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Une nouvelle classe d'antidouleur venue d'un poisson venimeux
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Les opiacés (substances dérivées de l’opium) et les opioïdes (substances non apparentées à l’opium, mais qui possèdent un effet analgésique similaire) sont devenus au cours des dernières décennies les principaux médicaments utilisés pour le traitement de la douleur.
Ces molécules interagissent avec certains récepteurs présents dans le système nerveux central pour empêcher le signal de douleur d’atteindre le cerveau ; en conséquence, même si les dommages responsables de la douleur demeurent présents, le patient ne ressent plus (ou avec beaucoup moins d’intensité) cette douleur.
Cette action analgésique des opiacés et opioïdes n’est cependant pas parfaite : en plus des nausées et de la constipation, deux effets secondaires fréquents, la consommation répétée de ces médicaments sur de longues périodes peut aussi entraîner une dépendance qui mène à une surconsommation de ces médicaments et à un risque élevé de mortalité par arrêt respiratoire.
Ce phénomène a pris une ampleur très inquiétante aux États-Unis, où les décès causés par les surdoses d’opiacés ont grimpé en flèche au cours des 15 dernières années et sont l’un des principaux responsables de la réduction de l’espérance de vie observée chez nos voisins. La découverte de médicaments antidouleurs capables de reproduire les effets analgésiques des opiacés tout en pouvant être utilisés de façon prolongée, sans risque de dépendance, pourrait donc révolutionner le traitement de la douleur.
Puisque la dépendance aux opiacés provient de leur action au niveau du système nerveux central, une façon de contourner ce problème serait de bloquer localement les nerfs nociceptifs, responsables du signal de douleur. En ce sens, il est intéressant de noter que plusieurs poisons d’origine naturelle exercent justement leur action en bloquant l’influx nerveux et il a donc été proposé que ces toxines puissent être injectées localement pour supprimer la douleur à la source.
La tétrodotoxine (TTX) présente dans les poissons-globes (fugu en japonais) pourrait représenter l’une de ces toxines naturelles dotées de propriétés analgésiques. Cette toxine n’est pas produite par les poissons eux-mêmes, mais plutôt par certaines bactéries qui sont associées aux végétaux dont ils se nourrissent, et s’accumule dans le foie et les organes reproducteurs du poisson-globe. Au Japon, où le fugu est considéré comme un mets très délicat, seuls les chefs possédant une formation spéciale dans la préparation de ce poisson sont autorisés à le servir, généralement sous forme de sashimis tranchés si minces que le motif du plat de service demeure visible.
Cette précaution est essentielle, car la tétrodotoxine est une molécule extrêmement toxique (plusieurs milliers de fois plus puissante que le cyanure) qui empêche l’entrée de sodium dans les neurones et provoque une paralysie musculaire complète en bloquant de façon irréversible la transmission de l’influx nerveux.
Une équipe de savants américains a récemment testé le potentiel analgésique de la tétrodotoxine administrée localement et en petite quantité. Les résultats obtenus sont très encourageants : en liant biochimiquement la toxine à un polymère biodégradable à base de polyéthylène glycol, ils ont tout d’abord observé que la toxine était relâchée lentement au site d’injection, ce qui permet de réduire les quantités administrées et donc le risque d’effets secondaires causés par l’atteinte de zones non ciblées par le traitement.
De plus, l’équipe a aussi montré que les quantités de toxines utilisées peuvent être encore diminuées en combinant la formulation polymère-toxine avec un agent qui favorise la pénétration des molécules dans les cellules nerveuses et qui augmente donc la « livraison » de la toxine au site désiré.
Lorsque les chercheurs ont injecté quelques microgrammes de cette formulation de toxine au niveau du nerf sciatique de rats de laboratoire, ils ont pu obtenir un blocage complet du nerf pendant une période allant jusqu’à trois jours, sans dommages aux tissus environnants et sans toxicité apparente.
Selon le Docteur Daniel Kohane, professeur d’anesthésie au Harvard Medical School, il n’y a aucune raison pour qu’un effet similaire ne puisse être observé chez les humains, ce qui permet d’envisager que la tétrodotoxine puisse être utilisée pour générer des analgésies locales de très longues durées (allant jusqu’à quelques semaines) chez des patients souffrant de douleurs chroniques.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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