculteurs. L’intégration de robots comme l’AgBot pourrait libérer du temps précieux pour les agriculteurs, leur permettant de se concentrer sur des tâches nécessitant davantage d’expertise. Ce robot, aussi sophistiqué soit-il, n'est pas destiné à remplacer l'agriculteur. « Ce sera toujours l’agriculteur qui va décider quoi faire à quel moment », précise Charles Zwaenepoel.

Certes, l'AgBot coûte 330.000 €, soit environ le double d’un tracteur conventionnel mais il peut néanmoins s'avérer assez vite rentable, s'il est utilisé judicieusement. Selon son constructeur, l’AgBot pourrait être rentabilisé après 700 heures d’utilisation, un chiffre déjà dépassé par certains utilisateurs qui l'exploitent 2.000 heures en un an. Pour l'instant, l’AgBot réalise la préparation des sols et les semis, mais ne peut pas encore effectuer les moissons sans surveillance humaine.

Autre exemple d'innovation robotique, la plate-forme d'irrigation et de fertilisation développée par la jeune société Osiris Agriculture et présentée au Fira, le salon mondial de la robotique organisé à Toulouse en février dernier. Osiris Agriculture a conçu une rampe mobile dotée de buses et alimentée par un tuyau d’une longueur de 600 m, branché à une sortie d’irrigation, que le robot enroule et déroule. Ce robot électrique permet une économie d’eau de 30 % par rapport à un canon classique, grâce à son irrigation  plus homogène. Avec son système de guidage RTK, ce robot se déplace selon un trajet optimisé sur une parcelle délimitée par GPS. Osiris Agriculture permet également la « fertirrigation », c’est-à-dire l'ajout des engrais lors de l’arrosage. Cette machine dispose en outre du GPR (Ground Penetrating Radar), qui peut détecter l’humidité du sol et irriguer uniquement quand cela est nécessaire.

Les exploitations laitières connaissent également une transition robotique rapide, comme celle de Quentin Porquier, à Tours-en-Vimeu, en Picardie. Dans cette installation ultra-moderne, les vaches se présentent d’elles-mêmes, quand elles le souhaitent. Le robot permet ainsi une traite adaptée à chaque animal. Cette salle de traite robotisée est complétée par un mini-laboratoire. A chaque passage d'une vache, le robot recueille des informations et accumule jusqu'à 4 000 données par jour et par animal. Cette masse de données est analysée par un logiciel spécifique qui permet à l’éleveur de surveiller en temps réel la santé de son troupeau et d’améliorer ainsi sensiblement sa productivité mais aussi la qualité du lait. Quentin Porquier a également décidé de robotiser le nettoyage des litières, ainsi que la distribution de l’alimentation. L'ensemble de ces outils robotiques représente un investissement d'un million d’euros mais cette modernisation a permis à l’éleveur, qui s’est installé il y a 2 ans, de reprendre l’exploitation de ses parents et d’augmenter la taille de son élevage, pour le porter de 80 à 140 bêtes. Cet investissement important est rentable selon cet éleveur, si l'on prend en compte l’augmentation globale du volume et de la qualité du lait, l'amélioration de la productivité et la pénurie croissante de main-d’œuvre qui frappe le secteur. Et ce n'est pas un hasard si plus d'un quart des exploitations laitières sont déjà automatisées et si l'on prévoit que la moitié le sera avant 2030.

L’élevage n’est pas la seule activité agricole concernée par l'essor des nouvelles technologies : la robotique est également en train de s'imposer dans l’agriculture maraîchère. À Lagny-le-Sec dans l’Oise, une ferme robotisée et connectée de 5 000 m² a ouvert ses portes en avril dernier. On y cultive des légumes biologiques et de saison. Cette ferme dispose d'un portique de 9 mètres de long sur lequel se déplace une structure modulable. « Le robot porte-outils va aller chercher différents outils à sa disposition pour aplanir, remuer, désherber, semer et repiquer », explique Antoine Mahé, ingénieur en robotique. Pour Robin Lalieux, maraîcher depuis 2 ans et chef d’exploitation de cette ferme robotisée, le robot lui facilite la tâche. « Planter un rang de salade à la main m’aurait pris deux heures, à quatre pattes, alors que là, je le fais en cinq minutes et je reste debout tout du long », explique-t-il. L’automatisation permet ainsi de diminuer la pénibilité du travail et de pallier le manque de main-d’œuvre dans le secteur. Dans cette ferme high tech, trois maraîchers suffisent, contre au moins trente dans une ferme conventionnelle... C'est le Maire de Lagny-le-Sec, Didier Doucet, qui est à l’origine de l’installation de la ferme sur sa commune. Son objectif est de fournir localement à la population, mais aussi à l'école et la maison de retraite, des légumes bio à un prix abordable. Face au succès de ce projet, la ferme robotisée a décidé de porter en 2025 sa production à 15 tonnes de légumes bio par an.

Dans ce projet remarquable, la commune, propriétaire du site, s'est associée à la société Néofarm, concepteur de fermes maraîchères innovantes. Cette société souhaite promouvoir un modèle d’agriculture locale à faible empreinte environnementale, utilisant le moins d'énergie et d'intrants possible. « L’objectif, c'est d’industrialiser la permaculture », précise Thibault Millet-Taunay, directeur général de Néofarm, qui ajoute, « Il ne faut pas opposer la robotique et la permaculture ; nos robots permettent de cultiver sur une grande surface tout en maintenant l’équilibre de biodiversité et en restant résilient pour l’environnement ».

Depuis août dernier, dans l'Yonne, à Charbuy, près d'Auxerre, c'est également un robot qui s’occupe de l'exploitation maraîchère d'Anaïs Sanjuan, “Le jardin des vignes blanches”. Ce petit robot de désherbage OZ440 se charge des semis de carottes, puis du désherbage des rangées de légumes. L'engin, conçu par Naïo technologie, peut être modifié pour accueillir différents outils qui permettent de désherber les cultures.

CLAWS, le robot agricole de la start-up Earth Rover, a pour sa part l'ambition de révolutionner le désherbage grâce à l'intelligence artificielle et à une technologie de lumière concentrée. Fonctionnant en autonomie, en s'adaptant au contexte local, CLAWS, qui sera commercialisé en 2026, se distingue par ses deux principales fonctions : le désherbage et le monitoring des cultures. Ce robot est capable d'atteindre des zones difficiles d'accès avec les équipements traditionnels. Ce robot innovant, développé par Earth Rover, utilise une technologie brevetée de lumière concentrée pour éliminer les mauvaises herbes sans nuire aux cultures ou au sol environnant. Pour surveiller la santé des cultures, CLAWS s'appuie sur huit caméras qui collectent des données en temps réel. Ces informations sont ensuite transmises au système de contrôle et d'intelligence agricole d'Earth Rover, permettant ainsi aux agriculteurs de faire les meilleurs choix pour la santé et la croissance de leurs cultures. Fonctionnant sur batterie et énergie solaire, CLAWS opère de manière autonome, quelles que soient les conditions locales.

La viticulture n'échappe pas à cette robotisation : trois robots vignerons Bakus ont récemment été achetés en Touraine. Dans ce territoire caractérisé par des vignes étroites (150 cm), la pénurie croissante de main d’œuvre et la pénibilité du travail ont également accéléré l'arrivée des robots. Dans ce type de vignoble, le nouveau robot à propulsion électrique Bakus fait des merveilles. Polyvalent, agile et précis, ce robot peut remplir de multiples tâches, buttage ou désherbage mécanique interceps. Il pourra prochainement effectuer également la tonte entre les rangs ou rogner les vignes. Selon son fabricant, sur une base de 350 h de travail du sol annuel pour 20ha, le coût de ce robot (200 000 euros) peut être amorti en sept ans, si l'on tient compte des aides diverses correspondant à 30 % de son prix. Ce petit robot à quatre roues, plus compact qu'un tracteur, bine et désherbe, tout seul, selon un plan de travail cadré par GPS pour chaque parcelle. Le gain de temps est considérable pour le viticulteur et la machine désherbe non seulement les parcelles bio, où les désherbants chimiques sont interdits, mais également une bonne partie des parcelles conventionnelles. Ce temps dégagé permet aux viticulteurs de se concentrer sur le travail de qualité du vin. Les quatre batteries puissantes de ce robot lui permettent de disposer d'une autonomie de quinze heures par jour.

Evoquons enfin la société Aisprid, fondée en 2020, par trois jeunes ingénieurs bretons, qui s'est spécialisée dans la fabrication de robots cueilleurs de fruits et légumes. Munis d'un bras automatisé très sophistiqué, les robots conçus par Aisprid sont capables de s’améliorer constamment, grâce au recours à l'apprentissage profond. La première génération de robots récoltait les tomates en grappes et réalisait de l’effeuillage de plants, une tâche fastidieuse qui exige beaucoup de main-d’œuvre. Dix robots d’effeuillage sont actuellement déployés chez des maraîchers en Ille-et-Vilaine, dans les Côtes-d’Armor et dans le Finistère. Mais avec le Grand Ouest de la France qui rassemble presque les deux tiers de la production française de tomates, Aisprid ne compte pas s'arrêter en si bon chemin et vise la vente d'au moins 40 robots d'ici trois ans.

Il est vrai que cet étonnant robot est l'un des plus avancés au monde pour effectuer ces opérations qui nécessitent à la fois précision, délicatesse et souplesse. Ce robot se présente sous la forme d’un bras doté d’une caméra, qui scanne les plants, identifie les feuilles et les grappes. Un logiciel dédié va alors calculer le meilleur point de coupe. Le mécanisme rotatif vient se caler au ras de la tige et maintient la feuille. Lorsque celle-ci est coupée, elle peut être déposée, au choix, dans le rang ou sur le côté. Pour l’instant, un opérateur est encore nécessaire pour placer le robot en début de rang, mais les concepteurs travaillent à rendre autonome le système pour qu’il puisse passer seul d’un rang à un autre. Chaque robot est capable de couvrir une surface de 1 ha par semaine. Une fois son travail achevé, le robot envoie un SMS au producteur. Bien qu'il reste plus lent qu’un salarié expérimenté, le robot reste rentable car il ne connaît ni la fatigue, ni les limitations d'horaires. L’effeuillage est ainsi réalisé 7 jours sur 7, 20 heures par jour. Basée à Saint-Malo, Aisprid emploie déjà une vingtaine de salariés. Aisprid souhaite dépasser les opérations d'effeuillage et proposer dès que possible à ses clients des robots maîtrisant toute les opérations liées à la récolte. « Nous voulons proposer à nos clients de véritables alternatives robotiques performantes et polyvalentes, capables de palier la pénurie chronique de salariés dans l’agriculture et de préserver notre souveraineté alimentaire », souligne Nicolas Salmon, l'un des fondateurs d'Aisprid.

On le voit, les robots agricoles polyvalents autonomes et modulables sont en train de s'imposer dans tous les secteurs agricoles, des grandes cultures aux maraîchers, en passant par la viticulture. Et au rythme où ces machines se développent, on peut estimer que plus de la moitié des exploitations françaises seront équipées de ces robots de nouvelle génération d'ici la fin de la décennie. Si ces robots rencontrent un tel succès, en dépit de leur prix qui reste élevé, c'est parce qu'ils contribuent à répondre à trois défis majeurs pour notre agriculture. Premièrement, ils dégagent un temps précieux pour les exploitants, leur permettant de se recentrer sur des tâches de gestion et de commercialisation. Deuxièmement, ils permettent d'améliorer sensiblement la productivité, mais aussi la qualité des produits agricoles. Troisièmement, ils réduisent l’empreinte environnementale et climatique des cultures, en limitant ou supprimant l'usage des produits phytosanitaires et en réduisant les émissions de CO2 liées aux productions agricoles. L'arrivée massive de ces robots dans les secteurs de l'agriculture et de l'élevage s'inscrit enfin dans un cadre plus large qui est celui de l'agriculture de précision, intégrant également les drones, l'imagerie satellite et l’intelligence artificielle, pour permettre aux exploitants d'optimiser en temps réel leurs productions, mais aussi de diversifier ces productions afin de s'adapter aux effets du changement climatique. Notre agriculture ne doit donc pas craindre cette mutation technologique et doit s'en emparer pour rester demain une source majeure de création de richesses pour notre pays et assurer à nos concitoyens une alimentation de qualité, à des prix accessibles, et produite dans des conditions de respect de l’environnement et de la biodiversité...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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