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Edito : Quand les ondes soignent le corps et l’esprit

Bien qu’elle fasse l’objet de recherches et d’expérimentation depuis plus de soixante ans, la médecine ondulatoire, reposant sur l’utilisation de différents types de rayonnement électromagnétique de basse énergie (excluant donc le champ de la radiothérapie qui utilise des radiations ionisantes de haute énergie), allant de la lumière aux ultrasons, en passant par les champs magnétiques, est longtemps restée une curiosité de laboratoire ou un outil aux indications thérapeutiques limitées. Mais, depuis quelques années, des avancées considérables ont fait de cette nouvelle approche une technique de soins à part entière, à présent utilisée contre une multitude de pathologies, comme les maladies neurodégénératives, les troubles neurologiques ou psychiatriques, ou la prise en charge des douleurs réfractaires.

Il y a un an, une équipe britannique de l’UCL (Voir UCL) a passé en revue les analyses d’électroencéphalogramme (EEG) à partir d’électrodes dans le cerveau de 25 patients atteints d’épilepsie focale (un type d’épilepsie caractérisé par des convulsions provenant d’une partie spécifique du cerveau), alors qu’ils effectuaient une tâche de mémoire associative. Au cours de ces expériences, les participants ont visionné 27 paires d’images restées sur un écran pendant six secondes. Les images étaient réparties en neuf groupes de trois – chaque groupe présentant une image d’une personne, d’un lieu et d’un objet. Dans chaque situation, les participants devaient se rappeler quelles images avaient été regroupées. Après analyse des données EEG, l’équipe a découvert que le cerveau des personnes épileptiques produisait des ondes lentes – d’une fréquence inférieure à un Hertz – alors qu’elles participaient à cette expérimentation. Les chercheurs ont constaté que l’apparition de ces ondes lentes augmentait parallèlement à l’augmentation de l’excitabilité cérébrale et diminuait l’impact des pics d’épilepsie sur l’activité cérébrale. Selon le Professeur Matthew Walker, qui dirigeait ces travaux, « Le sommeil est crucial pour la réparation, l’entretien et la réinitialisation de l’activité cérébrale. Cette étude dévoile, pour la première fois, un mécanisme de protection potentiel, les ondes lentes de réveil, utilisées par le cerveau pour contrecarrer l’activité épileptique ».

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive, ou rTMS, permet également de traiter des patients atteints de dépression résistante. Elle présente l'avantage d'entraîner très peu d'effets secondaires. En France, le Docteur Alexis Bourla. Psychiatre, spécialiste en neurostimulation, à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, utilise avec succès la rTMS contre la dépression. Cette technique thérapeutique peut également soulager certaines douleurs neuropathiques rebelles. Cette technique non invasive produit des impulsions magnétiques qui vont stimuler des zones du cerveau différentes en fonction de la pathologie ciblée. Cette forme de stimulation permet une dépolarisation des neurones qui peuvent ainsi mieux se reconnecter aux autres aires cérébrales. La rTMS est à présent employée à large échelle contre la dépression dans de nombreux pays développés. Elle peut aussi s’avérer utile pour traiter d'autres pathologies telles que les TOC, l’addiction au tabac, les troubles anxieux, mais également des troubles bien plus sévères, comme la schizophrénie. La rTMS facilite la libération de la sérotonine, de la dopamine et du GABA au niveau des aires cérébrales. Le cerveau retrouve alors une meilleure capacité à contrôler le circuit des émotions. Cette nouvelle approche par stimulation magnétique permet d’obtenir des améliorations sensibles chez les deux tiers des patients qui voient leurs symptômes diminuer progressivement : ils retrouvent un meilleur sommeil et des capacités de concentration améliorées. Aujourd’hui, une centaine de centres pratiquent cette technique, qu’il s’agisse d’hôpitaux psychiatriques, de CHU, ou des cliniques privées.

Il y a quelques semaines, des chercheurs sud-coréens ont présenté une nouvelle approche de stimulation cérébrale basée sur la « magnéto-génétique ». Cette technique pourrait être utilisée pour soulager les malades atteints de Parkinson et souffrant de troubles moteurs (Voir ACS Publications). Actuellement, les malades atteints de troubles moteurs sévères peuvent être traités par la stimulation cérébrale profonde (SCP). Cette technique reste toutefois invasive et nécessite une implantation des électrodes dans le cerveau pour stimuler différentes aires cérébrales. Mais ces chercheurs sud-coréens ont mis au point une technique de stimulation neuronale sans fil, à base de nanostructures magnétiques. Ce nouvel outil de stimulation utilise la « magnéto-mécanique-génétique (MMG) et repose sur l’utilisation de très petits aimants pour activer des cellules nerveuses spécifiques, génétiquement modifiées.

Testée sur des souris atteintes de la maladie de Parkinson, cette nouvelle technique a permis de diminuer de moitié les symptômes moteurs des rongeurs, que la maladie soit à un stade précoce ou avancé. En outre, cette stimulation magnéto-génétique semble provoquer des effets thérapeutiques durables. Il s’agit donc d’un véritable espoir pour les huit millions de personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans le monde (Voir Nature).

Rappelons qu’en France, les recherches des professeurs Benabib et Pollack ont montré, dès les années 70, le grand potentiel thérapeutique de la stimulation cérébrale profonde par ondes à haute fréquence dans le traitement des symptômes liés à la maladie de Parkinson. Grâce à ces travaux pionniers, qui ont valu au Professeur Benabib le prestigieux Prix Lasker en 2014, des centaines de milliers de malades dans le monde peuvent aujourd’hui bénéficier de ce traitement par stimulation magnétique. Le Professeur Benabib a été également l’un des premiers scientifiques à percevoir les possibilités d’élargissement thérapeutique de cet outil à l’épilepsie, mais également à la dépression et à toute une gamme de troubles psychiatriques. Cet éminent chercheur, mondialement réputé, continue d’ailleurs ses recherches dans le cadre du projet Clinatech visant au développement des nanotechnologies appliquées à la médecine.

Une autre étude publiée il y a quelques semaines et réalisée par des chercheurs du MIT a montré que la stimulation multisensorielle gamma, une technique non invasive, pouvait éliminer les protéines amyloïdes, via le système glymphatique, responsable de l’élimination des déchets métaboliques et toxiques du système nerveux central. De précédentes recherches avaient déjà montré que la maladie d’Alzheimer altère le système glymphatique en réduisant la pulsation artérielle, ce qui entraîne l’accumulation de protéines toxiques. Dans ces recherches, les chercheurs ont administré à des souris des simulations multisensorielles 40 Hertz. Ils ont alors observé une dilatation des vaisseaux lymphatiques qui drainent ces fluides et une meilleure élimination des protéines amyloïdes.

Une autre équipe de scientifiques de la faculté de médecine de l’université de Washington à Saint-Louis a également montré que les ondes cérébrales lentes facilitent l’élimination des déchets par le cerveau pendant le sommeil (Voir Nature). Les cellules nerveuses semblent se synchroniser pour produire des ondes rythmiques qui propulsent le liquide à travers les tissus cérébraux, permettant ainsi un nettoyage en profondeur des tissus. Ces recherches montrent qu’il est, en théorie, possible de retarder ou de prévenir de nombreuses maladies neurologiques, comme Alzheimer et Parkinson, qui se caractérisent par une accumulation excessive de déchets.

Des travaux récents montrent également que les ultrasons focalisés de faible intensité sont en mesure de soulager certaines douleurs chroniques et rebelles en agissant directement sur certaines régions du cerveau. Il y a quelques semaines, une étude de l’Ecole de Médecine de Virginie a révélé un moyen non-invasif et efficace de réguler une importante région du cerveau impliquée dans le traitement de la douleur, tout en éliminant bon nombre des risques associés aux interventions chirurgicales. Selon le Professeur Wynn Legon, qui a dirigé ces recherches, « Cette approche offre un nouveau moyen de moduler l'activité cérébrale en réponse à la douleur, ce qui pourrait changer en profondeur la façon dont nous aborderons et traiterons la douleur à l'avenir » (Voir JNeurosci).

Pour tester l’efficacité des ultrasons focalisés de faible intensité dans cette zone cérébrale, les chercheurs ont mené une étude auprès de seize participants en bonne santé. Durant trois séances réalisées sur trois jours différents, ceux-ci étaient soumis à une brève chaleur sur la peau. Au même moment, les scientifiques mesuraient leur perception de la douleur, la variabilité de leur fréquence cardiaque, les réponses cutanées et les signaux électriques de leur cerveau. Résultats : grâce aux ultrasons focalisés de faible intensité dirigés vers le cortex cingulaire antérieur dorsal, les participants ont ressenti moins de douleurs. Ils en concluent donc que l’utilisation d’ultrasons focalisés de faible intensité réduit la douleur, mais modifie également la façon dont le corps y réagit. « Cette étude est l'une des premières montrant qu’il est possible de modifier trois domaines d'activité majeurs, à savoir la perception de la douleur, l'activité cérébrale et l'activité cardiaque », explique Andrew Strohman, l’un des auteurs. « Les prochaines étapes consisteront à examiner la manière dont ces paramètres sont liés les uns aux autres et à explorer comment ces résultats peuvent être appliqués pour améliorer la vie des patients souffrant de douleur chronique » (Voir Medical Xpress).

En août dernier, Les chercheurs de Stanford ont développé un appareil qui est capable de traduire les signaux cérébraux des personnes paralysées en mots avec une vitesse et une précision accrues par rapport aux technologies précédentes. Cette technologie novatrice repose sur les circuits cérébraux qui deviennent actifs lorsque la personne pense à parler. Après quatre mois d'apprentissage du logiciel, ce nouvel outil a permis à une patiente de 68 ans, Pat Bennet, atteinte depuis 2012 de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une pathologie neurodégénérative (aussi connue sous le nom de maladie de Charcot), de traduire ses pennées en mots, à une vitesse inédite de 62 mots par minute, soit environ trois fois plus rapide que les technologies antérieures (Voir Nature).

Pour réaliser cette prouesse, quatre électrodes en silicium ont été placées dans chacun des hémisphères du cerveau de la patiente, puis connectés par des fils d’or à des implants crâniens reliés à un ordinateur, qui décode, grâce à une intelligence artificielle (IA), les signaux électriques envoyés par le cerveau de Patt Bennett. L’IA associe ensuite ces signaux électriques à une banque de 125.000 mots. Cette technologie révolutionnaire a permis à Pat Bennet de s’exprimer à la vitesse inédite de 78 mots par minute, avec une précision syntaxique de 75 %.

Récemment, des chercheurs de l'Université de Virginie ont réussi à utiliser des ultrasons focalisés pour lever la barrière protectrice du cerveau afin que les médecins puissent enfin administrer de nombreux traitements pour combattre les maladies neurologiques. Cette technique pourrait révolutionner les traitements de plusieurs maladies neurologiques, comme l’épilepsie et Alzheimer, mais également permettre une meilleure récupération après un AVC (Voir UVA Health).

En 2022, une autre équipe de l’Université de Virginie a montré les potentialités thérapeutiques des ultrasons focalisées pour le traitement des tremblements essentiels réfractaires aux traitements conventionnels. Les chercheurs ont travaillé avec un groupe de 40 volontaires atteints de tremblement essentiel. Ceux-ci ont bénéficié d’une séance d’ultrasons focalisés au niveau de certaines zones de leur cerveau ; le traitement, non-invasif, était guidé par imagerie par résonance magnétique (IRM) afin de cibler au mieux les zones cérébrales impliquées dans le tremblement essentiel. Cinq ans après l’intervention, les participants rapportent (en moyenne) une diminution de 70 % de leur tremblement essentiel : certains patients parmi les plus sévèrement atteints sont même parvenus à retrouver la capacité d’écrire à la main ou de manger de façon autonome. Cette avancée est d’autant plus importante que les patients souffrant de tremblements essentiels ont également plus de risques de démence.

Fin 2023, l’équipe de Jaimie Henderson, de l’université Stanford, a présenté un nouvel implant cérébral capable de stimuler le thalamus, une aire du cerveau liée à l’apprentissage et à la mémoire, et d’améliorer sensiblement certaines fonctions cognitives de personnes souffrant de lésions cérébrales. Cet implant a été testé sur six sujets âgés de 22 à 60 ans ayant subi un traumatisme crânien et présentant des troubles cognitifs persistants, tels qu’une mémoire défaillante ou des problèmes d’attention. Les chercheurs ont constaté, à leur grande surprise, que les participants amélioraient jusqu’à 50 % les résultats de leurs tests cognitifs. « Ces résultats nous ont vraiment surpris et ouvrent de réelles possibilités de restauration, voire d’amélioration des fonctions cognitives », souligne Nicholas Schiff, qui a dirigé cette étude.

Evoquons enfin une fascinante étude publiée en octobre dernier et réalisée par des chercheurs de l’Inserm. Ces scientifiques ont découvert, à leur grand étonnement, que la stimulation magnétique de macrophages humains infectés permet à ces cellules immunitaires de neutraliser l’agent pathogène qu’elles contiennent (Voir MDPI). Ces chercheurs ont utilisé des macrophages humains placés dans des boîtes de culture. Dans un premier temps, ils ont vérifié l’absence de toxicité du champ magnétique sur ces cellules en testant plusieurs niveaux de puissance et de fréquence. Les seuils équivalents à ceux utilisés en pratique clinique courante se sont révélés sans risque pour les macrophages. Dans un second temps, le "comportement" des cellules a été scruté, notamment en s’intéressant à l’activité d’une voie de signalisation impliquée dans la protection des cellules contre différents types de stress : « Cette voie dépend de la protéine Nrf2 qui est activée en cas d’agression et déclenche des mécanismes de défense cellulaire », explique Thérèse Deramaudt, première auteure de ces travaux. L’équipe a constaté que le champ magnétique stimulait cette voie importante.

Comme la voie Nrf2 est notamment impliquée dans l’élimination des agents infectieux captés par les cellules, ces chercheurs ont également testé l’effet de la stimulation magnétique sur des macrophages infectés par un staphylocoque doré, une bactérie potentiellement très virulente, susceptible de coloniser la peau et les muqueuses et de provoquer des pneumonies. Les résultats de cette expérience ont été pour le moins surprenants : le champ magnétique a aidé les macrophages à se débarrasser de l’agent infectieux. Il semblerait donc qu’en exposant ces cellules à des champs magnétiques d’une intensité et d’une fréquence particulière, on puisse augmenter la capacité de réponse du système immunitaire à une agression bactérienne.

« Cela peut paraître incroyable mais en stimulant des macrophages avec un champ magnétique in vitro pendant cinq minutes, nous avons déclenché une activité anti-infectieuse », souligne Marcel Bonay qui a dirigé ces travaux. Pour celui-ci, il serait possible de prélever des cellules dans le sang d’une personne infectée, de les stimuler ex vivo, puis de les réadministrer au même patient pour augmenter ses défenses immunitaires. Ces résultats tout à fait surprenants ouvrent un vaste champ de recherche concernant les potentialités thérapeutiques de la stimulation magnétique sur le système immunitaire.

Il est frappant de constater à quel point cette nouvelle médecine ondulatoire progresse rapidement et étend chaque jour un peu plus son champ d’action et son efficacité. Mais il serait cependant stérile de vouloir opposer la médecine allopathique, qui a largement fait ses preuves depuis deux siècles, et la médecine ondulatoire, encore très récente et qui relève davantage d’une approche holistique et systémique. De la même façon que la réalité physique ne peut être correctement décrite qu’en décrivant simultanément sa dimension corpusculaire et ondulatoire, la réalité biologique et les organismes vivants ne peuvent plus être appréhendés uniquement dans leurs dimensions moléculaires, chimiques et génétiques et doivent également être considérés comme des phénomènes vibratoires et ondulatoires, qui sont encore bien loin d’être compris. Demain, j’en suis persuadé, nous pourrons non seulement utiliser, en complément avec la médecine classique, la médecine ondulatoire pour traiter et guérir de graves maladies organiques et neurologiques mais nous pourrons également, avec ces mêmes outils, améliorer nos capacités cognitives, ce qui ouvre évidemment de grandes interrogations morales, sociales et éthiques. Face à ces vertigineuses perspectives scientifiques, nous devons prendre le temps de la réflexion et du débat pour ces nouveaux outils extraordinaires, en sachant préserver notre humanité et ne conduisant en aucun cas à notre asservissement…

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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