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Les promesses de la nanomédecine

Délivrer le médicament au coeur même des cellules malades, parvenir à cibler les seules cellules cancéreuses ou infectées par un virus ou une bactérie, diagnostiquer des pathologies plus précocement et les traiter simultanément (ce qu'on appelle la « théranostique »), régénérer un organe, une cornée, une dent... Telles sont les promesses de la nanomédecine, cette nouvelle branche de la médecine qui recourt aux nanotechnologies. Avec deux grands champs d'application : le diagnostic et la thérapeutique, objets d'une journée scientifique à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie (Paris).

La nanomédecine fait appel soit à la miniaturisation (pour le diagnostic in vitro avec des puces à ADN, puces à cellules, laboratoire sur puce...) soit à la fabrication de nanoparticules, d'une dimension de 1 à 100 nanomètres (milliardième de mètre). Ces dernières sont utilisées en diagnostic in vivo avec des techniques classiques d'imagerie (optique, IRM, échographie...) car elles s'insinuent au coeur des cellules, des vaisseaux et des organes. Mais elles peuvent aussi être utilisées à des fins thérapeutiques pour encapsuler, par exemple dans des biopolymères dégradables, des médicaments et soigner de façon sélective à l'échelle de la cellule. Les principaux domaines thérapeutiques sont la cancérologie, les maladies infectieuses, neurodégénératives et cardiovasculaires.

Aujourd'hui, la plupart des produits à base de nanoparticules concernent la cancérologie. Une trentaine ont été mis sur le marché depuis 1995 aux Etats-Unis et en Europe : produits pour l'imagerie par résonance magnétique (IRM) à base de nanoparticules de fer (Endorem, Feridex, Resovist) ou nanomédicaments comme Oncospar, Abraxane ou Caelyx. « Dans la pratique, ces chimiothérapies nanocapsulées n'ont rien de révolutionnaire pour l'instant : les molécules actives sont les mêmes qu'il y a trente ans », regrette Laurent Zelek, oncologue au CHU Avicenne à Bobigny. Des propos que nuance Patrick Couvreur, du laboratoire mixte CNRS-faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, en banlieue parisienne : « Mettre d'anciens médicaments sous forme de nanoparticules ou de liposomes modifie considérablement la biodistribution et la pharmacocinétique. »

Prenons le cas de l'Abraxane, utilisé contre le cancer du sein métastatique : l'agent anticancéreux (paclitaxel) pénètre la tumeur car la nanoparticule d'albumine dans laquelle il est encapsulé transporte des nutriments dont les cellules tumorales sont friandes. « Son efficacité est légèrement supérieure à celle du paclitaxel seul, sa toxicité est moindre et son administration simplifiée », précise Laurent Zelek. Même si on est encore loin des promesses attendues, améliorer l'efficacité, diminuer la toxicité, tirer profit de principes actifs inutilisables jusqu'alors sont autant de pistes susceptibles d'apporter des progrès majeurs.

Pour cela, Laurent Lévy, président de Nanobiotix qui développe des nanoparticules pour le traitement du cancer, conceptualise une nouvelle vision des cibles thérapeutiques qui pourrait apporter des solutions inédites : « Il faut cibler le développement de nanoparticules en termes de propriétés physiques au lieu de cibler les seules anomalies moléculaires liées par exemple au cancer. On peut tirer parti de l'effet de la température ou d'un champ magnétique sur une tumeur ». C'est le cas du produit NanoXray, développé par Nanobiotix et depuis peu en essai chez l'homme à l'Institut Gustave-Roussy pour traiter le sarcome des tissus mous. Des nanoparticules d'hafnium sont injectées dans la tumeur. Par radiothérapie on déclenche localement l'émission d'une grande quantité d'électrons, donc de radicaux libres qui détruisent la tumeur. Jusqu'ici, beaucoup d'essais cliniques exploitent les propriétés physiques des nanoparticules, mais les possibilités qu'elles offrent sont encore mal connues.

En tout cas, si l'on en croit le nombre de publications scientifiques (près de 700 en 2011 sur les nanomédicaments) et d'essais cliniques (350 dans le monde), les chercheurs planchent. Même si c'est parfois vers des voies de garage... Selon Laurent Levy, en effet, les laboratoires académiques sont trop déconnectés de la réalité industrielle et clinique. Les résultats d'un grand nombre de projets européens pourraient être cliniquement inutilisables. « Ils font avancer la science, mais sans se poser la question de l'utilisation de leurs résultats dans le système de santé, résume-t-il. Il est fondamental d'insérer recherche et innovation dans une expertise médicale, en tenant compte des pratiques existantes et des besoins réels. »

Enfin, le succès de la nanomédecine dépendra de son coût d'utilisation et de sa prise en charge. Une utilisation qui, parfois, suppose de nouveaux équipements, à l'instar de la solution de MagForce, qui a reçu une autorisation européenne de mise sur le marché pour combattre le glioblastome (une forme de cancer du cerveau) au moyen de nanoparticules magnétiques. Excitées par un champ magnétique, elles chauffent et détruisent les cellules cancéreuses. Au prix d'un équipement spécifique coûteux de champ magnétique à haute fréquence.

Les Echos

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  • roachindignant

    14/07/2023

    En tout état de cause, si l'on en croit le nombre d'articles scientifiques (près de 700 en 2011 sur les nanomédicaments basket random), ainsi que le nombre d'études cliniques (350 dans le monde), les chercheurs ont du mal. Même s'il se dirige parfois vers les voies d'évitement.

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