La modification de l'intensité des cycles glaciaires mieux comprise
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Depuis des millions d’années, le climat terrestre est caractérisé par une alternance de périodes glaciaires, durant lesquelles une grande partie des continents est recouverte de glace, et de périodes interglaciaires pendant lesquelles la température est plus élevée. Nous sommes aujourd’hui dans une période interglaciaire : la dernière glaciation, celle du Würm, s’est achevée il y a environ 11 700 ans. Ces cycles glaciaires-interglaciaires sont provoqués principalement par la variation de paramètres astronomiques comme l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre ou la forme plus ou moins circulaire de l’orbite terrestre. L’évolution de ces paramètres astronomiques fait varier la quantité et la répartition de l’énergie solaire à la surface de la planète et donc l’étendue des glaces sur les continents.
Mais, il y a environ 1 million d’années, la période des cycles glaciaire-interglaciaire est passée de 41 000 ans à 100 000 ans, et l’intensité des périodes glaciaires a augmenté : on parle de "transition mi-Pléistocène". Les causes et la vitesse de ce changement sont encore aujourd’hui débattues, car elles ne correspondent à aucune modification particulière de l’évolution des paramètres astronomiques. Maayan Yehudai, de l’Université Columbia, à New York, et ses collègues, apportent aujourd’hui des indices qui renforcent un des scénarios proposés, celui de "l’hypothèse régolithe".
En 2006, Peter Clark, à l’Université d’État de l’Oregon, aux États-Unis, et ses collègues, ont proposé que d’importants épisodes d’érosion continentale (notamment entre 1,4 et 1 million d’années) ont dégradé la couche de roches sédimentaires meubles (les régolithes) autour de l’Atlantique nord, exposant à la surface le socle continental composé de roches magmatiques et métamorphiques. Avant ces épisodes, les sols continentaux "glissants" empêchaient l’installation de calottes glaciaires épaisses et étendues, et lors de la fonte de ces modestes calottes, l’apport d’eau douce perturbait peu les courants océaniques. À l’inverse, une fois le socle cristallin mis à nu et rendu plus rugueux par l’érosion, la friction entre la glace et la roche aurait augmenté, ce qui aurait permis la formation de calottes glaciaires épaisses et plus vastes.
Maayan Yehudai et ses collègues ont voulu tester la validité de l’hypothèse régolithe en retraçant l’évolution, dans l’océan Atlantique, de la circulation thermohaline. Cet ensemble de grands courants océaniques superficiels et profonds répartit la chaleur à la surface du globe, et joue donc un rôle majeur dans le climat terrestre. En 2014, Leopoldo Pena, de l’Université de Barcelone, en Espagne, et Steven Goldstein, de l’Université Columbia, aux États-Unis, avaient montré qu’il y a entre 950 000 et 860 000 ans, donc aux alentours de la transition mi-Pléistocène, les courants océaniques atlantiques avaient été modifiés.
Dans cette nouvelle étude, l’équipe de Maayan Yehudai a étudié les isotopes d’un élément chimique, le néodyme (Nd), dans des sédiments océaniques datant de 1,25 million d’années à 600 000 ans, c’est-à-dire avant, pendant et après la période de transition, à plusieurs latitudes le long de l’océan Atlantique. Le rapport isotopique 143Nd/144Nd est spécifique des roches continentales qui s’érodent et finissent dans les océans. En analysant la composition isotopique des sédiments, il est possible de savoir d’où ils viennent et donc d’en déduire les mouvements des masses océaniques. En étudiant des carottes sédimentaires, les chercheurs déduisent ainsi les modifications des grands courants océaniques au cours du temps. Par exemple, une augmentation de la valeur de ce rapport isotopique révèle un affaiblissement des courants profonds en provenance du nord de l’Atlantique et en direction du sud.
Or Maayan Yehudai et ses collègues ont constaté une augmentation significative de la valeur du rapport isotopique il y a 950 000 ans, qui trahit donc un affaiblissement des courants profonds en provenance de l’Atlantique nord. Cette période coïncide d’ailleurs avec le premier cycle glaciaire de 100 000 ans. La transition mi-Pléistocène serait donc liée à une modification des courants océaniques profonds. En remontant plus tôt, les chercheurs ont déterminé une cause possible de cette modification.
Entre 980 000 et 950 000 ans (en pleine période glaciaire), le rapport isotopique du néodyme présente une valeur exceptionnellement faible, qui ne peut s’expliquer par les seules variations des courants océaniques. Cette valeur correspondrait à un apport important de produits d’érosion causé par la fonte d’épaisses calottes glaciaires sur les continents entourant l’Atlantique nord, en accord avec l’hypothèse régolithe. L’apport massif d’eau douce aurait perturbé et ralenti la circulation thermohaline.
Ainsi, la conjonction entre la formation de calottes glaciaires épaisses et étendues et le ralentissement de la circulation océanique profonde dans l’Atlantique nord aurait déclenché le premier cycle glaciaire de 100 000 ans il y a 950 000 ans. Cette périodicité aurait ensuite été stabilisée par l’augmentation de la friction entre les calottes glaciaires et leur socle cristallin. De plus, cette modification des courants océaniques et la fertilisation des océans causée par l’érosion auraient augmenté la capacité des océans à stocker le dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz à effet de serre, accentuant encore l’intensité des épisodes glaciaires.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Climat
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