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Le perré, un matériau écologique qui peut se substituer au béton

Dans la lande de Ploumanac’h, au sommet des carrières de granit jouxtant Perros-Guirec (Côtes-d’Armor), une drôle de construction toise l’horizon. Haut de 4m50, l’édifice est encore entouré d’échafaudages, preuves que le chantier touche à son terme, une semaine après le lancement des travaux. Mais c’est surtout la texture du matériau, ainsi que sa couleur qui interpellent en premier lieu : « La structure a cette couleur orangée parce que le ciment est remplacé par des résidus de granit rose, appelés perré », expose Clément Périssé, l’un des architectes à l’origine de ce projet. Un matériau peu valorisé, qui pourrait pourtant remplacer le béton traditionnel dans certaines constructions, affirme l’expert de 39 ans.

L’histoire de cette construction remonte à 2020, lorsque Clément Périssé et Alice Grégoire, deux des fondateurs du studio d’architecture Cookies, quittent les Pays-Bas où ils ont fondé l’entreprise pour devenir pensionnaires de la Villa Médicis, à Rome. Ils commencent alors à travailler sur la trajectoire des matériaux de construction, en s’intéressant notamment au béton romain : « C’est un mortier de chaux avec des agrégats, auquel les Romains ajoutaient de la poudre volcanique », explique Clément Périssé. « L’invention de ce matériau a marqué un véritable tournant dans l’histoire de l’architecture, notamment parce que ce béton prend aussi sous l’eau ».

À force d’étudier le vénérable matériau, qui fait toujours parler de lui dans la presse scientifique, les architectes lancent un projet d’expérimentation nommé Pierre liquide : « L’idée première, c’était de mettre au point des bétons durables dans le temps, mais également moins polluants », retrace Clément Périssé, en précisant que la seule production de ciment, ingrédient essentiel du béton, est responsable de 7 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Partant de ce constat, les architectes décident de se lancer dans la création d’un béton vernaculaire. Derrière ce grand mot se cache l’enseignement du béton romain d’utiliser des matériaux locaux pour multiplier les types de béton : « Les Romains se servaient de leur sol volcanique pour mettre au point leur matériau. Et si nous utilisions d’autres matériaux locaux pour mettre au point une nouvelle forme de béton, comme le granit rose ? »

Très attachés à la Bretagne, Alice Grégoire et Clément Périssé se décident alors à commencer leur expérimentation avec l’affleurement de granit rose de Perros-Guirec, « l’une des plus anciennes formations géologiques de France ». Grâce au soutien du groupe Brachot-Hermant, propriétaire de carrières granitiques perrosiennes, les architectes ont pu se procurer le fameux perré : « C’est un matériau très peu valorisé, qui sert principalement de remblais aux ouvriers de la carrière », note Clément Périssé. « Quand on leur a dit qu’on voulait l’utiliser comme matériau de construction, ils n’y croyaient pas une seule seconde ». Pourtant, aujourd’hui, l’édifice se dresse désormais fièrement dans la lande. Les résidus granitiques ont été tassés grâce à la technique du pisé, laissant la terre crue à la merci du vent et de la pluie : « Cet amer est à la fois une œuvre d’art et un prototype. Nous avons choisi ce lieu exposé pour tester la résistance du matériau face à la météo bretonne, parfois capricieuse », sourit l’architecte.

Faut-il alors parler de révolution dans le monde de la construction ? « Le perré ne va pas remplacer le béton industriel du jour au lendemain », tempère Clément Périssé. « C’est surtout une invitation à s’approprier les moyens de construction, et une manière de développer de nouveaux savoirs locaux ». Et de valoriser des matériaux jusqu’ici jugés inutiles.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Ouest France

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