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Première mondiale dans la chirurgie du cancer du poumon
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L’équipe du Pr. Emmanuel Martinod (Pôle Hémato-Onco-Thorax, Chirurgie Thoracique et Vasculaire) de l’Hôpital Avicenne (AP-HP), Université Paris 13, a réalisé une première mondiale en greffant, il y a plus d’un an, une bronche artificielle chez un patient atteint de cancer du poumon. Cette innovation chirurgicale a permis non seulement d’enlever la lésion cancéreuse avec des marges de sécurité plus importantes mais également d’éviter l’ablation complète du poumon qui était prévue avec un très haut risque de mortalité postopératoire. Le Pr. Martinod nous explique les conditions de cet exploit qui ouvre des perspectives thérapeutiques inédites.
Comment en êtes-vous venu à tenter cette greffe pour reconstituer une portion de bronche ? Dans ce type de cancer, si la tumeur est centrale, la meilleure thérapie est l’ablation totale du poumon malade, ou pneumonectomie. Mais c’est une chirurgie qui comporte de gros risques postopératoires et peut poser également d’importants problèmes à long terme. C’est pourquoi nous utilisions depuis plusieurs années des techniques qui consistent à tenter de conserver au moins un lobe pulmonaire en y raccordant la portion saine de la bronche. La difficulté était, dans certains cas, d’avoir une longueur suffisante pour effectuer ce raccordement. Notre équipe a proposé depuis plus de dix ans d’utiliser un substitut des voies aériennes qui est une « matrice » d’allogreffe aortique préservée par le froid. Cette matrice conserve seulement une architecture à partir de laquelle l’organisme du patient va reconstituer naturellement le tissu bronchique, cellules épithéliales et cartilage inclus.
Vous avez réalisé cette intervention chez un patient après avoir validé un modèle expérimental. Dans quelles circonstances ? Les premières tentatives en laboratoire consistaient à utiliser des prothèses mais il est apparu un problème de compatibilité avec les tissus de l’organisme. Les chercheurs ont ensuite utilisé des prothèses plus biologiques mais le problème a persisté. D’autres ont tenté des greffes totales de trachée mais il y a eu des rejets catastrophiques car ce tissu est très immunogène. C’est ainsi que nous en sommes venus à essayer de greffer du tissu aortique, d’abord provenant du même organisme que l’organisme greffé, puis finalement en utilisant du tissu aortique provenant de banques de tissus, car il se trouve qu’il n’y a aucun phénomène de rejet dans ce cas. Dans le Laboratoire de Recherche Biochirurgicale, Fondation Alain Carpentier, Université Paris Descartes, notre équipe (E. Martinod, A. Seguin, D. Radu, G. Boddaert) a procédé au même type d’intervention chez plus de 100 brebis qui ont été suivies pendant trois ans.
Quel est le processus biologique qui se produit dans le cadre de cette greffe ? La bronche est constituée d’une partie interne, le tissu épithélial, qui est une couche de cellules ciliées en contact avec le milieu extérieur. Elle protège contre les agressions et permet d’évacuer les particules inhalées. En greffant notre « matrice » de tissu aortique, nous observons une réparation complète de l’épithélium, à partir des deux berges de bronche conservée. Il y a une recolonisation de la partie greffée par ces cellules ciliées sur toute la surface. En second lieu, nous avons observé une reconstitution du cartilage qui confère la rigidité à la bronche. Le processus n’est pas complètement élucidé mais cela provient des cellules souches de l’individu lui-même qui sont attirées sur le site de la greffe par des phénomènes inflammatoires et reforment des îlots de cellules qui vont redonner du cartilage. Nous pensons ainsi avoir trouvé la matrice idéale mais il faut rester prudent. La technique fonctionne pour la bronche mais il reste des améliorations à apporter pour la trachée, en particulier pour des remplacements d’une longueur supérieure à 5 cm.
Quelles vont être les suites de cette première mondiale ? Nous publions un article sur cette technique dans une revue spécialisée (Annals of Thoracic Surgery), et nous lançons une étude clinique pour en confirmer la validité. Notre premier patient a été opéré le 28 octobre 2009 et va bien à ce jour. Même s’il faut rester très prudent, cette technique utilisée pour la première fois dans le cadre de la chirurgie du cancer pulmonaire ouvre de nouvelles perspectives qui vont être évaluées dans un protocole clinique piloté par la Direction de la Recherche Clinique et du Développement de l’AP-HP, ayant reçu l’avis favorable du Comité de Protection des Personnes et de l’Afssaps ainsi que le soutien de l’Agence de la Biomédecine. Nous allons inclure 20 à 30 patients qui présentent des caractéristiques qui les rendent éligibles. L’étude analysera la morbi-mortalité à 90 jours. Elle nous permettra également de répondre à deux questions essentielles : le greffon va-t-il comme chez l’animal se transformer en « néo-bronche » ? Et pourra-t-on à terme retirer le stent (structure rigide) que l’on a placé à l’intérieur du greffon pour en assurer la rigidité ? Il est important de préciser que d’autres techniques sont étudiées mais que celle-ci présente l’intérêt majeur d’éviter le recours à des médicaments immunosuppresseurs qui sont contre-indiqués en cas de cancer car ils aggravent la maladie en affaiblissant l’organisme.
Cette innovation chirurgicale a été réalisée après plus de 10 années de recherche dans le Laboratoire de Recherche Biochirurgicale, Fondation Alain Carpentier, Université Paris Descartes (Pr. A. Carpentier, Pr. P. Menasché) par l’équipe du Pr. E. Martinod (Dr. A. Seguin, Dr. DM. Radu, Dr. MD Destable, Dr. G. Boddaert) du Pôle Hémato-Onco-Thorax (Pr. D. Valeyre), Hôpital Avicenne, Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis, Université Paris 13 en collaboration avec les services d’oncologie (Dr K. Chouahnia), d’Anesthésie-Réanimation (Pr. C. Baillard, Pr. S. Beloucif), de Gériatrie (Dr G Sebbane), de Radiologie (Pr. PY Brillet, Pr. M. Brauner) et de la banque des tissus, EFS Ile de France (Dr. A. Fialaire-Legendre).
Propos recueillis par Jocelyn Morisson
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- Publié dans : Médecine
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