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La métagénomique ouvre une nouvelle ère dans l'exploration du vivant

En Amérique du Nord, en Asie ou en Europe, plusieurs laboratoires sont en train de se lancer dans le séquençage d'écosystèmes ou de milieux vivants et non plus d'organismes isolés comme l'homme ou la souris. En ce début d'année 2006, on peut parier que ces nouvelles recherches devraient bientôt révolutionner notre connaissance de l'environnement terrestre et du monde vivant.

Vouloir dresser un inventaire des génomes des micro-organismes présents dans tous ces milieux peut paraître une tâche insensée. Il y a des bactéries et des virus partout sur notre planète : dans une pincée de terre, sur un bout de peau ou de paroi intestinale, dans l'eau de mer ou à l'intérieur d'une canalisation d'eau potable. Aujourd'hui, on ne sait rien de ces microbes car on est incapable de cultiver la plupart d'entre eux et donc de les étudier. «On connaît peut-être moins de 1 % de tous ces microbes», assure Jean Weissenbach, responsable du Centre national du séquençage d'Evry. On estime, par exemple, qu'il y aurait sur notre planète dix mille milliards de milliards de milliards (10 puissance 31) d'espèces de virus et autant d'espèces de micro-organismes dans les océans.

Cette nouvelle branche de la génétique porte un nom un peu barbare : c'est la métagénomique. Ce mot-valise a été inventé en 1998 par une équipe américaine à partir de deux termes : la méta-analyse (groupement de plusieurs analyses) et la génomique (étude complète du matériel génétique d'un organisme). Elle s'appuie sur deux techniques différentes qui permettent de jeter des filets dans l'ADN du monde microbien. Ou bien les scientifiques recherchent les fonctions de gènes inconnus en les clonant, ou bien ils dressent au hasard un inventaire des séquences génétiques des micro-organismes présents dans un milieu.

«La vitesse du travail dépend avant tout de la puissance des robots et des financements du laboratoire», reconnaît Dusko Ehrlich, de l'Inra (Institut de recherche agronomique). Depuis plusieurs mois, ce chercheur tente de fédérer un programme international de séquençage du métagénome de l'intestin humain (coût estimé à 100 000 euros). Cette cavité est une niche écologique qui abrite tout un monde bactérien encore inconnu mais pourtant indispensable à la santé humaine. «Etablir le répertoire génétique de tout ce qui existe dans le tractus intestinal pourrait ouvrir un jour des perspectives diagnostiques ou thérapeutiques. Mais rien n'est encore démontré», souligne-t-il avec prudence. Le séquençage de ce métagénome est l'équivalent de dix fois le séquençage du génome humain.

Les initiatives se multiplient dans tous les domaines. Pionnier du séquençage du génome humain, Jean Weissenbach a commencé, il y a quatre ans, à extraire l'ADN du métagénome des flores bactériennes de la station d'épuration d'Evry. «On a trouvé des enzymes dont on ne soupçonnait pas l'existence, explique-t-il. On a aussi trouvé le génome d'une bactérie capable d'oxyder l'ammoniac, ce qui constitue une étape jusqu'alors inconnue du cycle de l'azote.»

Le laboratoire de génomique et biodiversité microbienne des biofilms (CNRS-université Paris-Sud) a lancé deux programmes de métagénomique : le premier sur les virus des sols désertiques (Sahara et Namibie) et le second sur les communautés bactériennes qui tapissent l'intérieur des canalisations d'eau. La métagénomique des écosystèmes qui pourrait avoir des applications agronomiques, voire industrielles, est plus avancée que celle des différentes niches écologiques du corps humain. Mais cette dernière ne va sans doute pas tarder à exploser. «L'homme est un écosystème comme les autres», assure Michael DuBow, Profeseur à l'Université de Paris-Sud.

Figaro

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