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À la poursuite de l'antimatière

Embarqué avec Endeavour, un détecteur à particules spatiales pourrait percer l'un des plus grands mystères scientifiques

C'est son dernier voyage. Le 18 mai dernier, la navette spatiale américaine Endeavour s'envolait vers les étoiles. Dans la cabine, six astronautes, et dans la soute, un instrument extraordinaire : un détecteur de particules spatiales, le premier du genre. L'AMS, c'est son nom, restera accroché "jusqu'à la fin de sa vie", comme l'a souligné la Nasa, à la station spatiale internationale. De là, il mesurera sans relâche tous les rayons cosmiques qui traversent l'espace, afin, entre autres, de traquer l'antimatière primordiale, soit l'un des mystères qui déchaîne le plus les passions au sein de la communauté scientifique. Serait-il possible que la matière se dédouble ? Existerait-il une face cachée du monde ? Voire un autre univers que le nôtre ?

Il y a quatre-vingts ans, les physiciens ont établi qu'à toute particule est associée une antiparticule, de même masse et de charge électrique opposée. Très vite, l'existence des antiparticules s'est imposée aux yeux de ceux qui tentaient d'unifier les deux grandes théories inconciliables : la relativité restreinte, élaborée par Einstein, et la physique quantique. Des antiparticules, les physiciens se sont mis à en produire de toutes sortes en laboratoire en provoquant des collisions de particules de haute énergie.

  • L'enfance de l'Univers

Mais dans le monde réel, l'antimatière se fait rare. La matière que l'on trouve dans les galaxies est constituée presque exclusivement de particules. L'antimatière ne serait-elle donc qu'une fabrication de physiciens ? Pourtant, dans son enfance, l'Univers contenait autant d'antiparticules que de particules. Comment dès lors expliquer que notre Univers soit constitué des premières plutôt que des secondes ? Quel processus a pu éliminer l'antimatière ?

En 1967, le futur Prix Nobel de la paix Andreï Sakharov livre une explication. Selon lui, le nombre de protons et de neutrons produits au début de l'Univers - et qui constituent notre matière actuelle - a pu être très légèrement supérieur à celui des antiprotons et des antineutrons. Après l'annihilation de l'antimatière par la matière, toute l'antimatière aurait disparu, ainsi que la plus grande partie de la matière. Mais l'excédent de matière qui était extrêmement faible, de l'ordre d'un pour un milliard environ, aurait subsisté : il constituerait la matière que nous observons aujourd'hui ainsi que celle dont nous sommes faits.

Le sort de l'antimatière n'est pas réglé pour autant. Il est possible qu'une petite part ait aussi survécu à la grande annihilation. Le fameux détecteur de particules chargé dans le ventre de la navette Endeavour a donc pour mission de retrouver la trace de cette improbable rescapée. La chasse à l'antimatière est ouverte.

Par Etienne Klein (physicien au CEA, directeur du laboratoire des recherches sur les sciences de la matière (Larsim) à Saclay et auteur de Discours sur l'origine de l'univers (Flammarion, 2010).

Le Point

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