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Edito : Neutralité de l'Internet : un enjeu démocratique majeur
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Les députées Corinne Erhel (PS) et Laure de La Raudière (UMP) ont présenté, mercredi 13 avril, leur rapport sur la neutralité de l'Internet. L'enjeu est d'importance puisqu'il s'agit de respecter l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui énonce la libre communication des pensées et des opinions. Ce rapport très intéressant recommande d'établir de nouvelles règles pour préserver "l'Internet universel, immense bien collectif, qui ne doit pas être transformé au gré des intérêts de ses différents acteurs".
Depuis la naissance du Web, en 1990, plus d'un quart de la population mondiale s'est connectée à la toile et l'Internet structure et intègre à présent l'ensemble des échanges numériques et constitue l'un des principaux moteurs de l'innovation et de la croissance économique. Dans ce nouveau cadre dominé par une économie dématérialisée, les principaux acteurs du Web, qu'ils soient publics ou privés, font assaut d'imagination pour défendre leurs intérêts et contrôler le Web.
Il est donc essentiel de garantir la neutralité du réseau, qui "ne devrait pas discriminer les données" selon leur origine, leur contenu ou leur destination.
Quatre axes sont définis par le rapport, qui a nécessité l'audition de centaines de représentants du secteur et, fait rare, de techniciens du réseau.
Premièrement, Corinne Erhel et Laure de La Raudière préconisent de "consacrer la neutralité de l'Internet comme objectif politique".
Deuxièmement, le rapport préconise d' "encadrer strictement les obligations de blocage de l'Internet", avec l'intervention d'un juge dans toutes les procédures, ce qui va à l'encontre du choix politique fait avec Hadopi.
Le troisième axe concerne les opérateurs télécoms et vise à "garantir la qualité de l'Internet" en réservant l'appellation Internet aux seules offres respectant le principe de neutralité". Afin de garantir une qualité "suffisante" pour le réseau, le rapport suggère par ailleurs de confier à l'Arcep, gendarme des télécoms, un observatoire de la qualité de l'Internet.
Enfin, le dernier volet mais non le moindre a trait à la question centrale du financement du réseau. Avec l'explosion du "peer to peer" et des échanges de données vidéo, les opérateurs veulent trouver un modèle économique qui leur permette de compenser financièrement les interconnexions. Pour régler ce problème complexe, le rapport n'apporte pas de solution-miracle mais évoque "la mise en oeuvre d'une terminaison d'appels data au niveau européen".
Ce système, en obligeant les opérateurs à se facturer réciproquement les échanges de données lorsque le client de l'un utilise le réseau de l'autre pourrait permettre de résoudre les conflits qui opposent les géants du numérique et éviterait aux fournisseurs d'accès de revenir à un modèle quantitatif, où les abonnés sont limités à un volume maximal de données et ne disposent plus d'un accès illimité. Encore faut-il trouver le modèle économique qui empêche une augmentation insupportable des abonnements et là, le rapport reste flou et reconnaît qu'on ne sait pas comment se partage la valeur ajoutée sur le Net.
Contrairement aux précédents rapports sur le même sujet qui n'avaient pas emporté l'adhésion, ce rapport a été salué pour sa qualité par la plupart des acteurs et des associations qui y voient une bonne base de travail pour définir un nouveau cadre législatif et réglementaire qui assure au niveau européen, comme au niveau national, une neutralité du Net suffisamment préservée des intérêts économiques et des pressions politiques.
Cette réflexion est d'autant plus opportune qu'elle survient alors que le cadre réglementaire et les conditions économiques sont enfin réunis pour le développement du très haut débit optique qui va donner au Web un nouveau souffle et l'ouvrir à de nouveaux champs d'utilisation, comme la réalité virtuelle, la télésanté ou l'enseignement à distance qui constituent de puissants moteurs de croissance économique.
Dans cette perspective, il est indispensable que le Web reste un véritable espace d'échange et d'expression démocratiques mais aussi d'innovation sociale et de création culturelle, ce qui ne veut pas dire une zone de non-droit mais un réseau ouvert à tous, qu'aucune puissance publique ou privée ne peut s'approprier ou utiliser à son seul profit. Définir les règles qui permettront la protection et l'essor de cet agora numérique planétaire : tel est l'enjeu considérable de ce débat de société sur la neutralité du Net.
René Trégouët
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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