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Les nanotubes entrent dans l'ère préindustrielle

Et si le meilleur moyen d'aller dans l'espace, c'était l'ascenseur ! En théorie, il suffirait pour cela d'accrocher à un satellite géostationnaire un simple câble... de 36 000 kilomètres de long. Malheureusement, la théorie trouve ses limites dans la conception de ce « simple » câble. Il n'existe aujourd'hui aucun filin de cette longueur capable de résister ne serait-ce qu'à son propre poids. Sauf ! Sauf si on le tressait à partir de nanotubes de carbone. Ces prodigieuses molécules, cent fois plus solides et six fois plus légères que l'acier, composées de plusieurs milliers d'atomes de carbone, font rêver les scientifiques. Avec les fullerènes, des molécules cousines, en forme de ballon de football, formées de 60 atomes de carbone, elles constituent, après le graphite et le diamant, le troisième état du carbone. Leur découverte date seulement de 1991. Cette année-là, le Japonais Sumio Ijima les a décelées par hasard dans la suie et les poussières de l'enceinte qu'il utilisait, justement, pour fabriquer des fullerènes, révélés six ans plus tôt par l'Anglais Harold Kroto et l'Américain Richard Smalley. Depuis, les laboratoires du monde entier se livrent une folle compétition pour la maîtrise de ce carbone nouveau. Dans cette course, des chercheurs du CNRS de Bordeaux viennent de faire un pas important. Ils ont mis au point une technique qui permet de fabriquer des filaments ou même des rubans de nanotubes, ce qui laisse entrevoir les premières applications industrielles. « Même si l'on n'est pas encore prêt à faire l'ascenseur spatial, à partir du moment où l'on sait fabriquer du fil, on peut le tresser ou encore le mailler pour en faire autre chose. Je pense en particulier à l'élaboration de nouveaux textiles ultrarésistants », explique Philippe Poulain, qui a travaillé, à Bordeaux, sur la mise au point de ces fibres aux propriétés physiques extraordinaires. Dès lors, les idées les plus délirantes prennent consistance. Chez le géant américain Honeywell, on envisage d'utiliser les nanotubes pour réaliser un muscle artificiel. Stimulés par un courant, ils ont en effet la propriété de s'allonger ou de se contracter comme un vrai muscle. A ceci près que, dans un nanotube, les liaisons qui unissent tous les atomes de carbone entre eux sont si puissantes qu'un tel muscle artificiel développerait une force dix fois supérieure à un muscle humain. Et, d'après Patrick Bernier, du CNRS de Montpellier, qui collabore à la fois avec l'équipe bordelaise et Honeywell, « il serait bien plus résistant ! ». En plus, cette propriété « électromécanique » est réversible. Si on les étire, mécaniquement, les nanotubes produisent des électrons, donc de l'électricité. Les « grands enfants » de Honeywell ont imaginé d'utiliser cette dernière propriété pour transformer l'énergie du vent en électricité : à la place des éoliennes, de grands drapeaux tissés en fibres de nanotubes se déformeraient et produiraient du courant sous l'effet du vent. A plus court terme, les industriels ont dans leurs cartons quelques développements prêts à l'emploi. Exemple : les écrans extraplats pour l'affichage. Aujourd'hui, les écrans à plasma occupent ce marché. Mais il s'agit d'une technologie très élaborée et coûteuse. Les nanotubes sont parfaitement indiqués pour ce type d'écran. Mais, faute d'applications à grande échelle, la synthèse des nanotubes ne bénéficie pas de la réduction des coûts liée à la production industrielle. Un gramme de nanotubes revient encore à 6 000 francs ! Pourtant, « le coréen Samsung doit commercialiser son premier écran à nanotubes d'ici à l'année prochaine et l'américain Motorola en serait au même niveau », assure Patrick Bernier.

Le Point : http://www.lepoint.fr/data/PNT1463/6304701P.html

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