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Propagation des cancers : cibler les plaquettes pour contrer les métastases

Des équipes de recherche de l’Inserm, de l’Université de Strasbourg et de l’Établissement français du sang se sont penchées sur le rôle des plaquettes dans le processus de formation des métastases. Leurs résultats suggèrent que les plaquettes, en se fixant spécifiquement aux cellules cancéreuses circulantes, favoriseraient leur survie dans la circulation sanguine, mais également au sein des métastases. Ces travaux, parus dans Nature Communications, montrent en outre que l’utilisation de traitements permettant de cibler la liaison entre les plaquettes et les cellules cancéreuses pourrait permettre de lutter contre la formation des métastases, sans présenter le même risque hémorragique que les antiplaquettaires classiques.

Une métastase est une tumeur dite "secondaire" formée généralement à partir de cellules cancéreuses qui se sont détachées d’une première tumeur (dite "primaire") avant de migrer via les vaisseaux lymphatiques ou sanguins et de s’installer dans une autre partie du corps, propageant ainsi le cancer d’origine. Au cours de leur dissémination, ces cellules cancéreuses entrent en contact les plaquettes sanguines qui s’avèrent des alliées inattendues : en se liant aux cellules cancéreuses, elles vont favoriser leur survie face aux cellules immunitaires présentes dans l’environnement sanguin et les aider à sortir de la circulation pour atteindre leur lieu de métastase.

Toutes les cellules cancéreuses ne bénéficient cependant pas de la même protection de la part des plaquettes car certaines s’y lient plus facilement que d’autres. Cette préférence dicte leur capacité à survivre dans la circulation, à cibler certaines régions vasculaires et donc leur aptitude à ensuite créer des métastases. Par ailleurs, des analyses fines des métastases pulmonaires ont montré que les plaquettes s’y retrouvaient également en nombre et pourraient par conséquent y jouer un rôle différent ou complémentaire de celui qu’elles ont dans les vaisseaux sanguins.

Deux équipes de recherche dirigées par les chercheurs Inserm Jacky Goetz, au sein du laboratoire Immunologie et rhumatologie moléculaire (Inserm/Université de Strasbourg) et Pierre Mangin, au sein du laboratoire Biologie et pharmacologie des plaquettes sanguines : hémostase, thrombose, transfusion (Inserm/Établissement français du sang/Université de Strasbourg), se sont donc intéressées aux moments auxquels les plaquettes intervenaient lors de la migration des cellules cancéreuses pour favoriser la survie et la dissémination de ces dernières. Elles se sont également penchées sur la façon de contrer cette alliance sans avoir recours aux médicaments antiplaquettaires classiques, qui, en altérant l’arrêt du saignement, présentent un effet secondaire de risque hémorragique.

Dans un modèle de souris, les chercheuses et chercheurs ont artificiellement induit des chutes contrôlées du nombre de plaquettes à différents stades de la formation de métastases pulmonaires. Ils ont ainsi pu observer qu’en supprimant précocement les plaquettes (lorsqu’elles sont encore seulement en circulation dans le sang), on limitait la sortie du vaisseau sanguin des cellules cancéreuses ayant une grande affinité pour celles-ci et qu’on inhibait ainsi la formation de métastases. Les cellules cancéreuses se liant faiblement aux plaquettes étaient elles aussi impactées, mais seulement lorsque le taux de plaquettes était diminué plus tardivement, alors que les métastases pulmonaires étaient déjà formées.

« Ces observations suggèrent qu’en plus de protéger les cellules cancéreuses dans la circulation sanguine, les plaquettes pourraient aussi les protéger contre le système immunitaire de manière plus tardive, c’est-à-dire au sein même des métastases, et les y aider à proliférer », précise Jacky Goetz. « Nos travaux futurs chercheront donc à comprendre comment les plaquettes colonisent les métastases en croissance ».

Mais comment contourner la problématique du risque hémorragique associé aux traitements antiplaquettaires ? Une première piste pourrait être incarnée par une protéine particulière, retrouvée spécifiquement à la surface des plaquettes : la glycoprotéine VI (GPVI). De précédents travaux ont suggéré que d’une part elle pourrait moduler l’activité pro-métastatique des plaquettes et que d’autre part son utilisation ne génèrerait pas de saignements. L’expression de cette protéine peut être inhibée grâce au glenzocimab, une molécule actuellement en évaluation chez des patients dans le cadre du traitement des accidents vasculaires cérébraux. En utilisant le glenzocimab dans leur modèle animal, les scientifiques ont observé qu’il permettait de réduire efficacement le développement des métastases pulmonaires déjà établies, et ceci sans altération de l’arrêt du saignement.

« Ces observations viennent renforcer l’idée d’une contribution des plaquettes à la formation des métastases après la sortie des cellules cancéreuses de la circulation », détaille Pierre Mangin. « En outre, nos travaux mettent en lumière les possibilités de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui, contrairement aux traitements antiplaquettaires classiques, ne perturberaient pas l’arrêt du saignement et pourraient ainsi être envisagés en oncologie, notamment pour réduire la progression de métastases pulmonaires. Nos deux équipes travaillent actuellement à l’exploration de ce potentiel », ajoute le chercheur.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Inserm

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