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Edito : La photonique, prochain défi pour une Intelligence Artificielle durable

Jean Michel BILLAUT nous a quittés…

Avec la mort de Jean Michel Billaut, la France du numérique vient de perdre un visionnaire. Il a eu un rôle essentiel dans la construction de l’avenir technologique de notre Pays.

Quand en 1998, j’ai publié mon ouvrage « Des Pyramides du Pouvoir aux Réseaux de Savoir » nous sommes entrés dans un dialogue profond qui s’est prolongé pendant deux décennies. Très souvent, j’ai participé à l’Atelier BNP Paribas où se rencontraient les esprits innovants de Paris. Là, grâce au dynamisme et à l’intelligence de communication de Jean Michel, un monde nouveau était en train de naître. Pendant plus de 10 ans, aux quatre coins de France, nous avons fait, ensemble, des conférences pour promouvoir l’importance qu’allait prendre la fibre dans l’avenir des communications. A plusieurs reprises, nous avons passé 5 jours, dans un confort très rudimentaire, aux Universités d’été de la Communication à Hourtin, en Gironde. J’en conserve un souvenir exceptionnel car, grâce à la faconde sympathique de Jean Michel, nous échangions pendant des heures avec tous les leaders français de la Communication et de l’Internet. Je me souviens en particulier d’un échange très prospectiviste entre Jean Michel et Joël de Rosnay. Oui, je suis triste mon cher Jean Michel que tu nous aies quittés.

René TREGOUET

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Editorial :

La photonique, prochain défi pour une Intelligence Artificielle durable

En électronique et en informatique, l'idée de remplacer, du moins en partie, les électrons par des photons, pour concevoir des composants et ordinateurs à la fois bien plus rapides et plus économes en énergie, est très ancienne. On retrouve les premiers articles sur le sujet dès 1969, avant même la commercialisation du premier microprocesseur par Intel, en 1971. C'est la firme américaine Infinera Corporation qui met sur le marché ses premières puces optiques en 2004. Mais il faut attendre 2011 pour que des puces photoniques à haut débit - 500 Gbits par seconde - deviennent une réalité. Depuis, l'essor des composants optoélectroniques et photoniques n'a fait que se confirmer et aujourd’hui, avec le fulgurant développement de l'IA générative, la photonique est en train de s'imposer, à la fois pour surmonter les défis liés à la pénurie de bande passante et pour réduire la consommation d'énergie galopante liée au fulgurant essor de l'intelligence artificielle. Selon Ayar Labs, la technologie photonique est à présent en mesure d'offrir une bande passante 1 000 fois supérieure à celle des circuits électroniques tout en consommant de 10 à 100 fois moins d'énergie que l'informatique conventionnelle.

En février dernier, deux chercheurs renommés de l'université de Pennsylvanie, le Professeur Engheta, Lauréat de la prestigieuse médaille Benjamin Franklin, et le Professeur Aflatouni, ont présenté leurs travaux concernant leur puce silicium-photonique, ou SiPh (Voir Nature Photonics). Au lieu d'utiliser une plaque de silicium d'épaisseur constante, ces scientifiques ont sculpté les tranches de silicium à environ 150 nanomètres, mais uniquement dans des zones bien précises. Ces variations de hauteur ont été calculées de manière à pouvoir guider avec précision le faisceau lumineux. Il suffit ensuite de déplacer les motifs de ces variations de hauteur pour orienter la lumière selon les configurations souhaitées. La puce photonique ainsi obtenue peut alors effectuer des opérations mathématiques à la vitesse de la lumière, tout en réduisant drastiquement ses besoins en énergie. Cette puce photonique présente également un autre atout considérable. Elle assure un très haut niveau de protection des données. En effet, les ondes électromagnétiques n’ont pas besoin d’être stockées dans une mémoire de travail, ce qui rend théoriquement les ordinateurs équipés de ce type de puce techniquement inviolables. Selon les Professeurs Engheta et Aflatouni, cette puce SiPh pourrait être rapidement utilisée sur le marché, notamment pour venir compléter les dispositifs actuels, dont les unités de traitement graphique (GPU) utilisées pour les systèmes d’IA. Le Professeur Aflatouni précise que cette conception est compatible avec les outils de gravure existants et que cette puce pourrait facilement être adaptée pour être intégrée dans des processeurs graphiques (GPU), comme ceux de nVidia. « Les plateformes Silicon Photonics pourraient devenir des modules complémentaires pour les GPU et leur conférer une rapidité de calcul bien plus grande et à peu de frais », souligne ce chercheur.

L'industrie des semi-conducteurs se heurte aujourd'hui aux limites physiques imposées par des modes d'interconnexions électriques qui restent basés sur des jonctions métalliques. Dans les puces actuelles, les signaux circulent dans des fils de cuivre microscopiques, dont le diamètre est devenu si minuscule qu'il engendre des problèmes de dissipation thermique et de perte de signal. Pour surmonter ces contraintes, IBM Research a développé une technologie de rupture : l'intégration de guides d'ondes optiques directement sur les puces (Voir IBM). Cette approche, présentée il y a quelques semaines, transpose la technologie déjà utilisée à large échelle avec la fibre optique, dans laquelle le signal voyage sous forme de particules élémentaires de lumière -les photons- et non plus sous forme d'électrons. Contrairement aux électrons, les photons n'ont pas de masse, ne portent aucune charge électromagnétique et appartiennent à la famille des fermions, ce qui leur permet d'adopter le même état physique au même endroit (c'est sur cette propriété particulière que repose par exemple le laser). Les puces photoniques peuvent donc, à condition de surmonter de nombreux obstacles techniques, permettre la transmission de données à la vitesse de la lumière, via des faisceaux laser, entre les différents composants d'un ordinateur. Autre avantage de taille, les photons, contrairement aux électrons, ne sont pas sensibles aux interactions électromagnétiques.

La solution développée par IBM Research repose sur un module optique particulièrement ingénieux. Ce système est basé sur une architecture photonique miniaturisée appelée guide d'ondes optique. Cette structure microscopique canalise et dirige les faisceaux lumineux avec une précision nanométrique et permet d'acheminer l'information. Les chercheurs d'IBM ont ainsi pu intégrer 51 canaux de transmission optique sur chaque millimètre en bordure de puce, soit une densité six fois plus grande que celle des technologies existantes. Cette concentration de canaux permet d'obtenir des débits de transmission 80 fois plus élevés que ceux des connexions électriques actuelles.

Ce bond technologique s'inspire directement des câbles sous-marins intercontinentaux qui transportent les données de l’Internet. Cette transition des connexions électriques vers des liaisons optiques entraîne une réduction considérable de la consommation énergétique des systèmes informatiques qui est devenue un véritable enjeu climatique et environnemental. Il est vrai qu'il existe à présent 12 millions de serveurs Web dans le monde et 5000 centres de données (Data Center), dont 500 sont des "hyperscale" de très grands capacité. IBM précise que son nouveau module de liaison en peigne optique pourra entraîner les grands modèles de langage utilisés pour l'intelligence artificielle générative jusqu'à cinq fois plus rapidement. Ce temps d'entraînement serait alors réduit à trois semaines, ce qui entraînerait une baisse des coûts de fonctionnement car les câbles d'interconnexion entre puces, circuits intégrés et serveurs pourront faire plusieurs centaines de mètres, au lieu de quelques mètres actuellement, permettant une architecture bien plus flexible. IBM met également une question capitale en avant, mais encore sous-estimée, celle de la nécessaire maîtrise des besoins en énergie de l'IA. « Grâce à cette avancée, les puces de demain communiqueront de la même manière que les câbles de fibre optique transportent les données à l'intérieur et à l'extérieur des centres de données, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère de communications plus rapide, plus sobre  et plus durable », souligne Dario Gil, directeur de la recherche chez IBM.

Actuellement, on estime que chaque modèle d'IA entraîné représente une consommation électrique équivalente à celle de 5 000 foyers américains. Selon une récente étude de l’École Polytechnique, la consommation mondiale des serveurs dédiés à l'IA aurait déjà dépassé les 460 TWh en 2023, soit 1,5 % de la consommation électrique mondiale (ou encore la consommation de la France) et pourrait atteindre les 1054 TWH par an en 2028 (la consommation du Japon). Selon la chercheuse Sasha Luccioni, spécialiste reconnue au sein de l'OCDE dans l'impact environnemental de l'IA, une intelligence artificielle (IA) générative utiliserait jusqu'à 30 fois plus d'énergie qu'un moteur de recherche classique. Cette scientifique a développé un outil appelé "Code Carbon", permettant aux développeurs de quantifier l'empreinte carbone de leurs programmes. Elle souligne qu'il serait souhaitable d'obtenir des grandes sociétés travaillant dans le secteur de l'IA plus de transparence sur leur empreinte carbone réelle. Mais elle plaide également sur l'urgence d'une sensibilisation et d'une éducation du grand public, qui doit comprendre l'impact considérable pour l'environnement de l'IA générative. Sasha Luccioni montre par exemple que la création d'une seule image en haute définition avec une IA consomme autant d'énergie qu'une recharge complète d'un téléphone portable. « Il ne s'agit pas de s'opposer à l'IA, là où elle s'avère très utile pour la société, mais de l'utiliser de manière responsable et judicieuse », précise-elle.

Il y a deux ans, des chercheurs de l’Université technique du Danemark à Copenhague ont présenté une étonnante puce photonique capable, en exploitant de façon très ingénieuse l'ensemble du spectre lumineux, de transmettre 1,84 pétabit de données par seconde via un câble à fibre optique, soit l’équivalent du tout le mondial de l'Internet en une seconde, ou encore une bande passante suffisante pour télécharger 230 millions de photographies en une seconde (Voir New Scientist).

Il y a quelques jours, des chercheurs du MIT ont dévoilé un nouveau processeur photonique constitué de modules interconnectés qui forment un réseau de neurones optiques. Ce processeur peut réaliser des fonctions non-linéaires optiques et a été conçu pour fonctionner entièrement de manière optique durant tout le processus de calcul, jusqu’à l’étape de lecture des résultats, ce qui augmente sensiblement la vitesse de calcul, tout en réduisant la consommation énergétique. Ce système photonique intégré a atteint une précision de plus de 96 % lors des tests d'entraînement et de plus de 92 % lors des inférences, ce qui est comparable aux performances de l'informatique classique. L'étude précise que cette puce a pu effectuer des calculs clés en moins d'une demi-nanoseconde, un record en la matière. Autre avantage majeur de ce processeur, il est fabriqué à l’aide de procédés industriels standard, ce qui devrait faciliter la déclinaison industrielle de cette technologie et son intégration avec des composants électroniques classiques (Voir MIT). Ce processeur photonique pourrait trouver de nombreuses applications dans de multiples domaines, à commencer par l'apprentissage en temps réel en IA, une tâche qui connaît un développement très rapide avec l'arrivée dans les usines et les foyers des robots polyvalents, et qui requiert une énorme puissance de calcul et consomme énormément d'énergie.

Toujours il y a quelques jours, des scientifiques du Forschungszentrum Jülich (FZJ), de l'université de Stuttgart et de l'Institut Leibniz pour la microélectronique de haute performance (IHP), ainsi que leur partenaire français CEA-Leti, ont mis au point le premier laser semi-conducteur à ondes continues, composé exclusivement d'éléments du quatrième groupe du tableau périodique, appelé "groupe du silicium". Construit à partir de couches ultrafines de silicium-germanium-étain et de germanium-étain empilées, ce nouveau laser est le premier à être cultivé directement sur une plaquette de silicium, ce qui devrait encore faciliter la photonique intégrée sur puce. Cette avancée technique ouvre la voie à des puces électroniques dotées de circuits intégrés photoniques (PIC) à faible coût, ce qui permettra à la fois d'améliorer leurs performances et de réduire sensiblement leur consommation d'énergie (Voir Photonics spectra). Ce nouveau laser est par ailleurs compatible avec la technologie CMOS conventionnelle pour la fabrication des puces, ce qui fait dire aux chercheurs qu'il est "le chaînon manquant" dans la chaine de la photonique sur silicium.

En juin dernier, des chercheurs chinois ont présenté une puce photonique de détection et de calcul intelligente, capable de traiter, transmettre et reconstruire des images d’une scène en quelques nanosecondes. Cette avancée va permettre un traitement d’images extrêmement rapide, une performance très attendue dans des applications telles que la conduite autonome, la robotique industrielle, l’imagerie médicale ou la défense. « Nos recherches visent à dépasser les limites actuelles de traitement des images pour des tâches liées à la conduite autonome  », a précisé Lu Fang, chef de l’équipe de recherche de l’Université Tsinghua en Chine (Voir ECNS). Ces chercheurs ont baptisé cette nouvelle puce, "puce de réseau de calcul optique parallèle" (OPCA). Leur étude précise que l’OPCA a une bande passante de traitement allant jusqu’à cent milliards de pixels et un temps de réponse de seulement 6 nanosecondes, soit une différence gigantesque de six ordres de grandeur par rapport aux techniques actuelles. La vision par ordinateur repose pour l'instant sur la conversion des informations optiques en signaux électroniques numériques à l’aide de capteurs. Ces signaux sont ensuite transmis par fibres optiques pour la transmission de données à longue distance et les tâches en aval. C'est ce processus de conversion entre les signaux optiques et électroniques qui est devenu un véritable goulot d’étrangement qui limite la capacité de traitement de la vision par ordinateur. C'est là qu'intervient cette nouvelle puce qui pourrait assurer un traitement d'images complexes pratiquement en temps réel, de quoi révolutionner de nombreux secteurs, tels que transports mais également médecine et loisirs (Voir SCMP).

La photonique pourrait également permettre de concevoir des ordinateurs quantiques bien moins complexes, fragiles et coûteux que les machines actuelles, dont la plupart nécessitent des températures proches du zéro absolu. Pour surmonter cet obstacle majeur, des chercheurs de l’Université du Witwatersrand, en Afrique du Sud, ont exploré une approche novatrice exploitant des faisceaux laser et des équipements grand public, comme des écrans numériques. Ces scientifiques ont mis au point un système informatique quantique plus simple, plus abordable et tout aussi prometteur que les technologies lourdes et onéreuses qui dominent actuellement ce secteur (Voir University of The Witwatersrand). Ce qui rend cette découverte particulièrement fascinante, c’est la simplicité des outils utilisés : des faisceaux laser, des lentilles et des écrans numériques ordinaires, identiques à ceux que l’on trouve dans les projecteurs courants. Le concept de cette machine repose sur un principe ingénieux : exploiter les interactions naturelles entre la lumière et ces dispositifs optiques pour simuler des opérations mathématiques complexes. Avec cette technologie relativement simple, ces chercheurs ont pu montrer qu'il était possible d’exécuter des algorithmes sophistiqués habituellement réservés aux machines quantiques avancées, comme l’algorithme Deutsch-Jozsa, inventé en 1992, qui est l'un des premiers algorithmes quantiques plus efficace qu'un algorithme classique. Cet algorithme est bien connu des informaticiens pour sa capacité à déterminer rapidement si une opération est aléatoire ou prévisible, une tâche que les ordinateurs quantiques réalisent bien plus efficacement que les ordinateurs classiques.

On comprend mieux l’intérêt de cette innovation dans une situation réelle et concrète. Imaginons que nous voulions optimiser l’itinéraire d’une importante flotte de camions, de différentes capacités, en prenant naturellement en considération une multitude de contraintes complexes : volume des véhicules, horaires, trafic, type de marchandises transportées, conditions météo, coûts, émissions de CO₂... Là où un ordinateur classique mettra plusieurs heures à traiter cette masse de données, une machine quantique photonique, comme celle développé par ces chercheurs Sud-Africains, pourra proposer en seulement quelques secondes les itinéraires optimaux, grâce à sa capacité unique de traitement simultané des informations. Le système mis au point par les chercheurs Sud-Africains est déjà capable de traiter 16 niveaux d’information simultanément mais pourrait potentiellement en prendre en charge des milliers, ouvrant alors la voie vers une puissance de calcul inimaginable. Ces machines quantiques photoniques pourraient donc permettre de résoudre en quelques minutes, ou quelques heures, des problèmes qui nécessiteraient aujourd’hui des dizaines d'années de calcul avec nos meilleurs ordinateurs, comme la conception de nouveaux médicaments personnalisés, de nouveaux matériaux et de nouveaux modes de propulsion spatiale...

La photonique, on le sait peu, est également à l'origine de progrès remarquables en médecine et en biologie avec des outils de haute résolution pour explorer les organes ou des cellules vivantes, et des applications en endoscopie, en chirurgie ou en thérapie photodynamique. Le projet européen SCANnTREAT, lancé en 2020. et rassemblant l’université Claude Bernard Lyon 1, l’Inserm et les Hospices civils de Lyon, a permis de mettre au point une nouvelle technique de diagnostic et de traitement de certains tumeurs cancéreuses, en combinant une imagerie par scanner et une thérapie photodynamique activée par rayon X. Autre initiative importante, les 11 partenaires du projet UCAIR, parmi lesquels on trouve Photonics Bretagne, l'Université de Limerick, GmbH, Femto-st – laboratoire du CNRS, l'Institut de Photonique de Leibniz, et l'Université d'Iena, se sont réunis en mai dernier à Lannion. Le but du projet UCAIR – Ultra-fast Chemical Analysis Imaging with Raman – est de développer une technologie photonique de diagnostic précoce du cancer. Cet outil doit permettre de détecter très rapidement de minuscules perturbations, au niveau moléculaire, du cycle de vie des cellules biologiques, et d'améliorer ainsi sensiblement l'efficacité et le confort des traitements, en substituant aux longues analyses des biopsies des tests photoniques presque instantanés.

Il y a quelques semaines, Quandela, le CNRS, l’Université Paris-Saclay et l’université Paris Cité, ont inauguré, au Centre de nanosciences et nanotechnologies, à Saclay, le laboratoire commun QDlight dédié à la recherche en photonique quantique. Quandela est devenue le leader européen du calcul quantique photonique. Cette société, issue du CNRS, produit et commercialise en Europe depuis 2017 des émetteurs de lumière quantique, des composants indispensables aux technologies de calcul quantique photonique, et a livré ses premiers ordinateurs quantiques photoniques en 2023. Ces acteurs vont unir leurs efforts pour développer une nouvelle génération d’émetteurs de lumière quantique, utilisables dans les futurs ordinateurs quantiques photoniques. Ce groupement scientifique a été retenu fin juin par l’entreprise commune européenne EuroHPC, pour l’acquisition, la livraison et l’installation d’un calculateur quantique photonique d’au moins 12 qubits. Il s’agira du calculateur quantique photonique le plus puissant d’Europe. Ce calculateur sera installé en 2025 dans le centre de calcul du CEA, le TGCC, à Bruyères-le-Châtel et sera couplé au supercalculateur Joliot-Curie du GENCI. Cet outil unique en son genre pourra être utilisé pour la recherche publique ou privée, française et européenne. Baptisé "LUCY", cet ordinateur photonique sera à la pointe de l’innovation à l’échelle européenne et mondiale. Quandela maîtrise une technique permettant d'émettre des photons uniques, qui sont acheminés par fibre optique vers une puce sur laquelle ils interfèrent pour réaliser un calcul. LUCY, dont la capacité sera doublée à horizon 2026, va pouvoir s'attaquer à des problèmes très complexes, et très gourmands en calcul, liés à la simulation électromagnétique, la mécanique des structures, la combustion dans les moteurs, la simulation de matériaux, la météorologie et l’observation terrestre.

En attendant la mise au point d'un ordinateur quantique photonique universel, capable de traiter tous les types de problèmes à une vitesse inimaginable aujourd'hui, nous devrions voir rapidement arriver de nouvelles machines hybrides, combinant le meilleur de l'électronique et de la photonique, qui seront déjà de 10 à 100 plus rapides que nos ordinateurs actuels les plus puissants. Avec plus de 1200 entreprises, 20 milliards de chiffre d'affaires et 84 000 emplois, la France dispose d'une industrie et d'une recherche photonique de premier plan, et peut s’enorgueillir de compter deux Nobel de physique récents en photonique, Gérard Mourou (Nobel 2018), et bien sûr le grand physicien Alain Aspect (Nobel 2022), qui a définitivement démontré, dans une expérience historique réalisée à Orsay en 1982, l'intrication quantique des photons. Notre pays doit absolument maintenir son niveau d'excellence dans ce domaine stratégique de recherche, considéré par l'Union européenne, comme l'une des principales technologies de rupture de ces prochaines décennies. La photonique peut non seulement participer activement à la nécessaire réindustrialisation de la France mais peut également devenir un levier très puissant et socialement très utile, pour rendre compatible la révolution numérique actuelle, dominée par l'arrivée massive de l'IA générative et l'Internet des objets, avec les objectifs de réduction de nos émissions de CO2 et de lutte contre le changement climatique...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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