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La morale, alchimie cérébrale ?
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Q'est-ce qui distingue un crime intentionnel d'un crime accidentel ? À l'Université de Cambridge dans le Massachusetts, Liane Young et ses collègues ont identifié une zone du cerveau qui sert à établir cette distinction. Il s'agit d'une aire localisée à l'arrière et au-dessus de l'oreille, et nommée jonction temporopariétale. Quand on bloque le fonctionnement de cette zone cérébrale, les personnes ont des jugements moraux aberrants.
Pour évaluer le jugement moral des personnes testées, les chercheurs utilisent deux histoires. Dans le premier scénario, Grace a l'intention de donner la mort, sans y parvenir : « Grace et son amie visitent une usine de produits chimiques. Quand Grace se rend au distributeur de boissons pour obtenir des cafés, son amie précise qu'elle voudrait du sucre. La poudre blanche à côté de la machine est du sucre laissé par quelqu'un d'autre. Mais comme elle a été laissée dans un conteneur marqué “toxique”, Grace pense que la poudre est mortelle.
Elle la verse dans le café de son amie, qui boit le café et se porte bien. » Dans le second scénario, il y a mort sans intention de la donner : « La poudre blanche à côté de la machine est un composé toxique. Mais elle est disposée dans une boîte banale juste à côté du distributeur de boissons, et Grace croit que c'est du sucre. Elle la verse dans le café de son amie. Son amie boit le café et meurt.»
Dans l'étude réalisée à Cambridge, les personnes dont la zone temporo-pariétale est inhibée jugent le premier scénario acceptable : ce n'est pas grave que Grace cherche à empoisonner son amie, puisqu'elle n'y parvient pas.
Une autre étude analogue a été publiée dans l'équipe d'Antonio Damasio à l'Université de Los Angeles.
Cette fois, les scientifiques ont examiné la capacité de personnes atteintes de lésions cérébrales à faire la différence entre les deux scénarios. Les lésions cérébrales étaient concentrées à l'avant du cerveau, dans une zone nommée cortex préfrontal ventromédian. À nouveau, les personnes cérébrolésées jugeaient beaucoup plus acceptable moralement de vouloir la mort de quelqu'un sans y parvenir, que de causer la mort de quelqu'un sans le vouloir. La notion d'intention et de crime prémédité leur échappait complètement, elles ne jugeaient que le résultat.
Quel rôle remplissent ces deux zones cérébrales ? La jonction temporo-pariétale permet de savoir que Grace est avertie que la poudre versée dans le café de son amie est du poison. Le cortex préfrontal ventromédian ajoute une dimension émotionnelle à cette évaluation cognitive ; sans cette dimension affective, avoir l'intention de tuer n'est pas condamnable tant que la personne ne meurt pas. Et l'on imagine déjà que des experts auprès des tribunaux pourraient atténuer la responsabilité d'un accusé en plaidant une lésion ou une inactivation d'une de ces zones.
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