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Edito : La révolution énergétique est en marche

Notre planète consomme actuellement environ 8 milliards de TEP (tonnes équivalent pétrole) pour satisfaire ses besoins en énergie, soit, en moyenne, 1,33 tonne par terrien, et cette consommation pourrait augmenter de 50 % dans les 20 prochaines années. Actuellement le pétrole représente 34 % de la consommation mondiale d'énergie, le charbon 31 %, le gaz 22%, les énergies renouvelables 7 % et le nucléaire 6 %. Mais en 2020, pour des raisons à la fois écologiques, économiques et technologiques ce paysage énergétique mondial se sera sensiblement modifié : le charbon devrait représenter 20 % de l'énergie consommée, alors que la part du gaz naturel, en dépit de son coût, devrait passer de 23 à 28 %. Le pétrole régresserait légèrement à 31 %, le nucléaire resterait stable à 6 % mais surtout la part des énergies renouvelables (comprenant l'hydraulique) pourrait passer de 7 % à 15 %. Cette évolution vers un diversification et une décentralisation accrues de la production d'énergie montre bien le rôle de plus en plus important que sont appelées à jouer l'ensemble des énergies renouvelables au cours du XXIe siècle. Selon l'Institut Français de l'Environnement (Ifen), la France devra faire des efforts pour atteindre les objectifs communautaires en matière d'utilisation des énergies renouvelables dans la production d'électricité. "A l'horizon 2010, elles devraient contribuer à produire 15,5 % de l'électricité : une part inférieure à l'objectif de 21 % indiqué par la Commission européenne", souligne l'Ifen. L'évaluation de l'Institut tient compte d'un scénario où la consommation d'électricité continue à s'accroître et où les efforts se concentrent sur l'exploitation du biogaz et l'énergie éolienne. "Pour l'énergie éolienne, le potentiel à exploiter est encore très important puisqu'elle pourrait fournir à elle seule 10 à 20 % de l'électricité distribuée en France", avance l'Ifen. Pourtant la France a une puissance installée en éolien de moins de 100 MW contre 6.600 MW pour l'Allemagne! Si la France veut respecter la directive sur les énergies renouvelables elle devra faire un effort considérable dans ce domaine de l'éolien. Mais selon l'Institut, il ne faut oublier ni la maîtrise de la demande ni les gisements d'énergies renouvelables tels que le solaire, la biomasse ou la géothermie. S'agissant de l'énergie solaire il faut rappeler que la France dispose de conditions d'ensoleillement favorables et que notre gisement national d'énergie solaire reste largement sous exploité. Sait on que, même dans le nord de la France ou ensoleillement n'est pas le plus important, 7 m2 de capteurs solaires suffisent à couvrir la moitié des besoins en eau chaude d'une famille de 5 personnes, ce qui représente environ 5000kWh/an. Une telle installation revient à 10000 FF et permet d'économiser environ 1800 FF par an; elle est donc amortissable sur moins de 6 ans. Il faut donc tout mettre en oeuvre, notamment sur le plan fiscal, pour développer cette utilisation domestique simple et efficace de l'énergie solaire qui peut encore être rendue plus performante par le couplage avec une pompe à chaleur, et, à plus long terme avec une pile à hydrogène domestique. Il convient également d'encourager la production d'électricité par des sources d'énergie renouvelable en fixant pour cette électricité un juste prix d'achat qui permette aux producteurs "propres" de réaliser les très gros investissements nécessaires. Mais les énergies renouvelables ne se limitent pas à l'hydraulique au solaire et au vent. D'autres sources d'énergie renouvelable pourraient être considérablement développé dans notre pays, compte tenu de son cadre géographique et climatique. Parmi celles-ci il faut citer la biomasse mais aussi l'énergie thermique des mers et l'énergie de vagues qui constituent des gisements d'énergie considérables et exploitables à moyen terme dans des conditions acceptables de rentabilité économique, si l'on intègre le "bonus" écologique de ces sources d'énergie et les progrès technologiques remarquables intervenus depuis 20 ans dans ces domaines. Cette révolution énergétique que nous sommes en train de vivre ne se limite pas à la diversification et à la décentralisation de la production d'énergie, elle touche également à la distribution de cette énergie et aux transports. La mise en place d'un réseau de câblage électrique révolutionnaire vient de commencer à Detroit (Michigan), marquant ainsi une première mondiale. Ce réseau utilise, pour la première fois à grande échelle, le phénomène de la supraconductivité. Les premiers 400 mètres d'un câble supraconducteur ont été installés par des ouvriers de l'entreprise d'électricité Detroit Edison dans le centre-ville. L'entreprise américaine de haute-technologie American Superconductor et le fabricant de câble italien Pirelli ont collaboré à la mise au point de ce câble. L'ancien câblage en cuivre d'un poids de neuf tonnes va être remplacé d'ici la fin de l'été par ce nouveau maillage qui ne pèse que 1.250 kg. Il desservira dans un premier temps 14.000 foyers. Ce type d'équipement présente un gain multiplié par trois en efficacité par rapport au réseau actuel", a affirmé Jon Jipping, directeur de Detroit Edison. Un métal supraconducteur présente la particularité, lorsqu'il est refroidi à une certaine température, de n'offrir aucune résistance au passage de l'électricité. Fruit de dix années de recherches, le câble utilisé à Detroit est de type supraconducteur à haute température ou "High Temperature Superconductors", (http://www.ornl.gov/HTSC/htsc.html ). Il est ultra-léger, ultra-fin et extrêmement souple. Surtout, parce qu'il n'offre aucune résistance à l'électricité, il est capable de transporter davantage d'électricité qu'un câble classique et, le tout, sans pratiquement aucune déperdition d'énergie. Depuis 1986, la recherche sur la supraconductivité s'est accélérée, avec la découverte par deux chercheurs d'IBM d'un nouvel alliage capable de devenir supraconducteur à partir de 34 degrés Kelvin (-239,5 degrés C). Des recherches ultérieures ont permis d'atteindre des températures de 92 degrés Kelvin, puis 125, c'est-à-dire bien au-dessus de la température de liquéfaction de l'azote (77 K ou 196 degrés C). Ces progrès ont ouvert la voie à de nombreuses applications potentielles. Des alliages supraconducteurs rendraient les réseaux électriques en cuivre obsolètes et permettraient de mettre au point des moteurs, dont la taille pourrait être réduite de 80%. Les scientifiques n'excluent pas non plus de parvenir un jour à mettre au point des matériaux supraconducteurs à température ambiante. A plus long terme il sera possible de stocker sans perte l'électricité dans des bobines supraconductrices. Le Japon est également très impliqué dans ce domaine et la firme japonaise Fujikura Ltd. vient d'annoncer avoir réussi a mettre au point en commun avec le Superconductivity Research Laboratory une technique de fabrication plus efficace de câbles supra-conducteurs a base d'yttrium. En effet, la nouvelle vitesse est de 1 m/h, soit environ 20 fois plus grande que celle des techniques employées jusqu'à présent. Cette nouvelle technologie devrait aboutir à des produits commercialisables de 1 km de long dans les 5 années qui viennent. Mais c'est sans doute dans le domaine des transports qui connaît un développement mondial considérable que la révolution en matière d'énergie va être la plus rapide et la plus profonde grâce notamment aux extraordinaires progrès de la pile à combustible. Daimler-Chrysler, en pointe dans ce domaine, veut équiper avant 2004 leur Mercedes Classe A d'une pile à combustible, tout en lui conservant des performances, une autonomie et une ergonomie comparables à celles des voitures à moteur classique. Une pile à combustible produit de l'électricité à partir d'un combustible, stocké dans un réservoir externe. La mise au point d'une telle pile s'accompagne donc nécessairement d'une réflexion sur le combustible lui-même: il doit être facile à stocker à bord du véhicule et compatible avec les infrastructures de distribution de carburant existantes. Pour leurs piles à combustible, Daimler-Chrysler et d'autres constructeurs automobiles ont pour l'instant délaissé l'hydrogène au profit du méthanol, pour des raisons de sécurité liées au stockage. Ce carburant est aussi simple à manipuler que du super ou du gazole et ne nécessite aucune adaptation des stations-service. Il suffit de lui réserver une cuve, comme ce fut le cas pour l'essence sans plomb et pour le super 98. Du jour au lendemain, on pourrait faire le plein de méthanol à la pompe. Mais la pile à combustible ne peut pas fournir de l'énergie directement à partir du méthanol car elle n'utilise que l'hydrogène de ce carburant. Entre le réservoir et la pile proprement dite, les constructeurs automobiles ont donc ajouté un dispositif qui extrait l'hydrogène du méthanol: le "réformeur". Jusqu'ici, pour fournir l'énergie suffisante à une voiture de tourisme, cet ensemble de production d'électricité était bien trop volumineux et pesant. Dans les premiers prototypes, il occupait toute la place du coffre et des sièges arrière. Mais les ingénieurs sont parvenus, en moins de 10 ans, à miniaturiser le couple réformeur-pile et améliorer son rendement de manière à accroître la puissance électrique disponible. Chez Daimler-Chrysler, le dispositif a ainsi perdu 300 kg en moins de trois ans: désormais, tous les éléments du générateur électrique tiennent dans le double plancher du prototype Necar 5 (New Electric Car 5), dont l'apparence diffère peu de celle de la Classe A traditionnelle. Quant à la puissance, elle est passée de 50kW à 75 kW, soit 102 ch, ce qui devrait procurer une puissance réelle de 80 à 90 ch, compte tenu des pertes d'énergie mécaniques. Daimler-Chrysler annonce déjà une vitesse de 145 km/h et une autonomie de 600 km. Renault pour sa part travaille sur une pile fonctionnant à l'essence ou au gazole dans le cadre d'un programme de recherche associant Renault, le groupe PSA et le ministère de la Recherche; ce programme visait à étudier des couples pile-réformeur capables d'exploiter du méthanol mais aussi de l'essence ou du gazole. Le but de ce programme n'est pas de mettre au point un véhicule purement électrique mais d'explorer toutes les applications de la pile à combustible. Parmi celles-ci, Renault en a retenu une qui pourrait être intéressante à court terme : l'intégration d'une pile de moyenne puissance servant de batterie auxiliaire pour alimenter un moteur électrique d'appoint. Renault dispose déjà de ce moteur. C'est l'Adivi (Alternateur-démarreur intégré au volant d'inertie (http://www.sciences-et-avenir.com/techno/page96.html ). Il s'assemble sur un moteur à essence ou Diesel standard. Les 5 kW d'électricité qu'il requiert pourraient être fournis par une pile à combustible fonctionnant à l'essence ou au gazole. Ce système permet une transition en douceur pour le conducteur qui utilise un seul carburant pour alimenter à la fois le moteur thermique et la pile à combustible. Renault, en collaboration avec Nissan, pense commercialiser des voitures ainsi équipées dès 2003. Mais l'électronique permet aussi d'améliorer considérablement les performances de nos moteurs thermiques actuels. C'est ainsi que General Motors vient d'annoncer une innovation majeure qui permet de réduire de 25% la consommation en carburant de ses poids lourds et de ses véhicules 4x4. Le moteur Vortec V8 est équipé de capteurs informatises qui lui permettent, a la demande du conducteur, de ne faire fonctionner que quatre des huit cylindres durant un trajet effectué en conduite normale. Ce nouveau moteur devrait être installe des 2004 sur les modèles de ce constructeur qui compte en construire 1,5 million d'exemplaires d'ici 2007. (

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http://www.gmpowertrain.com/news/vortec8100.htm ). On voit donc que tous les secteurs d'activité humaine vont être bouleversé bien plus vite qu'on ne l'imagine par cette révolution qui touche l'ensemble de la filière énergétique, de la production à la consommation en passant par la distribution et le stockage. C'est pourquoi il est capital que la France, qui dispose d'atouts naturels, économiques et technologiques de premier ordre, joue un rôle de pionnier dans cette mutation énergétique planétaire qui sera, avec les biotechnologies et les technologies de l'information, un des moteurs majeurs de la compétitivité et du développement économique mondial durant ce nouveau siècle.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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