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Une naissance après don d'ovaires entre jumelles

Au mois d'avril 2004, une jeune femme américaine de 25 ans, Stéphanie Yarber, stérile depuis l'adolescence, a reçu de sa soeur jumelle, Melanie Morgan, déjà mère de trois enfants, la première greffe d'ovaires hétérologues réalisée dans l'espèce humaine, à l'hôpital Saint-Luke (Saint-Louis, Missouri). Un enfant est né grâce à cette transplantation lundi 6 juin 2005.

Stéphanie et Mélanie ont fait preuve d'une «sororité» à toute épreuve : déjà à l'âge de 23 ans, elles s'étaient lancées ensemble dans deux programmes successifs et inefficaces de procréation médicalement assistée afin que Stéphanie puisse avoir un bébé. Mélanie avait eu une stimulation hormonale ovarienne et donné à Stéphanie 14 de ses ovocytes dont 7 avaient été fécondés. Les quatre embryons transférés n'avaient pas donné lieu à une grossesse. L'histoire de cette greffe d'ovaires révélée il y a un an par la BBC, est racontée en détail dans Le New England Journal of Medicine publié cette semaine. Curieusement, la revue n'avait accepté la publication - c'est ce qu'a révélé son porte-parole, Karen Pedersen - «qu'à la condition qu'un bébé normal et en bonne santé naisse de cet essai», se substituant ainsi aux autorités sanitaires chargées de régir aux USA ce type de tentative. Stéphanie a donc accouché lundi dernier d'un bébé normal et en bonne santé en Alabama.

Pour aboutir à une telle naissance, l'ovaire de Mélanie a été coupé en trois morceaux, dont l'un a été congelé, et les deux autres greffés par laparoscopie dans chacun des ovaires stériles de Stéphanie, en cinq heures, au bloc opératoire de l'hôpital Saint-Luke. La parfaite compatibilité immunologique entre la donneuse et la receveuse, du fait d'un génome identique, permet de se passer des médicaments antirejet habituellement utilisés lors des greffes d'organes.

D'ailleurs, dans une circonstance aussi particulière, tout laisse à penser qu'un comité d'éthique ou qu'un comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale n'aurait pas accepté que des drogues aussi puissantes et dangereuses soient données dans un contexte clinique où le pronostic vital n'est nullement engagé.

«Un jour, sans aucun doute, le problème du rejet d'organe sera réglé, et nous n'aurons plus besoin des médicaments, ou plus aussi longtemps», }a postulé Roger Godsen (Cornell University), un des membres de l'équipe médicale des deux jumelles. Pour lui, «le procédé sera utilisé très largement et remplacera à terme le don d'ovocytes».

La démonstration qui vient ainsi d'être faite que la fonction ovarienne peut être restaurée, et qu'une conception naturelle et une grossesse réussie peuvent être obtenues après transplantation de tissu ovarien, a des implications qui vont bien au-delà des quelques jumelles stériles. En effet, les informations obtenues sur ce cas particulier seront très utiles pour les quelques équipes européennes qui congèlent les ovaires des patientes devant subir une chimiothérapie ou une radiothérapie abdominale basse pour des cancers qui peuvent altérer la fertilité ou celles victimes de pathologies auto-immunes de l'ovaire.

Chez ces femmes, la préservation du tissu ovarien avant ces traitements permet, dans un deuxième temps, de tenter une autogreffe de leurs propres ovaires, dans l'espoir que ceux-ci redémarrent une production ovocytaire qui leur permette une procréation naturelle. En septembre 2004, des chercheurs britanniques ont annoncé la première naissance vivante résultant de cette procédure. Tamara, née le 24 septembre 2004 de sa maman Touirat, a été incluse dans un protocole de l'hôpital Saint-Luc de Bruxelles, dirigé par le Professeur Donnet. Un certain scepticisme avait accueilli cette annonce, car on ne savait pas si la grossesse émanait d'un ovocyte produit par l'ovaire retransplanté ou par celui qui avait été laissé en place pendant le traitement anticancéreux.

Mais cette fois, la preuve du concept est bel et bien faite : en effet, Stéphanie n'avait plus aucun ovule dans ses ovaires stériles, ceci avait été confirmé par examen laparoscopique préalable. C'est donc bien un ovocyte de l'ovaire de sa jumelle qui a été fécondé. Et qui a abouti à ce beau bébé de 3 kg et demi. «Stéphanie devrait pouvoir avoir d'autres enfants grâce à cette greffe», a annoncé le Docteur Sherman Silber, le chirurgien à l'origine de cette première mondiale.

Figaro

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