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Edito : Notre cerveau possède t-il un niveau quantique de fonctionnement ?

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Edito :

Notre cerveau possède t-il un niveau quantique de fonctionnement ?

En 1993, quelques années avant sa disparition en 1997, le grand neurophysiologiste australien John Eccles (Prix Nobel 1964 pour ses travaux sur la transmission de l'influx nerveux), publiait un essai remarqué, intitulé "Evolution du cerveau et création de la conscience", dans lequel il formait l'hypothèse audacieuse que les mécanismes menant à la conscience étaient régis par les lois étranges de la physique quantique.

Pour expliquer la cohérence de la conscience humaine, Eccles, sans rompre avec le cadre matérialiste et rationnel, proposait dans son essai une hypothèse baptisée "dualiste-interactionniste", qui fut immédiatement soutenue par son ami, le grand philosophe des sciences Karl Popper – (1902-1994). La clef de voûte de cette hypothèse reposait sur l'idée que l'unité de la conscience humaine ne pouvait s'expliquer uniquement par la structure neuronale de notre cerveau. Pour Eccles, la pensée, ou l'esprit, devait être considérée comme un "champ de conscience" exerçant ses effets sur la transmission de l'influx nerveux en activant certaines particules biologiques élémentaires présentes dans les synapses nerveuses, ces zones de contacts microscopiques transmettant l'excitation nerveuse d'un neurone à un autre.

Eccles pensait qu'il se produisait, au niveau des composantes des synapses, les "vésicules synaptiques", des phénomènes de production de champ quantique, agissant sur le néocortex en augmentant la probabilité que se produisent certains événements neuronaux. Renversant la perspective classique, Eccles proposait donc de voir le cerveau dans le rôle non plus de l'émetteur mais bien comme le récepteur de la conscience.

Dans le prolongement de l'hypothèse d'Eccles, des recherches publiées en 2023 suggèrent que les règles de la physique quantique permettent de construire un nouveau cadre théorique pour expliquer les propriétés remarquables de la pensée humaine (Voir Scientific Reports). Selon le professeur Dorje C. Brody de l'Université de Surrey, la théorie de la cognition quantique pourrait permettre de mieux comprendre les comportements humains irrationnels. Le professeur Brody propose de remettre en cause les théories classiques sur la rationalité humaine. Depuis des décennies, la théorie de la probabilité classique représente un outil fondamental pour comprendre et prédire le comportement humain. Concrètement, le calcul des probabilités est utilisé pour évaluer la chance qu'un événement se réalise. Pourtant, cette méthode présente des limites, notamment lorsqu'elle est confrontée à des comportements qui semblent défier la logique mathématique conventionnelle. C'est le cas, par exemple, dans les études comportementales impliquant des décisions prises par des étudiants.

Prenons le cas d'étudiants décidant de partir en vacances ou non. Selon la probabilité classique, la majorité des étudiants choisit de partir en vacances après avoir réussi ou échoué à un examen. Cette tendance devrait se maintenir même lorsque les étudiants ne connaissent pas encore leurs résultats. Or, ce n'est pas le cas. Beaucoup choisissent de ne pas partir en vacances lorsqu'ils sont dans l'incertitude de leurs résultats. Un comportement pourtant irrationnel si l'on se place dans le cadre probabiliste classique. Ces décisions montrent bien les limites de la théorie de la probabilité classique pour expliquer certains aspects du comportement humain.

Alors que la probabilité classique repose sur des lois déterministes et prévisibles, la physique quantique intègre des concepts tels que l'indétermination et l'intrication, qui font que les résultats ne sont pas toujours prévisibles de manière linéaire. Un des aspects fondamentaux de la mécanique quantique est par exemple la "non commutativité", c'est-à-dire l'importance de l'ordre dans lequel les événements se produisent. Par exemple, la façon dont on va mesurer une particule va influencer son état.

Dans les comportements humains, il se trouve que, d'une manière surprenante, l'ordre dans lequel les informations sont reçues ou les décisions sont prises peut également affecter de manière significative les choix finaux. Dans le cadre de la cognition quantique, les décisions humaines sont envisagées comme des phénomènes suivant des règles probabilistes des systèmes quantiques. Cette approche offre une nouvelle perspective pour comprendre des comportements complexes et apparemment illogiques. Le Professeur Brody et son équipe ont élaboré un cadre pour simuler la dynamique cognitive face à des informations externes fragmentaires et insuffisantes. Contrairement aux modèles classiques qui tendent à simplifier ou à ignorer le bruit et l'incertitude, ce modèle quantique considère l’incertitude comme un facteur-clé de la réalité. Ce changement de paradigme ouvre un vaste champ de recherche, notamment pour améliorer la capacité de compréhension, par les outils d'IA, de la dimension intrinsèquement ambigüe du langage, ou de situations complexes qui nécessitent une prise de décision dans un environnement où on ne dispose que d' informations fragmentées ou contradictoires (Voir Scientific Reports).

De récentes recherches menées par des scientifiques de l’Université de Dublin et publiées fin 2022 (Voir IOP) ont montré que le cerveau a beaucoup de points communs avec un ordinateur quantique. Les résultats suggèrent notamment que nos fonctions cérébrales cognitives reposeraient sur le calcul quantique. Cette caractéristique pourrait notamment expliquer pourquoi notre cerveau surpasse les superordinateurs en cas de circonstances imprévues, lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. On sait à présent que des facultés cérébrales complexes dépendent de la présence de spins nucléaires spécifiques. Par exemple, les isotopes du xénon avec un spin 1/2 sont des anesthésiants efficaces, contrairement aux isotopes du xénon avec un spin 0 qui n’ont que peu d’effets. En revanche, on ignore toujours si ces systèmes peuvent être non classiques et utiliser l'intrication quantique. Pour le savoir, ces chercheurs irlandais ont examiné les spins des protons de l’eau qui compose le liquide céphalo-rachidien.

« Dans notre étude, nous avons adapté à l'étude du cerveau une idée, développée pour des expériences visant à prouver l’existence de la gravité quantique », souligne le Docteur Christian Kerskens, physicien au Trinity College Institute of Neuroscience de l’Université de Dublin. Cette idée soutient que lorsque des systèmes quantiques connus sont intriqués, alors un système inconnu qui interagit avec eux doit également être un système quantique. Dans leurs expériences, les chercheurs ont donc utilisé les spins des protons comme système de référence. A l'aide de l’imagerie par résonance magnétique, ils ont mesuré de manière non invasive l’activité des protons dans le cerveau conscient au repos d’une quarantaine d’individus. « Et effectivement, nous avons identifié des signaux qui ressemblent aux potentiels évoqués des battements cardiaques, une forme de signaux d’électroencéphalogramme », relate Kerskens. L'étude précise que ces potentiels électrophysiologiques ne sont normalement pas détectables par RMN. Ces scientifiques pensent qu’ils ont pu les observer uniquement parce que les spins des protons nucléaires dans le cerveau étaient intriqués. Si l’intrication est la seule explication possible, cela signifierait que les processus cérébraux doivent avoir interagi avec les spins nucléaires, en produisant l’intrication entre les spins nucléaires. « Nous pouvons donc en déduire que ces fonctions cérébrales doivent être quantiques », conclut le physicien. Selon ces travaux, ces processus quantiques jouent un rôle important dans nos fonctions cérébrales cognitives et conscientes. Cette découverte pourrait changer notre regard sur la conscience, dont le fonctionnement reste un mystère et fait l'objet de plusieurs théories scientifiques incompatibles.

Il y a quelques semaines, une étude chinoise a montré que la cavité cylindrique formée par la gaine de myéline entourant les fibres nerveuses (ou axones) peut produire des paires de photons intriqués. Selon ces travaux, c'est le spectre particulier de vibrations des liaisons carbone-hydrogène de la myéline qui provoquerait l’émission de ces paires de manière spontanée. Ce phénomène quantique pourrait jouer un rôle clé dans la synchronisation des activités des milliards de neurones composant notre système nerveux central. D'autres études ont montré que la perte de cette synchronisation est étroitement liée à des anomalies de fonctionnement associées à des maladies neurologiques, telles que la maladie de Parkinson. Cependant, malgré des décennies de recherche, les mécanismes à l'origine de cette synchronisation demeurent largement incompris. Ces données suggèrent que les photons pourraient être une potentielle source de synchronisation neuronale en étant intriqués sur le plan quantique. « Ces découvertes offrent une perspective significative pour élargir notre compréhension de l’activité neuronale », explique l’équipe de l’Université de Shanghai et du Sichuan.

Des chercheurs chinois ont évalué l’implication de la gaine de myéline dans la synchronisation de l’activité neuronale. La myéline est constituée d'une membrane lipidique entourant les axones ; elle assure à la fois l’isolation de ces axones et améliore la transmission du signal nerveux. « Bien que cette gaine de myéline soit généralement considérée uniquement comme un isolant, il semblerait que la plasticité de la myéline, lui confère un autre rôle visant à permettre la synchronisation de phase », souligne l'étude. Son altération est d’ailleurs associée à une dégradation des fonctions cognitives, telle qu'on l'observe dans les maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer ou la sclérose en plaques. Les chercheurs font l'hypothèse qu’en formant une cavité cylindrique, la gaine de myéline pourrait avoir un meilleur effet de confinement sur les photons et permettre notamment la production de paires de photons intriqués. Selon ces scientifiques, ce phénomène quantique pourrait être potentiellement impliqué dans la capacité du cerveau à optimiser et à synchroniser le transfert d’informations à travers le réseau neuronal. « En tirant parti des propriétés de corrélation non locale de l’enchevêtrement quantique, on peut spéculer que l’enchevêtrement quantique synchronise efficacement l’activité neuronale dans tout le cerveau », concluent-ils.

Enfin, il faut évoquer une récente étude réalisée par des chercheurs du Wellesley College (Massachusetts), qui révèle que l’anesthésie générale met beaucoup plus de temps à agir lorsqu’elle est administrée parallèlement à un médicament stabilisateur de microtubule (composant le cytosquelette), ce qui indiquerait une nature quantique de l’état de conscience (Voir eNeuro). On sait que les anesthésiques généraux peuvent suspendre de manière réversible l’état de conscience chez les animaux, les plantes et les organismes unicellulaires. Pourtant, les mécanismes biomoléculaires exacts par lesquels ces composés agissent sur le cerveau restent inconnus. Selon ces chercheurs, il se pourrait que ces produits anesthésistes visent les microtubules, principaux composants structurels de toutes les cellules. Ces microtubules, essentiels au transport intracellulaire, jouent également un rôle majeur dans le traitement de l’information, le fonctionnement de la mémoire et la médiation de l'état de conscience. Or, selon une théorie dite "de la réduction objective orchestrée (Orch OR)", l’anesthésie bloquerait directement les effets quantiques produisant l'état de conscience dans les microtubules. Cette étude du Wellesley College a pu montrer que les gaz anesthésiques (comme l’isoflurane) se lient aux microtubules et atténuent leurs effets optiques quantiques, ce qui pourrait être à l’origine de la perte de connaissance. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont voulu explorer cette hypothèse et examiner le rôle exact des microtubules, en tant que cibles des anesthésiques volatils, pour mesurer si celles-ci pouvaient être à la base de la nature quantique de l’état de conscience (Voir Wellesley College).

Wiest et ses collègues ont également observé que le groupe de patients traité à l’epoB mettait nettement plus de temps à perdre connaissance sous anesthésie que celui non traité. Les rongeurs mettaient en moyenne 69 secondes de plus à entrer dans un état d’inconscience. Cette différence statistique significative ne pouvant pas être expliquée par une tolérance éventuelle due à une exposition répétée à l’isoflurane, cela suggère ainsi que l’anesthésique agit sur les microtubules pour provoquer une perte de connaissance, ce qui conforte l’hypothèse de la nature quantique de l’état de conscience. Cette découverte pourrait éclairer la manière dont les maladies neurodégénératives affectent la perception et la mémoire, ce qui pourrait déboucher sur de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Il y a quelques semaines, Laurent Givalois, responsable de l’équipe "Impact Environnemental dans la Maladie d’Alzheimer" dans le laboratoire CNRS "Mécanismes Moléculaires dans les Démences Neurodégénératives", à Montpellier, a présenté des travaux remarquables concernant une nouvelle approche thérapeutique contre la maladie d’Alzheimer. Ce chercheur rappelle que les neurones communiquent entre eux en générant une activité électrique rythmique. Or, dans la maladie d’Alzheimer, le rythme des ondes électriques gamma qui parcourent le cerveau est altéré, ce qui provoque une forte dégradation de la mémoire car ces ondes gamma sont nécessaires à la mémorisation. L’équipe menée par Laurent Givalois a montré qu'il était possible de rétablir ces ondes dans l’hippocampe, une région cérébrale atteinte en priorité lors de la pathologie. Ces chercheurs ont réussi à cibler, à l'aide d'une molécule photosensible, la protéine MGLU5R impliquée dans la production de ces ondes Gamma. Ils ont enfin injecté cette molécule dans l’hippocampe de souris modèles de la maladie d’Alzheimer, puis l'ont activée grâce à un faisceau lumineux, ce qui a eu pour effet de rétablir les ondes gamma, entraînant une forte réduction des symptômes de la maladie d'Alzheimer. Comment ne pas faire l’hypothèse que cette nouvelle thérapie, particulièrement prometteuse contre cette terrible maladie neurodégénérative n'agit pas, elle aussi, en utilisant certains des mécanismes étranges qui relèvent de la physique quantique.

On le voit, l'hypothèse d'une dimension quantique irréductible de notre cerveau, longtemps considéré comme farfelue, est en train de prendre une singulière substance, à la lumière de ces récentes découvertes et études. Mais il ne faudrait pas pour autant vouloir enfermer notre cerveau, et moins encore notre conscience et notre esprit, dans ce nouveau cadre conceptuel car il est probable que notre prodigieuse capacité à comprendre le réel qui nous entoure, et à lui donner un sens toujours plus riche et profond, conservera longtemps encore une part irréductible de mystère...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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