Edito : Le pouvoir numérique a changé de nature
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Un ours en peluche interactif doté d'une caméra pour permettre aux parents de surveiller à distance leurs enfants, ou d'autres personnes : c'est l'un des nombreux projets présentés au "TechFest", le salon annuel de la technologie de Microsoft. Il y a quelques jours, les équipes de recherche de Microsoft ont eu l'occasion de présenter à Redmond, dans l'Etat de Washington, 150 projets à des industriels, en espérant que certains d'entre eux se concrétisent sur le plan commercial. Le nounours interactif "Teddy" ressemble à beaucoup d'autres, mais son drôle de chapeau bicorne et ses yeux cachent quatre micros et une caméra, et il est doté d'une technologie de reconnaissance du visage et de la voix. Assis dans un coin, il peut tourner la tête pour suivre les déplacements d'un enfant dans une pièce, permettre à ses parents de lui parler grâce à un téléphone incorporé et le surveiller via sa caméra et une connexion à Internet.
D'autres projets de robots présentés au salon ont pour but de créer un être virtuel qui pourrait se déplacer pour aller répondre au téléphone ou ouvrir la porte au plombier en l'absence du maître des lieux. De nombreuses entreprises produisent déjà des robots pour les entreprises, et les fabricants de jouets ont créé des peluches qui peuvent "mémoriser" des informations personnelles comme le nom d'un enfant.
Mais Steven Bathiche, un responsable de la recherche de Microsoft, souligne que sa société veut aller plus loin. "L'objectif est d'être dans deux endroits à la fois", souligne-t-il. Une autre innovation remarquable concerne un logiciel destiné à surveiller l'état du trafic routier. Baptisé "SmartPhlow » ce logiciel utilise la technologie ZoneZoom et ne se contente pas de suivre l'évolution de la circulation : il utilise des données en temps réel et en archive pour prédire quand le prochain embouteillage pourrait avoir lieu. Le logiciel, compatible avec les téléphones les plus perfectionnés ou un ordinateur classique, prend en compte toutes sortes de données, de la météo aux accidents en passant par les manifestations sportives, pour établir ses prévisions. Raman Sarin, un ingénieur de Microsoft auteur du logiciel, affirme qu'au moins 2.000 employés de la société utilisent déjà un prototype du programme dans la région de Seattle.
Microsoft envisage de travailler avec des partenaires pour le commercialiser aux Etats-Unis. Autre innovation qui semble tout droit sortie du film de science-fiction "Minority Report" le TouchLight. Il s'agit d'une interface tactile combinant deux caméras à un projecteur qui permet à l'utilisateur de déplacer, de manipuler et de réagencer à la main des éléments et images sur son écran d'ordinateur. Avec un tel système on peut imaginer des réunions de travail virtuelles, des visites virtuelles de bâtiments ou encore des essayages virtuels de vêtements (Video de démonstration TouchLight).
Il reste que le premier « quinquennat » de Steve Ballmer à la tête de Microsoft laisse une impression mitigée. D'un côté, son chiffre d'affaires est passé d'un peu moins de 23 milliards de dollars en 2000 à 36,8 milliards en 2004, et ses réserves de liquidités ont plus que triplé sur cette période. Mais de l'autre, le cours de l'action s'est effondré en bourse, passant de 47,8 dollars en février 2000 à environ 26 dollars aujourd'hui. En outre, depuis l'investiture de Steve Ballmer, Microsoft a dû livrer d'incessantes et difficiles batailles juridiques. Notamment avec le Département de la Justice (DoJ) américain, qui envisageait de diviser l'entreprise par activité pour régler les questions antitrust encore en instance. Un juge avait même ordonné cette division. Mais la firme a finalement obtenu en appel l'annulation de cette décision, et obtenu un accord à l'amiable avec le DoJ. Ballmer est parvenu, non sans peine, à sortir Microsoft des principaux contentieux judiciaires.
Il a également réussi à négocier des accords à l'amiable avec des rivaux comme Sun ou AOL ainsi qu'avec les consommateurs. En revanche la cohérence de la stratégie de Microsoft n'apparaît pas de manière évidente au cours de ces dernières années. À la fin des années 90, Microsoft a investi à perte des sommes considérables dans des acteurs des secteurs du câble et des télécoms. Par ailleurs, l'éditeur a appauvri ses propres ressources en développement dans un certain nombre de domaines, comme son service Internet MSN et toute une gamme de services web. Mais dans le même temps, la firme a continué à diversifier son portefeuille de technologies et à étendre son emprise sur le marché des technologies de l'information. Microsoft a notamment cherché à s'implanter dans de nouveaux domaines, tels que les logiciels d'entreprise et s'est affirmé comme un acteur majeur de l'industrie des loisirs avec sa console de jeux Xbox et les nombreux produits dans le domaine des nouveaux médias. Microsoft s'oriente également vers des marchés comme les logiciels de sécurité, avec le lancement au début du mois de son logiciel anti-spyware.
Comme je l'expliquais dans mon éditorial de la lettre 322, Microsoft, après avoir longtemps essayé d'imposer ses logiciels pour créer et distribuer musique et vidéo, s'est finalement résolu à opérer un grand revirement stratégique en essayant de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs qui souhaitent avant tout un accès facile et ouvert aux contenus numériques. Confronté à la montée en puissance continue de Linux et du navigateur Mozilla, Microsoft a compris que l'avenir se jouerait sur le terrain de la convergence et des loisirs numériques.
La clef de voûte de cette stratégie est le logiciel Windows Media Center, qui permet au PC de se transformer en véritable plate-forme multimédia et de regarder sur son ordinateur des films, des photos ou d'écouter de la musique en utilisant une télécommande. L'autre axe stratégique de Microsoft est sa console de jeux Xbox qui a su s'imposer sur un marché extrêmement compétitif mais qui recèle d'immenses marges de progression avec l'arrivée dans les foyers de l'internet à très haut débit.
Mais il est peu probable que Microsoft parvienne à imposer ses logiciels sur les mobiles 3 et 4G qui seront les principaux vecteurs de la nouvelle économie numérique dominée par la mobilité, la consommation de musique, de vidéos et de jeux en ligne et accès permanent à son environnement numérique personnel. Après que le pouvoir numérique ait été quasiment monopolisé pendant 40 ans par Intel et Microsoft, une nouvelle ère commence. Désormais la valeur ajoutée numérique, ne réside plus dans les ordinateurs (puces ou logiciels), ni même dans les réseaux physiques de télécommunications mais dans l'aptitude à produire, combiner et vendre des flux de contenus numériques attractifs et ubiquitaires, c'est-à-dire disponibles pour tous, partout et tout le temps.
René Trégouët
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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