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Un modèle animal des troubles de la schizophrénie
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Quelle est la fonction neuronale atteinte dans la schizophrénie ? Une équipe du laboratoire du cytosquelette (unité mixte CEA/Inserm/université Joseph-Fourier) de Grenoble apporte un élément de réponse au débat sur l'origine des maladies mentales. Les chercheurs ont en effet mis au point un modèle de souris transgénique qui pourrait se révéler pertinent pour l'étude de l'origine et du traitement de la schizophrénie. Une découverte de taille, car si la validité de ce modèle animal, breveté par le CEA et l'Inserm, se vérifiait, elle ouvrirait la voie à l'élaboration de nouveaux traitements de cette affection qui concerne plus de 1 % de la population mondiale (dont 600 000 en France). La schizophrénie touchant l'ensemble des fonctions mentales, certaines de ses manifestations, comme les hallucinations ou le délire verbal, sont, par définition, spécifiquement humaines, donc impossibles à apprécier chez l'animal. Didier Job, le directeur du laboratoire, refuse de s'arrêter à ce "donc". "La maladie présente des caractéristiques générales, argumente-t-il. Par exemple, elle entraîne une désorganisation de l'activité avec ruptures de séquences de comportements normaux et apparition d'activités sans buts discernables. Elle s'accompagne également de troubles cognitifs majeurs et de défauts d'interaction avec l'environnement physique et affectif, associés, en particulier, à un retrait social sévère". Ces symptômes sont améliorés par les neuroleptiques. La difficulté sur laquelle ont buté des générations de chercheurs est que cette affection mentale ne s'accompagne ni de troubles neurologiques évidents ni d'anomalie anatomique décelable du cerveau. "Les modèles récents postulent qu'il s'agit d'une maladie de la connectivité neuronale ou maladie de la synapse", explique Didier Job. Les synapses connectent les neurones entre eux. Toute anomalie de leur fonctionnement engendre dès lors "des troubles de l'activité globale du cerveau, et donc du comportement". Jamais, toutefois, il n'avait été démontré qu'on pouvait créer expérimentalement une maladie de la synapse. Le modèle réalisé à Grenoble réunit toutes ces caractéristiques. La découverte tient du hasard. Au départ, l'équipe travaillait sur le cancer. Il s'agissait de vérifier les fonctions de la protéine STOP (Stable Tubule Only Polypeptide), notamment dans la stabilisation des microtubules qui assurent le transfert de substances indispensables au fonctionnement du cerveau et impliqués dans des pathologies comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires et neurodégénératives. L'idée était de voir ce qui se passait si on inhibait la protéine STOP. C'est ainsi que le laboratoire a développé des souris transgéniques porteuses d'un gène STOP invalidé. Résultat : "Les souris se sont effectivement révélées dépourvues de microtubules neuronaux stables. En revanche, les conséquences n'ont pas été du tout celles que l'on pouvait attendre", rapporte son directeur, Didier Job. Alors qu'aucun trouble n'était décelable dans l'anatomie du cerveau et le système nerveux en général, les souris ont manifesté des déficits synaptiques, "compatibles avec leur survie, mais responsables de troubles du comportement multiples et sévères", rapporte la biologiste Annie Andrieux. Ainsi les souris déficientes en protéine STOP changent sans arrêt d'activité et passent par des phases d'agitation et de frustration. Alors qu'habituellement leurs déplacements sont conditionnés par la quête de nourriture, dans ce cas ils sont inopérants. De façon plus significative, elles manifestent un retrait social totalement inhabituel, avec une indifférence quasi absolue à leur environnement. Des expériences se poursuivent pour savoir jusqu'où va l'analogie avec la schizophrénie. Les résultats des travaux du laboratoire grenoblois, publiés dans la revue Genes and Development, ont néanmoins déjà intéressé deux poids lourds de l'industrie pharmaceutique mondiale, l'allemand Merck Laboratoires, qui a pris six couples en "leasing", et le suisse Hoffman Laroche, avec qui l'Inserm a passé une convention.
Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3244--312053-,00.html
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