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Numérique terrestre : le scénario du report
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La télévision numérique terrestre sera retardée. Tout se ligue contre elle, le gouvernement, les grandes chaînes privées généralistes, leurs actionnaires, et le monde du cinéma qui forme un bloc commun contre ce projet. Tous redoutent que le lancement prématuré de la TNT bouleverse toute l'économie du paysage audiovisuel. Jean-Jacques Aillagon, le ministre de la Culture et de la Communication, en est persuadé depuis sa nomination. Le nouveau locataire de la Rue de Valois a décidé de prendre le temps nécessaire à la réflexion afin de mesurer tous les enjeux de la Télévision numérique terrestre dont il souhaite le report tant que celle-ci reste dans le flou. Dans une lettre adressée au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, publiée dans Libération, Jean-Jacques Aillagon « propose que soit engagée, dans les plus brefs délais et au meilleur niveau, une concertation entre le CSA et le ministère de la Culture et de la Communication, de façon à mieux cerner la nature des difficultés techniques, économiques et juridiques, ainsi que les solutions envisagées pour les surmonter ». Ce courrier a déjà été examiné en assemblée plénière du CSA mardi dernier. Solidaires de leur président, les 9 conseillers qui savent qu'une majorité se dégage en leur sein pour reporter la TNT n'ont pas voulu se prononcer publiquement pour ne pas le mettre en minorité. Dans sa lettre, Jean-Jacques Aillagon a insisté sur la question, essentielle à ses yeux, du financement des fréquences qui doivent passer du mode analogique au mode numérique. Si les chaînes devaient en assumer la charge, ce coût reviendrait, d'après l'association des chaînes du câble et du satellite l'ACCeS, à 1 million d'euros par chaîne et par an, sur environ 10 ans. « Ce montant qui ruinerait définitivement les perspectives d'équilibre économique de ces chaînes », indique l'ACCeS. Les inquiétudes du ministre sont relayées par le député Olivier de Chazeaux, secrétaire national du RPR chargé de la communication, qui se verrait bien confier le portefeuille de la Communication dans le prochain gouvernement. Il préconise un mois supplémentaire de réflexion pour trancher les questions en suspens de la TNT. Pour le député des Hauts-de-Seine, une date butoir doit être fixée pour l'arrêt de la diffusion hertzienne analogique au profit de la TNT comme préalable à l'ouverture de ce dossier. En outre, il indique que le gouvernement doit favoriser une distribution commerciale de la TNT partagée par plusieurs opérateurs. Au-delà de ces problèmes techniques, c'est la question du modèle économique de ces 33 nouvelles chaînes numériques qui est posé. Quelles sont aujourd'hui les garanties de leur viabilité économiques ? Nul ne peut, dans le contexte économique actuel, le prédire. Le cinéma français est persuadé que les contributions obligatoires des chaînes câblées et satellitaires françaises au cinéma seraient compromises par un lancement intempestif de la TNT. Et la création s'en trouverait fragilisée. L'ensemble des organisations professionnelles du cinéma français et les grands groupes comme TF1, Canal + et M6, ont passé une alliance objective pour rejeter la TNT. Ils doivent tenir une grande réunion, en milieu de semaine prochaine, pour envisager des actions communes. L'objectif est de convaincre le CSA de suspendre sine die la procédure. Le premier ministre et son ministre de la Culture et de la Communication partagent cet avis tandis que Dominique Baudis défend toujours, avec ténacité, le numérique terrestre campe sur ses positions. « Je suis persuadé du bien-fondé de la TNT. Je me place du côté des téléspectateurs qui auront la possibilité de passer de 6 chaînes à 33 », a déclaré le président du CSA sur la chaîne Public-Sénat. « La loi a défini un calendrier, je l'applique. Les auditions des candidats commencent le 17 juin. Le train est en marche, nous n'allons pas l'arrêter », a-t-il précisé. Dans la pratique, le gouvernement n'a pas aujourd'hui la possibilité, avant le 17 juin, de changer la loi pour différer le projet. En revanche, le CSA peut attribuer les fréquences mais suspendre pendant quelques mois, voire un an, leur délivrance. On risque de se retrouver dans la position paradoxale où des groupes comme Lagardère, Bolloré, Berda disposeront de fréquences qu'ils ne pourront utiliser avant 2004, sinon 2005. Certains d'entre eux se demandent déjà si cela vaut la peine de présenter publiquement un projet de chaîne que la concurrence aura tout le loisir de copier pendant les prochaines années. Le Conseil d'Etat pourrait même être saisi par un opérateur mécontent qui voudra savoir si la détention par une société privée d'une fréquence publique non utilisée est conforme à la loi.
Figaro : http://www.lefigaro.fr/economie/20020608.FIG0096.html
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