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Edito : Prévenir et soigner la maladie d'Alzheimer : un défi de société majeur !
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Chacun d'entre nous connaît un membre de sa famille ou un proche touché par la maladie d'Alzheimer. Au niveau mondial, le nombre de malades devrait doubler d'ici 2030 et tripler d’ici 2050, passant de 36 millions aujourd’hui à 115 millions - soit la population cumulée de l’Espagne et de la France - en raison du vieillissement de la population mondiale et l’accroissement sensible de l'espérance de vie. Quant aux coûts de prise en charge de cette affection neurologique, ils pourraient atteindre plus de 450 milliards d’euros en 2050 selon Allianz.
Au niveau européen, le nombre de patients souffrant d’Alzheimer devrait doubler d'ici 2050 et atteindre près de 20 millions de personnes, passant de deux patients atteints d’Alzheimer pour cent personnes actives à cinq patients pour cent actifs d’ici 2050. Contrairement aux idées reçues, la maladie d’Alzheimer touche également de plein fouet les pays en développement : en Asie, 60 millions de personnes seront atteintes par cette maladie d’ici 2050.
En France, on estime qu'au moins 850 000 personnes sont aujourd’hui atteintes d'une forme de maladie d’Alzheimer, ce qui représente un senior sur vingt et ce nombre pourrait malheureusement doubler d'ici 20 ans. A titre de comparaison, l'ensemble des nouveaux cas de cancers et de maladies cardio-vasculaires représente moins de 600 000 personnes par an en France.
Depuis sa description par le docteur allemand Aloïs Alzheimer en 1906, les chercheurs ont fait beaucoup de progrès dans la compréhension de cette maladie complexe et multifactorielle mais, contrairement à la mortalité par cancer et maladies cardio-vasculaires qui ne cesse de diminuer grâce à de nouveaux traitements toujours plus efficaces, on ne peut aujourd'hui que retarder les effets dévastateurs de cette maladie, sans pouvoir parler de guérison.
Néanmoins, la recherche progresse, notamment sur les causes intriquées de cette terrible affection. Une étude américaine réalisée sur 840 patientes suivies pendant 13 ans et publiée début 2012 vient ainsi de révéler un nouveau facteur de risque chez les femmes : il s'agit de l'adiponectine, une hormone issue de « la graisse viscérale » qui double le risque d'Alzheimer. Cette découverte est très intéressante car elle démontre un lien puissant entre résistance à l’insuline, diabète de type 2 et risque d'Alzheimer.
Cette hormone joue un rôle anti-inflammatoire et intervient dans le métabolisme du glucose et des lipides. « La signalisation de l'insuline est dysfonctionnelle dans le cerveau des patients atteints d’Alzheimer, et comme l'adiponectine augmente la sensibilité à l'insuline, un niveau élevé d'adiponectine est bien associé à un risque accru de démence chez les femmes » souligne cette étude rigoureuse. L’adiponectine va donc devenir un biomarqueur précieux pour évaluer le risque de maladie d’Alzheimer.
Une autre équipe américaine du Rensselaer Polytechnic Institute (New York) a mis au point une technique de production d'anticorps ciblant spécifiquement les protéines impliquées dans la maladie d’Alzheimer. Ces anticorps semblent en mesure de prévenir ou d'inverser les effets biochimiques néfastes de l'Alzheimer sur les cellules et cette nouvelle technique pourrait permettre de concevoir de nouveaux médicaments plus efficaces, non seulement contre la maladie d'Alzheimer mais aussi contre la maladie de Parkinson.
En matière alimentaire, une autre étude réalisée sur 104 personnes âgés de 87 ans en moyenne, montre que les personnes âgées qui consomment beaucoup de vitamines B, C, D et E, d'acides gras oméga 3 conservent de meilleures facultés cognitives que celles consommant des aliments à faible teneur en vitamines et acides gras insaturés. Cette étude a monté en outre que les seniors consommant ce type d'aliments gardent le même volume cérébral alors que ce volume diminue chez les malades d'Alzheimer.
"Les résultats de cette étude montrent clairement qu'il est possible, en modifiant ses habitudes alimentaires, de stopper la réduction du volume de son cerveau et de mieux préserver ses capacités cognitives", souligne Gene Bowman, de l'Université d'Oregon, co-auteur de l'étude. Cette étude est confirmée par une autre étude, réalisée par l'Université de Pittsburgh sur 260 patients tous âgés d’au moins 71 ans, qui montre que la consommation régulière de poisson exerce un effet positif en matière de prévention de la maladie d'Alzheimer et préserve également le volume cérébral. Selon cette étude, il suffirait de consommer au moins une fois par semaine du poisson pour diviser par cinq les risques de démences séniles.
Parmi les autres découvertes récentes qui éclairent les causes de la maladie d'Alzheimer, il faut également évoquer le rôle des accidents vasculaires cérébraux (AVC) non détectés. Ces "micro-accidents", souvent silencieux, semblent être fortement impliqués dans les troubles de la mémoire et le déclenchement de la maladie d'Alzheimer, comme le montre une étude réalisée par l’Université Columbia de New-York.
En France, signalons qu' Exonhit vient de commencer une étude visant à évaluer les performances d'AclarusDx, un test sanguin d'aide au diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Actuellement, le diagnostic de la maladie d'Alzheimer repose toujours sur un examen clinique, des tests psychométriques, des évaluations du comportement et l'imagerie cérébrale. La mise au point d'un test sanguin fiable et simple à utiliser constituerait donc une avancée majeure dans la lutte contre ce fléau.
Il faut enfin évoquer une récente étude franco-britannique qui montre que, contrairement aux idées reçues, la mémoire et les capacités cognitives commencent à décliner dès l’âge de 45 ans. Cette étude, menée conjointement par l'Inserm et le Collège universitaire de Londres, a porté sur 5 198 hommes et 2 192 femmes âgés de 45 à 70 ans. Elle a révélé qu'un déclin cognitif apparaissait dès 45 ans et s'accélérait avec l'âge : 3,6 % chez les hommes entre 45 et 49 ans, et 9,6 % chez les hommes entre 65 à 70 ans. Chez les femmes, ce déclin était respectivement de 3,6 % et 7,4 %.
Ce déclin cognitif précoce ouvre de nouvelles perspectives en matière de prévention et pose la question de la généralisation et de l’adaptation des outils d’évaluation des démences séniles. La mise en place généralisée d’une Evaluation Gérontologique Standardisée de premier niveau à domicile, à partir de 75 ans par exemple, pourrait permettre, de l’avis d’un grand nombre d’acteurs du secteur médical, une prise en charge médico-sociale plus précoce et plus efficace des personnes les plus vulnérables et donc, à terme, une économie sensible pour la collectivité. Cette Evaluation Gérontologique Standardisée de premier niveau pourrait bien entendu être complétée, le cas échéant, en établissement hospitalier par une consultation gérontologique plus poussée.
En attendant la mise au point d'outils thérapeutiques véritablement capables de stopper la maladie d'Alzheimer, qu'il s'agisse de vaccins ou de nouveaux médicaments, nous devons mettre en place sans tarder, en nous appuyant sur les connaissances accumulées ces dernières années, une politique beaucoup plus volontaire de prévention ciblée de cette terrible maladie en utilisant notamment le puissant levier alimentaire et en améliorant sensiblement la prise en charge du surpoids, de l'hypertension et du cholestérol qui semblent jouer un rôle important dans l'apparition précoce de cette affection neuro-dégénérative.
Défi scientifique et médical, la maladie d'Alzheimer est également un défi social et culturel dont nous devons prendre toute la mesure et que nous devons affronter en nous fixant l'objectif ambitieux mais réalisable de stabiliser puis de diminuer, par un changement profond de nos modes de vie, le nombre de nouveaux malades à l'horizon d'une génération, d'ici 2030.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Médecine
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