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Moduler l'accès à la conscience par le sens des mots
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Après avoir longtemps estimé que les processus mentaux inconscients étaient peu élaborés, on découvre peu à peu qu'ils permettent d'accéder à des notions abstraites telles que le sens des mots présentés de manière subliminale. Des chercheurs de l'unité Inserm « Neuroimagerie cognitive » et de l'Hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP) viennent aujourd'hui de démontrer qu'à la frontière de la conscience des mots chargés d'une émotion négative étaient plus facilement identifiés que des mots neutres. Ainsi, l'émotion survenant à la vision inconsciente d'un simple mot permettrait d'en amplifier notre perception jusqu'à la rendre consciente. Ces travaux sont publiés dans les Proceedings of the National Academy of Science (PNAS).
Les processus mentaux inconscients se limitent-ils à des mécanismes moteurs ou perceptifs peu élaborés, comme identifier un visage ou un animal, ou intègrent-ils la manipulation d'entités aussi abstraites que des mots ? On sait par exemple qu'il est possible de reconnaître l'émotion d'un visage que l'on ne perçoit pas consciemment, ou, de même, que la perception subliminale d'une araignée entraîne une série de réactions émotionnelles indépendantes de la conscience. Il s'agit dans les deux cas de la perception d'objets déterminants pour la survie de l'espèce. Mais existe-t-il des mécanismes similaires pour des entités culturelles telles que les mots ?
Des chercheurs de l'unité Inserm 562 dirigée par Stanislas Dehaene, en collaboration avec les services de neurophysiologie clinique, neurologie et neurochirurgie de l'hôpital Pitié-Salpêtrière ont apporté en 2005 une partie de la réponse. Ces travaux publiés dans les Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) avaient mis en évidence un décodage inconscient du sens de mots flashés très brièvement, et notamment l'extraction de leur contenu émotionnel. Ces résultats avaient été obtenus chez trois patients épileptiques dont la prise en charge médicale nécessitait l'implantation transitoire d'électrodes profondes intracérébrales.
La même équipe va plus loin encore, dans une nouvelle étude publiée dans l'édition du 24 avril du PNAS. Il s'agit, cette fois, d'une étude de psychologie expérimentale réalisée chez 36 sujets sans pathologie cérébrale et dont seul le comportement, et non l'activité cérébrale, a été enregistré.
Des mots variés leur ont été présentés rapidement, au seuil de la conscience, c'est-à-dire dans des conditions où la probabilité de les identifier est d'environ 50 %. La moitié de ces mots étaient émotionnellement négatifs et l'autre moitié neutres. Les chercheurs ont constaté que les mots émotionnels étaient plus souvent identifiés que les mots neutres. Une différence qui persistait même pour des mots ne différant que par une lettre (ex : arme/orme, hache/vache, honte/fonte).
On peut donc considérer que les sujets ont non seulement accédé très rapidement au sens des mots, avant même d'en avoir conscience, (ce qui confirme les travaux précédents) mais aussi que le vécu émotionnel lié à ces mots a permis d'amplifier leur perception jusqu'à les rendre conscients. Neuroscientifiques et psychanalystes semblent donc se rejoindre sur le constat de la richesse des mécanismes inconscients. Mais alors que la théorie psychanalytique prédirait plutôt un refoulement de ces mots chargés d'émotion, et donc une plus faible probabilité de les percevoir consciemment, ces résultats montrent au contraire qu'une expérience émotionnelle inconsciente favorise le passage vers la conscience. « La dynamique de ces rapports entre processus inconscients et conscience reste à préciser, mais on sait désormais qu'une émotion survenant inconsciemment à partir d'un simple mot peut modifier la façon dont nous percevons consciemment les choses » conclut le psychiatre Raphaël Gaillard.
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