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Edito : Les ondes gravitationnelles : le témoignage du premier milliardième de seconde de la création de notre Univers !
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La découverte est historique et a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde de la science : des chercheurs américains, dirigés par John Kovac et Clement Pryke, ont annoncé le 17 mars dernier avoir détecté pour la première fois des ondes gravitationnelles primordiales, émises au tout début de notre Univers, 10-38 secondes après le Big Bang, probablement au cours d’une phase d’inflation pendant laquelle le volume de l’espace a été multiplié à une vitesse fantastique par 10 puissance 26.
Résultat de deux ans d’observations patientes, cette avancée décisive en physique et en cosmologie, a été rendue possible grâce au nouveau télescope Bicep, installé au pôle Sud. Pour parvenir à ce résultat, ce télescope qui observe le Cosmos dans le domaine des micro-ondes a établi une cartographie du fond diffus de l’Univers assez comparable à celle du satellite Planck. Cette dernière avait permis d’observer avec une précision inégalée les infimes fluctuations de température – d’un millionième de degré - de la première lumière de l’Univers, émise 380.000 ans après le Big Bang.
Selon le même principe, Bicep2 (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization) a analysé l’une des caractéristiques de ce rayonnement : sa polarisation particulière. C’est en analysant cette carte de la polarisation que la première onde gravitationnelle a été mise en évidence. Bien que le télescope Bicep2 n’ait pas directement observé ces ondes gravitationnelles primordiales, il a pu en mesurer les effets sur ce rayonnement primordial révélé en mars 2013 par le satellite Planck.
En exploitant la cartographie de ce fonds diffus cosmologique révélé par le satellite Planck, les chercheurs ont pu vérifier que certains photons venant de l’Espace étaient bien polarisés de façon particulière, exactement comme le prévoyait la théorie de la Relativité générale d’Einstein.
C’est en 1918 que le génial physicien, s’appuyant sur sa théorie récente formulée en 1915, avait prévu l’existence de ces ondes gravitationnelles sous l’effet de très grandes masses accélérées à de très grandes vitesses. Selon la théorie d’Einstein, ces ondes gravitationnelles doivent principalement provenir d’objets massifs et très denses, tels que des trous noirs ou encore des étoiles à neutrons.
En 1974, deux astronomes, Russel Hulse et Joseph Taylor (Prix Nobel de Physique en 1993), avaient observé pour la première fois une preuve indirecte de l'existence de telles ondes en observant un pulsar binaire (un couple d'étoiles dont l'une des étoiles est une étoile à neutrons) et en montrant que sa période orbitale diminuait exactement, en perdant son énergie par émission gravitationnelle, comme le prédisait la théorie de la relativité générale.
Mais, comme le souligne de manière pertinente Thibault Damour, professeur à l’Institut des hautes études scientifiques, « Ce qui est beau dans cette découverte, c’est moins les ondes gravitationnelles elles-mêmes que leur origine quantique. »
Il est en effet très important de préciser que le type d’ondes gravitationnelles qui vient d’être observé est différent des ondes gravitationnelles « classiques », comme celles découvertes par Hulse et Taylor et qui sont produites par des étoiles doubles ou des trous noirs. Ces ondes « classiques » sont en effet directement liées à la théorie de la relativité générale d’Einstein qui propose un modèle global de la structure de l’espace-temps. Elles n’ont pas encore été détectées directement mais pourraient bien l’être en 2015, grâce à la mise en service de deux interféromètres d’une extrême sensibilité : Virgo en Italie et Ligo aux Etats-Unis.
Celles révélées le 17 mars auraient pour leur part été créées par des fluctuations du vide quantique régnant aux premiers instants de l’Univers.
Bicep2 fait même d’une pierre deux coups car elle conforte plusieurs théories qui ont toutes en commun de postuler une période très brève d’inflation, c’est-à-dire une prodigieuse expansion de l’Univers juste après le Big Bang. « C'est une preuve cosmologique totalement nouvelle et indépendante de la vision inflationniste », souligne dans la revue « Nature » le physicien Alan Guth qui avait proposé cette théorie de l’'inflation en 1980 (Voir Nature).
Comme le souligne François Bouchet, cosmologue, directeur de recherche à l'Institut d'astrophysique de Paris, du CNRS et de Paris VI, « Dans le modèle du Big Bang, il y a une phase dite d'inflation qui se produit très tôt, dans les premiers milliardièmes de milliardièmes de secondes. L'Univers, d'abord essentiellement homogène et sans déformation, subit ensuite une phase très rapide d'augmentation des distances puisqu’il passe en une seconde de la taille d’un atome à celle d’une galaxie. C’est au cours de cette phase que se forment des « grumeaux » qui se traduisent par des variations de densité et des accumulations de différentes quantités de matières en différents endroits".
C’est cette première phase « inflationniste » qui aurait laissé son empreinte dans le rayonnement fossile de l'Univers depuis sa création, il y 13,7 milliards d’années, comme l’a magistralement confirmé la cartographie ultra-précise de l'Univers dressée par le satellite Planck l’année dernière.
Elargissant la portée de cette découverte, François Bouchet souligne que cette avancée fondamentale vient également conforter "le degré de validité des lois que l'humanité a réussi à extraire de la nature", faisant notamment allusion aux grandes théories qui constituent le cadre de référence de notre compréhension du réel, de l’infiniment petit à l’infiniment grand : lois de la gravitation de Newton (1685), l'électromagnétisme de Maxwell (1865) , la relativité générale d’Einstein (1915) et bien entendu la mécanique quantique, formalisée par une dizaine de physiciens parmi lesquels Albert Einstein, Max Planck, Niels Bohr, Louis de Broglie, Paul Dirac, Ervin Schrödinger et Bernard Heisenberg, entre 1900 et 1927.
Aujourd’hui, la théorie du « Big Bang », élaborée entre 1922 et 1927 par Friedmann, Lemaître et Hubble a été largement confirmée par de multiples observations et expérimentions, qu’il s’agisse de la découverte en 1965 du bruit de fond cosmique (rayonnement fossile du Cosmos) par Penzias et Wilson, du décalage vers le rouge des galaxies, découvert par Hubble et bien sûr de la cartographie cosmique d’une stupéfiante précision, dressée par le satellite Planck en 2013.
Cette carte du Cosmos confirme que notre Univers est bien constitué à plus des deux tiers par une mystérieuse « énergie sombre », dont on ne sait à peu près rien, si ce n’est qu’elle semble contrebalancer la force de gravitation et provoquer un développement accéléré de notre Univers depuis environ 7 milliards d’années. Le « solde » de ce qui constitue l’Univers est composé de « matière noire » (27 % de l’Univers), dont on ne connaît toujours pas la nature exacte et enfin de « matière ordinaire » (celle dont nous sommes composés), pour seulement 5 %...
Le moins qu’on puisse dire est qu’on ne peut pas se satisfaire d’un modèle théorique global, le Big Bang, aussi incomplet puisqu’il reste incapable d’expliquer de quoi sont faits 95 % de notre Univers ! Autre anomalie très intéressante : la partie droite de la nouvelle carte de l'Univers apparaît nettement différente de la partie gauche et comporte ce que les physiciens appellent « asymétrie des températures moyennes ». Or cette étrange dissymétrie n’a aucune explication satisfaisante dans le cadre du « modèle standard » actuel…
Et puisque l’on évoque cette curieuse dissymétrie, comment ne pas être également intrigué par celle, non moins étrange, concernant la présence très majoritaire de matière noire dans notre Univers ? Sachant que matière et antimatière ont été créées en même quantité au moment du Big Bang, on peut en effet se demander pourquoi aujourd’hui notre Univers observable est uniquement composé de matière et ne s’est pas immédiatement autodétruit lors de sa création par annihilation réciproque de la matière et de l'antimatière ?
Mais la physique de « l’infiniment petit » réserve également bien des surprises à mesure qu’elle progresse. On se rappelle qu’en juillet 2012, le CERN de Genève confirmait (Voir CERN) la découverte du fameux boson de Higgs, la pierre manquante pour compléter enfin l’édifice du modèle standard de la physique des particules. Mais en 2013 les physiciens ont eu la grande surprise de constater qu’au lieu de découvrir une seule particule de masse d’environ 125 gigaélectronvolts (GeV), ils en avaient apparemment identifié deux, la première ayant une masse de 123,5 GeV et la seconde de 126,6 GeV.
Si cette surprenante découverte, qui ne semble pas due à des erreurs de calcul, se confirme, elle viendrait sérieusement remettre en cause non seulement le modèle standard mais également la supersymétrie, une théorie qui postule l’existence d’une relation fondamentale entre les particules appartenant à la famille des fermions (celles qui constituent la matière ordinaire) et les particules appartenant à la famille des bosons (celles qui véhiculent les quatre grandes forces de l’Univers).
En fait, contrairement à la présentation simplifiée qui en a été faite dans les médias, ce n’est pas le boson de Higgs lui-même qui confère une masse aux autres particules. En effet ce boson, découvert par le CERN, n’est qu’une manifestation du champ de Higgs. Pour prendre une comparaison que chacun peut comprendre, ce champ de Higgs pourrait représenter l’eau de l’océan et les bosons de Higgs, l’énergie transportée par les vagues.
On comprend mieux alors, grâce à cette métaphore, que ce boson de Higgs se matérialise uniquement lorsqu’un objet vient interagir avec l’eau, c’est-à-dire quand une particule interagit avec ce champ de Higgs. Il faut donc bien comprendre que, dans ce nouveau modèle physique, la masse d’une particule élémentaire cesse d’être une propriété intrinsèque mais dépend de l’interaction de cette particule avec le champ de Higgs.
Avec la découverte presque concomitante du boson de Higgs et des ondes gravitationnelles d’origine quantique, sans oublier la récente cartographie cosmique effectuée par le satellite Planck et ses inexplicables anomalies dissymétriques, les physiciens sont plus que jamais confrontés à un problème théorique majeur : comment articuler correctement dans un nouveau cadre conceptuel cohérent et global les deux grands édifices théoriques construits au début du XXe siècle : la théorie de la relativité générale et la physique quantique ?
Comme l’explique très bien le physicien américain Brian Greene dans ses essais et notamment dans « l’Univers élégant », l'incompatibilité actuelle entre la relativité générale et la physique quantique est fondamentalement liée à la structure de l'espace-temps à petite échelle. La relativité générale suppose en effet que la force de gravité se manifeste par la courbure à grande échelle et progressive de l'espace-temps à quatre dimensions (trois dimensions spatiales et une dimension temporelle).
En revanche, au niveau atomique qui est celui de la mécanique quantique, c'est le principe d'incertitude d’Heisenberg (formulé en 1927 et qui montre qu’il est impossible de connaître simultanément la vitesse et la position précise d’une particule) qui domine la trame microscopique de l’espace-temps qui est soumise à des fluctuations trop violentes pour être compatible avec la relativité générale.
Actuellement, beaucoup de physiciens pensent que la théorie des cordes, imaginée en 1968 par Gabriele Veneziano puis complétée et unifiée en 1995 grâce aux travaux de plusieurs physiciens dont l’Américain Edward Witten, constitue l'une des voies de recherche les plus prometteuses pour parvenir enfin à dépasser les incompatibilités actuelles entre la relativité générale et la mécanique quantique. Dans la théorie des cordes, qui suppose un Univers à 11 dimensions (une dimension temporelle et 10 dimensions spatiales), chaque particule serait en fait constituée d’une minuscule corde (10-33 cm) qui pourrait être ouverte ou fermée et dont le mode de vibrations particulier entraînerait l’apparition physique de cette particule et de ses propriétés physiques singulières.
Cette théorie des cordes se heurte cependant à un formalisme mathématique d’une complexité déroutante et reste très spéculative, n’étant pas directement vérifiable pour l’instant sur le plan expérimental. Néanmoins, en 1997, des physiciens américains, dont Juan Malcadena, sont parvenus à utiliser la théorie des cordes pour montrer que, même lorsqu’un trou noir s’évapore, les principes de la physique quantique restent valides et l’information contenue par ce trou noir ne se perd pas. Cette brillante démonstration finit par convaincre Stephan Hawking lui-même en 2004 !
Il reste que cette théorie des cordes pose autant de questions qu’elle est censée en résoudre. Elle comporte notamment un nombre absolument immense de solutions mathématiques et conforte une autre théorie, celle du « Multivers », ardemment défendue depuis plus de 30 ans par le physicien d’origine russe Andrei Linde.
Linde est persuadé que la théorie du Big Bang comporte trop de questions non résolues et doit tout simplement être abandonnée et remplacée par une autre hypothèse. Il souligne notamment que le Big Bang prévoit un Univers beaucoup plus petit qu’il l’est en réalité et n’explique pas pourquoi les différentes régions de l’Univers sont si semblables, ni pourquoi les galaxies les plus lointaines sont distribuées de façon aussi uniforme dans l’Univers.
Linde propose de remplacer la théorie du Big Bang par une nouvelle théorie baptisée « Univers auto-reproducteur et très forte croissance ». Selon cette théorie fascinante, notre Univers ne serait qu’une bulle à la surface d’un « Méta-Univers » infini et éternel. Dans ce modèle, ce « Multivers », qui n’aurait ni commencement ni fin dans le temps et dans l’espace ne cesserait de produire de nouveaux Univers par autoreproduction et de se développer selon une arborescence inspirée par les mathématiques fractales. Pour Linde, chacun de ces Univers posséderait ses propres lois physiques et serait à jamais déconnecté des autres Univers.
Le grand avantage de cette théorie du « Multivers » est qu’il résout deux questions lancinantes qui taraudent tous les physiciens. La première peut se formuler ainsi : comment se fait-il que toutes les constantes fondamentales de notre Univers possèdent les valeurs arbitraires qu’elles ont et pas d’autres ? Quant à la deuxième question qui découle directement de la première, elle est encore plus radicale : pourquoi l’ensemble de ces constantes fondamentales sont-elles réglées avec une précision inouïe de manière à permettre l’apparition de la vie et de la conscience ?
Il a en effet été démontré qu’il suffirait qu’une seule de ces constantes ait une valeur très légèrement différente à celle observée pour que l’apparition de la vie, telle que nous la connaissons, devienne absolument impossible dans l’Univers.
Face à cette énigme vertigineuse, un autre astrophysicien de renom, Trinh Xuan Thuan, Professeur à l’Université de Virginie et auteur de remarquables essais, comme « Le Chaos et l’harmonie » et plus récemment « Désir d’Infini », n’est pas du tout convaincu par cette hypothèse en vogue du « Multivers ».
S’appuyant notamment sur le fameux « rasoir d'Ockham », du nom du philosophe franciscain Guillaume d’Ockham qui vécut au XIVe siècle et sur les réflexions de l’évêque philosophe irlandais Georges Berkeley, cet éminent chercheur défend avec passion le principe d’économie qui consiste à ne pas multiplier inutilement les entités pour résoudre un problème. Trinh Xuan Thuan souligne également que l’hypothèse du « Multivers » restera à jamais invérifiable et relève donc de la spéculation métaphysique et pas de la science. Il relève également que cette théorie n’apporte aucune réponse à la question fondamentale formulée par Emmanuel Kant : « pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ? ».
Pour Trinh Xuan Thuan, nous devons, tout en conservant une parfaite rigueur scientifique, revenir au seul cadre du réel que nous pouvons appréhender et observer : celui de notre Univers considéré comme une entité unique, régie par des lois stables, précises et tout à fait extraordinaires qui lui permettent d’évoluer dans le temps en ne cessant de se développer en complexité, puisque nous sommes là pour en parler !
A la lumière de cette rapide synthèse des avancées récentes en physique des particules et en cosmologie, on voit donc à quel point la découverte expérimentale du – ou des – bosons de Higgs, des ondes gravitationnelles prévues par la relativité générale et de leur version quantique résultant des tout premiers instants de l’Univers, rend nécessaire une nouvelle construction théorique qui intègre la relativité générale et la physique quantique dans un ensemble plus complet et cohérent.
Mais quel que soit le nouveau cadre conceptuel et scientifique qui permettra demain d’unifier la relativité générale et la physique quantique, il ne pourra pas faire l’économie de cette troublante réalité qui nous a placés dans un Univers dont les lois étranges semblent organisées depuis sa création pour aller de la matière à la vie puis de la vie à la pensée et à la conscience…
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Physique
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François VERDOT
28/03/2014"...a été multiplié à une vitesse fantastique par 1026". Par 10 puissance 26 sans doute ?....
MALGUY
28/03/2014"la relativité générale d’Einstein (1915) et bien entendu la mécanique quantique, formalisée par une dizaine de physiciens parmi lesquels Albert Einstein, Max Planck, Niels Bohr, Louis de Broglie, Paul Dirac, Ervin Schrödinger et Bernard Heisenberg, Louis de Braille, Paul d’Irak entre 1900 et 1927."
Paul d'Irak a t'il été aveuglé par Louis de Braille en prévision du 1er avril ?