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La régénération des cellules est peut-être pour demain
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Comment la nature s'y prend-elle pour faire renaître le corps mutilé ? "On se pose la question depuis deux siècles. Même Réaumur s'est intéressé à l'affaire. Il y a une dizaine d'années encore, les recherches piétinaient, elles avaient même mauvaise réputation." Les temps ont changé. Témoin, le livre que viennent de publier Jacqueline Géraudie et Patrizia Ferretti, Bases cellulaires et moléculaires de la régénération, des invertébrés à l'homme, 450 pages en anglais, "histoire de faire le point des connaissances qui partent dans tous les sens". La "biologie de la régénération", dopée par la biologie moléculaire, est aujourd'hui une science en plein bourgeonnement. Les éprouvettes où flottent les nageoires de poissons zèbres réfléchissent des rêves vertigineux. Cultiver à l'infini des cellules de tout genre, prêtes à être greffées. Ou mieux, inciter le corps à reconstruire les os, les muscles, les neurones qu'il a perdus. La stratégie est plus ambitieuse que la fabrication de prothèses ou la greffe d'organes. Elle suppose la résolution des énigmes majeures au coeur des processus de régénération: comment une cellule sait-elle qu'elle doit se diviser et se "différencier" en cellule de peau plutôt que de muscle, d'os ou de système nerveux ? Comment se décide sa destinée? Ces questions sont au centre des plus récents exploits de la biologie. En 1997, des biologistes écossais ont prouvé qu'une cellule de glande mammaire de brebis pouvait se transformer en embryon et donner vie au premier clone d'adulte: Dolly. Le mois dernier, des Américains ont annoncé avoir réussi à multiplier en culture des cellules d'embryon humain, les empêchant de se différencier, ce qui est leur vocation naturelle. Performances empiriques, jouant sur les comportements cellulaires fondamentaux - différenciation, prolifération - à l'oeuvre dans la régénération, mais aussi dans le développement de l'embryon et des cancers. Nul hasard si des centaines de chercheurs dans le monde travaillent à leur décryptage. Tel est le défi des biologistes qui, tel Jeremy Brokes (Ludwig Institute for Cancer Research, à Londres) et Jacqueline Géraudie, s'acharnent à comprendre comment un triton blessé se refait une belle patte ou un poisson zèbre une nageoire fraîche. Dans tous les cas, en réaction immédiate à l'amputation, des cellules s'agrègent sur le lieu de la lésion jusqu'à former comme un bourgeon nommé "blastème de régénération". "C'est un véritable milieu de culture cellulaire" explique Jacqueline Géraudie. Il est en effet bourré de "signaux moléculaires", ces substances chimiques très particulières (au rang desquelles figurent les facteurs de croissance) sécrétées par des cellules pour agir sur d'autres cellules. Sous l'effet de "signaux", émis notamment par les neurones, les cellules du blastème se "dédifférencient", se spécialisent à nouveau en cartilage, en muscle, en peau, avant de proliférer selon un plan précis de reconstruction du membre. Tout comme les cellules d'un embryon, elles "savent" exactement quel rôle elles doivent assumer selon leur position dans l'organisme. Or normalement, des cellules différenciées ne se divisent pas. Elles vieillissent et meurent. Quels sont donc ces signaux moléculaires capables d'infléchir les destinées cellulaires? De quels gènes dépend leur action? Des poissons zèbres mutants, incapables de régénérer leurs nageoires, devraient permettre de découvrir les mécanismes génétiques indispensables à ce travail de reconstruction. Ils aideront peut-être les hommes à régénérer leurs tissus blessés. Selon la théorie du biologiste Richard Goss (Brown University, Rhode Island), les mammifères n'auraient pas perdu, au fil de l'évolution, la capacité de régénération dont sont doués les organismes inférieurs. Cette aptitude serait toujours là, tapie au coeur de leurs cellules. Simplement, elle serait inhibée par l'action de signaux moléculaires. Comprendre ces mécanismes extraordinaires mais très complexes de régénération n'est à présent plus tout à fait un rêve et ouvre des perspectives fascinantes pour la médecine du XXI eme siècle.
(Libération/24/11/98)
http://www.liberation.com/quotidien/semaine/981124marv.html
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