Un projet neuf pour la science française
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Le projet de réforme de la recherche publique que le Conseil stratégique de l'innovation (CSI) soumet cette semaine au gouvernement est une bombe. Ce groupe de réflexion, présidé par le docteur Philippe Pouletty, président de France Biotech, auquel participent d'éminentes personnalités scientifiques, propose une remise à plat des modes de financement de la recherche publique et des statuts de ses personnels. Une réforme qui, si elle était appliquée en l'état, serait sans doute l'une des plus importantes depuis la création du CNRS en 1939 et la loi Chevènement de 1982. Les membres du CSI, qui ont adopté ce projet à l'unanimité, partent du constat que la recherche publique française a de nombreux atouts à faire valoir, à commencer par l'excellence de ses chercheurs. Mais elle a aussi l'inconvénient d'être «figée», «vieillissante» (la moyenne d'âge des chercheurs est proche de 50 ans), «mal évaluée» et surtout «mal financée». Pour faire de la France la première nation scientifique européenne en 2007, et soutenir ainsi durablement l'innovation, la croissance économique et l'emploi, le CSI recommande au gouvernement de promettre rien moins qu'un «doublement en cinq ans du financement de la recherche publique, parallèlement à l'adoption de la réforme». Celle-ci prévoit la création de «sept à dix fondations nationales de recherche (FNR)» consacrées chacune à un domaine prioritaire dont la liste et les intitulés précis restent à définir. Le CSI avance toutefois un certain nombre de thèmes comme «sciences de la vie, biotechnologies et santé», «nanotechnologies et électronique», «environnement et énergies nouvelles», «mathématiques, chimie et physique», «sécurité et défense», «informatique», «terre, univers et aérospatial», «sciences humaines et sociales». L'une de ces FNR, baptisée «sciences nouvelles et transversales» serait entièrement dédiée aux projets scientifiques hors normes ou très innovants. Jouissant d'une «large autonomie de gestion et de décision», avec à leur tête, un directeur-général nommé en Conseil des ministres pour cinq ans, assisté d'un conseil scientifique international, les fondations se verraient confier tout ou partie (dans une proportion qui reste à définir) de la dotation que l'Etat verse aux EPST (1), comme le CNRS, l'Inserm (recherche médicale) ou l'Inra (recherche agronomique), et aux laboratoires universitaires pour financer leurs projets de recherche. Elles seraient également alimentées par des fonds européens (6e PCRD), des contrats industriels, des revenus de licence ainsi que par des dons et legs dont le volume devrait croître fortement grâce à de nouvelles incitations fiscales. Le projet de loi sur les fondations voté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 1er avril dernier, permet en effet aux particuliers et aux entreprises de déduire de leur impôt 60 % des sommes versées (contre 30 % actuellement) avec un relèvement significatif des plafonds. De quoi faire sans doute aussi bien que la Bill Gates Fundation ou le Welcomme Trust qui drainent chaque année des dizaines milliards de dollars vers les laboratoires américains et britanniques... Dotées de ressources importantes, les FNR auraient pour principale mission de financer des projets de recherche fondamentale et appliquée, sélectionnés par appel d'offres sur le seul critère de l'«excellence», et d'en assurer la valorisation ultérieure (brevets, licences). L'évaluation de ces nouveaux projets (et des résultats des projets financés antérieurement) serait effectuée par des commissions indépendantes composées pour moitié de scientifiques étrangers, notamment européens. Pour le CSI, ce système aurait pour principal avantage de «dynamiser et de mettre en concurrence les laboratoires, de rémunérer les chercheurs à un niveau international compétitif et d'inciter au rajeunissement des équipes de recherche». Le second volet de la réforme suggère en effet une refonte complète des statuts des personnels avec l'instauration de trois échelons communs aux EPST et aux universités : chercheur sur CDD de 2, 3 ou 5 ans, professeur assistant (entre 30 et 40 ans) et professeur (à partir de 40 ans). Les passerelles entre organismes, universités, CHU, entre laboratoires de recherche publics et privés, français et européens, entre carrières de chercheur et d'enseignant, seraient simplifiées pour encourager la «mobilité». L'appartenance à la fonction publique serait maintenue mais l'âge de la titularisation, qui est de 31 ans maximum aujourd'hui dans les EPST, pourrait intervenir une dizaine d'années plus tard (notamment dans certains domaines comme les sciences de la vie) avec l'obtention du grade de professeur, voire de professeur-assistant. Grâce aux CDD - qui viendraient se substituer aux actuels stages postdoctoraux précaires et mal payés - et aux compléments de rémunérations financés par les FNR, les chercheurs pourraient percevoir, tout au long de leur carrière, «en fonction de leurs performances», des salaires très supérieurs à ce qu'ils touchent aujourd'hui (1 500 Û net après bac + 8 ou 10 pour un chargé de recherche débutant...). Le CSI espère ainsi pouvoir enrayer la fuite des cerveaux et attirer dans le même temps des chercheurs étrangers, notamment américains (deux à trois fois mieux payés à qualification égale) dans les laboratoires français. Et les EPST dans tout ça ? Leur rôle se limitera-t-il à la gestion des carrières des personnels et des infrastructures ? Auront-ils encore les moyens de mener une politique de recherche propre ? Ces questions hautement sensibles ne sont pour l'instant pas tranchées.
Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/20030512.FIG0183.html
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