Le réchauffement de la fin du Paléocène serait d’origine volcanique
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La Terre subit actuellement un changement climatique rapide, avec une hausse de la température moyenne globale déjà supérieure à 1°C comparée à la période préindustrielle, donc en à peine cent cinquante ans. Cette hausse est causée par les activités humaines, et notamment la combustion d’énergies fossiles qui émet des gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone (CO2). Ce phénomène est exceptionnel dans l’histoire climatique de la planète : les transitions entre les périodes chaudes et froides ont toujours été, jusqu’ici, lentes et progressives, car les facteurs dominant ces changements sont liés à des variations des paramètres astronomiques (l’inclinaison de la Terre, l’ellipticité de son orbite, etc.) dont les durées caractéristiques se comptent en dizaines de milliers d’années, ou des paramètres géodynamiques, qui agissent sur des échelles de plusieurs millions, voire dizaines de millions d’années.
La transition du Paléocène à l’Éocène, il y a 56 millions d’années, fait figure d’exception. Elle est caractérisée par un réchauffement rapide du climat : + 5 à 8°C en moins de 20 000 ans. On parle de maximum thermique Paléocène-Éocène (PETM). Ce réchauffement "brutal" a profondément perturbé la circulation océanique et atmosphérique, ainsi que les écosystèmes, et a entraîné une modification de la faune océanique (extinctions d’espèces d’eaux profondes) et des continents (en influant par exemple sur l’évolution des mammifères).
Plusieurs hypothèses avaient déjà été proposées pour expliquer le maximum thermique Paléocène-Éocène, par exemple le rejet dans l’atmosphère de méthane, un puissant gaz à effet de serre, provenant soit de la déstabilisation d’hydrates de méthane présents sous le fond des plateaux continentaux, ou de la décomposition du carbone organique du pergélisol. Mais aucune de ces explications ne semblait correspondre parfaitement aux données disponibles sur la chronologie de l’événement et la quantité de gaz à effet de serre requise. Thomas Gernon, de l’Université de Southampton, et ses collègues viennent de proposer une nouvelle hypothèse pour expliquer l’ampleur du maximum thermique Paléocène-Éocène.
Selon eux, le réchauffement rapide aurait été causé par d’importants rejets de dioxyde de carbone d’origine volcanique, liés à un amincissement de la lithosphère continentale dans l’hémisphère Nord. En effet, on retrouve dans l’Atlantique nord (au niveau du Groenland, des îles Féroé ou encore du fossé de Rockall, au large de l’Irlande et de la Grande-Bretagne) les traces d’une activité magmatique continentale intense contemporaine du maximum thermique du Paléocène-Éocène. Cette activité a précédé de peu la déchirure de la croûte continentale qui a conduit à l’ouverture de l’Atlantique nord. Thomas Gernon et ses collègues ont donc cherché à estimer si cette activité volcanique intense aurait été suffisante pour rejeter les quantités de CO2 nécessaires au réchauffement de la transition Paléocène-Éocène.
Les chercheurs ont d’abord quantifié le CO2 émis en période normale par le volcanisme de dorsale océanique, et ont montré que cette source était insuffisante pour expliquer la quantité de carbone rejeté dans le système océan-atmosphère pendant le maximum thermique Paléocène-Éocène. Ensuite, en étudiant la composition des roches magmatiques de l’Atlantique nord avant, pendant et après le maximum thermique, ils ont mis en évidence non seulement une intensification de la fusion dans le manteau de la lithosphère continentale à cette époque, mais aussi que les roches ayant fondu possédaient une forte teneur en carbonates, des minéraux riches en carbone.
Grâce à des modèles numériques, les géologues ont estimé la quantité de roche fondue et de CO2 libéré qui s’est ajouté au volcanisme d’arrière-plan. Ils ont obtenu un volume supérieur à 10 000 gigatonnes de carbone, seuil requis pour expliquer le maximum thermique Paléocène-Éocène. Cette période d’activité magmatique intense a duré entre 170 000 et 210 000 années, soit autant que le maximum thermique, et aurait connu son pic juste avant le début de celui-ci, expliquant le réchauffement rapide initial.
À partir de ces données, les chercheurs ont proposé le scénario suivant : sous l’effet de forces d’extension, la lithosphère continentale qui rassemblait l’Europe et l’Amérique du Nord s’est progressivement amincie puis déchirée, entraînant l’ouverture de l’Atlantique nord. Juste avant la déchirure continentale, à la toute fin du Paléocène, la décompression des roches du manteau lithosphérique riches en carbone sous la zone d’extension a provoqué leur migration vers la surface et leur fusion. Cette fusion a entraîné un magmatisme très intense qui a rejeté de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère et dans les océans (50 mégatonnes de carbone par an, soit environ 15 000 gigatonnes au total sur la période considérée), quantités suffisantes pour expliquer le maximum thermique Paléocène-Éocène. Selon les chercheurs, cet exemple montre que la géodynamique interne de la planète est susceptible de modifier rapidement et profondément le climat et donc les écosystèmes terrestres.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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