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Edito : Les nanotechnologies, prochaine révolution de la médecine

On parle beaucoup des futures et prometteuses applications des nanotechnologies dans le domaine de l'électronique où la miniaturisation par les méthodes actuelles de gravure sur silicium devrait atteindre ses limites vers 2015. Mais il est un autre domaine dans lequel les nanotechnologies vont permettre une révolution technologique au moins aussi importante : la médecine et la biologie. Dans leur rapport présenté la semaine dernière et intitulé "Nanosciences et progrès", les sénateurs Jean-Louis Lorrain (UMP, Haut-Rhin) et Daniel Raoul (PS, Maine-et-Loire), membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), mettent bien en lumière les grands axes de cette évolution scientifique : la nano-exploration et le nano-diagnostic, les nanomédicaments, les neuroprothèses et enfin l'ingénierie tissulaire, destinée à remplacer des tissus ou organes. Concrètement, au cours de ces derniers mois, plusieurs publications scientifiques sont venues confirmer à quel point les nanotechnologies étaient en train de se diffuser dans le domaine biologique et médical, à la fois en tant qu'outils de recherche puissants et comme moyens thérapeutiques très prometteurs. C'est ainsi que tout récemment, des chercheurs de la Rice University à Houston ont expérimenté un système de nanoballes en or capable de détruire des types de cancers inopérables (voir article "Des nanoballes contre le cancer dans @RT-Flash 272). Ces nanoballes sont constituées de petites particules de silice d'un diamètre de 110 nm, recouvertes d'une couche d'or épaisseur 10 nm s'échauffant quand une lumière se situant dans l'infrarouge proche est envoyée sur les particules, détruisant les cellules cancéreuses à proximité. Les chercheurs ont réussi à fabriquer des nanoballes capables de cibler les tumeurs et à lier ces nanoballes à des anticorps qui se fixent uniquement aux cellules cancéreuses. Cette nouvelle technique va être expérimentée sur des patients souffrant de graves cancers des poumons. Toujours en matière de lutte contre le cancer, James Baker, de l'Université du Michigan, essaye d'équiper ces nanoparticules de systèmes moléculaires chargés de diriger les médicaments vers une cellule. Ainsi, Baker a-t-il eu recours à des polymères sphériques connus sous l'appellation de dendrimères pour transporter dans une cellule du méthotrexate, un produit qui attaque certains types de cellules cancéreuses. Lors d'expériences en laboratoire réalisées sur des cellules tumorales, le méthotrexate a éliminé cent fois plus de cellules cancéreuses quand il était administré par le biais de nanoparticules que quand il était simplement ajouté à la culture des cellules. D'autres recherches passionnantes, menées par Alberto Bianco au CNRS à Strasbourg viennent de montrer que les nanotubes de carbone peuvent être utilisés pour pénétrer à l'intérieur du noyau des cellules pour y livrer médicaments et vaccins. "Ces recherches n'en sont qu'à leur début" souligne Alberto Bianco, "mais tout nous laisse penser que les nanotubes pourront un jour servir d'outils d'une incroyable précision pour modifier l'ADN à l'intérieur du noyau ou acheminer, dans une partie précise de la cellule, un médicament". De l'autre côté de l'Atlantique, à Université d'Harvard, des scientifiques américains ont mis au point des nanosondes, plus petites que la largeur des cheveux humains, qui ont révélé une sensibilité 1.000 fois plus grande que les puces standard à ADN. Ces nanosondes ont été testées avec succès pour détecter la mutation génétique spécifique de la fibrose cystique. Selon les chercheurs, ces nanosondes ultrasensibles pourraient être, d'ici 5 ans, à la disposition des chirurgiens et des médecins. Selon le Professeur Charles Lieber, qui dirige ces recherches, ces nanosondes constitueraient une véritable révolution en matière de diagnostic : il suffirait en effet de les utiliser sur une goutte de sang, un peu de salive ou d'urine pour détecter en quelques minutes une maladie génétique ou un virus. D'autres scientifiques américains réunis au sein de la NanoSystems Biology Alliance, tentent de construire les nano-outils qui pourraient un jour suivre en temps réel la vie à l'intérieur de la cellule. Ces outils très prometteurs se composent de batteries de nanosondes capables de détecter des milliers de protéines sécrétées par une cellule. Jim Heath et son équipe à l'Institut technologique californien, à Pasadena, travaillent par exemple sur une puce au silicium d'un centimètre carré qui combinera plusieurs tests et qui pourrait être disponible dans un futur proche. Cette puce réunira plus de 1000 nanocâbles semi-conducteurs d'un diamètre de 8 nm chacun et espacés de seulement 8 nm. Chacun de ces nanocâbles pourrait porter un anticorps ou un oligonucléotide différent, ou encore une courte séquence d'ADN permettant de reconnaître des séquences précises d'ARN (acide ribonucléique). "Avec une seule puce, nous pourrons réaliser mille expériences sur la même cellule", dit Jim Heath. D'autres scientifiques américains de l'Université du Nord Ouest (Illinois) sont parvenus à faire "pousser" des neurones en utilisant des nanostructures marquées par un signal biologique spécifique. Ces chercheurs ont conçu des molécules synthétiques qui favorisent la croissance des neurones, dans la perspective plus lointaine de pouvoir réparer les lésions de la moelle épinière entraînant des paralysies. Samuel I. Stupp et son équipe ont réussi à produire de manière sélective des cellules nerveuses différenciées en utilisant un réseau tridimensionnel des nanofibres, une technique très prometteuse en médecine régénératrice. De leur côté, des chercheurs de l'université d'Indiana, à Bloomington, pensent qu'il est possible, en exploitant les propriétés de la spectroscopie de Raman (qui permettent de détecter des "signatures lumineuses spécifiques de très faible intensité, d'utiliser des virus associés à des particules d'or pour obtenir des"nano-appareils-photo" capables de photographier avec un précision extraordinaire (de l'ordre de 30 nanomètres) les événements se déroulant à l'intérieur de virus ou de cellules vivantes. Il serait alors possible d'observer des phénomènes biologiques au niveau moléculaire avec une souplesse et une précision bien supérieure à celles du microscope électronique. Enfin, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l'Université du Texas à Austin sont parvenus, il y a quelques semaines, à modifier génétiquement un virus commun pour en faire un support de synthèse de nanostructures. En fournissant ensuite les bons éléments au bon moment, la coque modifiée de ce virus joue un rôle de canevas sur lequel vont se développer des cristaux réguliers parfaitement agencés. Enfin, il y a quelques jours, des chercheurs de l'Institut Weizmann en Israël, ont mis au point un "ordinateur moléculaire" composé essentiellement d'un mélange d'ADN de synthèse et d'enzymes. A terme, cet ordinateur pourrait détecter les premiers signes chimiques de la maladie cancéreuse et libérer alors des médicaments anticancéreux (voir article dans la rubrique biotechnologies de @RT-Flash 289). Une des conséquences les plus remarquables de cet essor foisonnant des nano biotechnologies est le décloisonnement des disciplines scientifiques impliquées et la coopération de plus de plus étroite entre physiciens, chimistes biologistes et informaticiens au sein de groupes de recherches "transversaux". Ces quelques exemples récents montrent à quel point les nanotechnologies sont déjà en train de révolutionner la médecine et la biologie et doivent concentrer un effort de recherche exceptionnel au cours de ces prochaines années si nous voulons que notre pays reste compétitif dans le domaine stratégique des sciences du vivant et des biotechnologies.

RenéTRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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