RTFlash

Vivant

Prédire la durée de l’immunité liée à la vaccination

La durée d'immunité vaccinale varie selon le vaccin et le sujet vacciné. Connaître la durée de protection vaccinale est donc d'une importance capitale pour la mise en œuvre des stratégies de vaccination en santé publique. Depuis longtemps, les scientifiques cherchent à savoir pourquoi certains vaccins permettent à l’organisme de produire des anticorps pendant des décennies, voire à vie, tandis que d'autres ne confèrent une protection que pour quelques mois.

Les vaccins viraux vivants atténués, tels que ceux contre la variole et la fièvre jaune, induisent des réponses anticorps qui peuvent durer toute la vie. Cela est observé également par exemple avec le vaccin ROR, même si des rappels sont recommandés. Pour d’autres types de vaccins, on observe des réponses anticorps décroissantes, comme avec le vaccin inactivé à sous-unités contre la grippe saisonnière, les vaccins contre Bordetella pertussis, Salmonella Typhi et Neisseria meningitidis, le vaccin antipaludique (RTS, S), et les vaccins candidats contre le VIH.

Les adjuvants sont des composants des vaccins qui renforcent l'ampleur et la durabilité de la réponse immunitaire. Pendant plus de 70 ans, les sels d'aluminium insolubles (alun) ont été les seuls adjuvants autorisés, mais au cours des trois dernières décennies, le nombre d'adjuvants disponibles autorisés dans les vaccins a augmenté : à titre d’exemple, l’adjuvant à base d'huile dans une émulsion d'eau (MF59 et AS03) utilisé dans les vaccins contre la grippe, adjuvants contenant l'agoniste TLR4 3-O-desacyl-4′-monophosphoryl lipid A, utilisés dans les vaccins contre le virus respiratoire syncytial (VRS), le virus de l'herpès zoster et le virus du papillome humain (HPV). Un oligonucléotide est utilisé dans le vaccin contre l'hépatite B et, plus récemment, un adjuvant à base de saponine appelé Matrix M a été inclus dans le vaccin recombinant contre la Covid-19 et le vaccin antipaludique R217.

Il est possible aujourd’hui de réaliser une analyse complète des réseaux cellulaires et moléculaires qui déterminent la réponse immunitaire à la vaccination et de définir ainsi des signatures moléculaires prédisant la réponse des anticorps à la vaccination. Cela a par exemple été réalisé avec les vaccins contre la fièvre jaune, la grippe saisonnière mais aussi avec d’autres vaccins. Une récente méta-analyse de plus de 3000 échantillons sanguins prélevés sur 820 adultes dans le cadre de 28 études portant sur 13 vaccins a révélé une signature plasmocytaire capable de prédire la réponse des anticorps à de nombreux vaccins.

Cependant, aucune étude conduite à ce jour n'avait permis de définir une signature cellulaire ou moléculaire capable de prédire la durée de réponse immunitaire. Une équipe de chercheurs de la Stanford School of Medicine (Etats-Unis) a conduit des recherches avec pour objectif d'identifier les facteurs qui influencent l'ampleur et la durée de la réponse des anticorps. Ils ont identifié une signature moléculaire dans le sang, induite quelques jours après la vaccination, prédisant la durée de la réponse immunitaire apportant selon les auteurs « une nouvelle compréhension des mécanismes fondamentaux sous-jacents à la durabilité des vaccins ».

Une première étude avait été conduite sur un vaccin expérimental contre la grippe aviaire H5N1 administré avec et sans l'adjuvant AS03. Au total, 50 sujets en bonne santé ont été inclus et ont reçu de manière aléatoire, soit 2 doses du vaccin contre la grippe aviaire avec l’adjuvant, soit 2 doses sans adjuvant. Des prélèvements sanguins ont été effectués dans les 100 premiers jours suivant la vaccination. Les chercheurs ont identifié une signature moléculaire apparaissant dans le sang dans les jours suivant la vaccination, corrélée à la durée de la réponse des anticorps, cela des mois après la vaccination. Il s’agissait de morceaux d’ARN, présents initialement dans les mégacaryocytes de la moelle osseuse, que les plaquettes emportent lorsqu’elles s’en détachent avant de pénétrer dans la circulation sanguine.

La preuve de cette signature moléculaire portée initialement par les mégacaryocytes a été apportée chez des souris vaccinées avec le vaccin contre la grippe aviaire. L’activation des mégacaryocytes par de la thrombopoïétine (TPO) améliorait la durabilité des réponses d'anticorps induites par le vaccin. Suite à ces travaux, un programme d’apprentissage automatique (IA) a été développé pour identifier des modèles "d’immunité" ; il était fondé sur cette signature associée aux plaquettes, qui prédisait la longévité de la réponse des anticorps.

En utilisant ce programme, l’analyse des données de réponses vaccinales (anticorps) de 244 participants, ayant reçu 7 vaccins différents, dont le vaccin contre la grippe saisonnière, la fièvre jaune, le paludisme et la Covid-19, a confirmé que les mêmes molécules d’ARN plaquettaire – signes d’activation des mégacaryocytes – étaient associées à une production d’anticorps plus durable pour les différents vaccins. Ces travaux ont permis « d'identifier une signature transcriptionnelle moléculaire dans le sang, liée aux plaquettes, induite quelques jours après la vaccination, qui prédit la durabilité de la réponse vaccinale et apporte aussi une nouvelle compréhension des mécanismes fondamentaux sous-jacents à la durabilité des vaccins ». L’objectif est aujourd’hui de développer des tests sanguins pour déterminer, en utilisant cette nouvelle signature moléculaire, la durée de vie probable d’un vaccin, puis de valider ces tests lors d'études portant sur d'autres vaccins, cela dans diverses populations dans le monde. Cela permettrait, non seulement d’accélérer les essais cliniques de vaccins, mais de développer à terme des plans de vaccination personnalisés.

Nature Immunology : https://www.nature.com/articles/s41590-022-01328-6

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top