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Les mécanismes de la dépendance à la nicotine livrent leurs secrets
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Le mécanisme de la dépendance cérébrale à la nicotine de ces muridés se dévoile enfin. Une équipe des neurosciences du CNRS à l'Institut Pasteur de Paris, dirigée par Jean-Pierre Changeux, vient de démontrer qu'il existe bien un lieu spécifique de la dépendance à la nicotine dans le cerveau. Ce travail a fait l'objet d'une publication dans le dernier numéro de la revue britannique Nature.
Chez l'homme, comme chez la souris, la drogue nicotine (dont les manufacturiers savent depuis les années 1960 que c'est la substance addictive du tabac) se lie spécifiquement dans le cerveau à une sorte de serrure microscopique, un récepteur, et seulement à lui. Ce récepteur nicotinique est taillé sur mesure, par assemblage de cinq sous-unités protéiques qui s'emboîtent les unes aux autres et définissent une cavité, où se loge la clé nicotine. On connaît 9 sous-unités dites alpha et 3 sous-unités béta, qui peuvent se combiner à la surface des neurones en des centaines de variétés de récepteurs nicotiniques ayant des propriétés pharmacologiques très différentes.
Où se trouvent les neurones munis de ces récepteurs ? Dans une zone profonde et centrale de la base du cerveau, l'aire tegmentaire centrale (VTA), qui est considéré par les neurophysiologistes comme la région principale du «renforcement», et donc de la dépendance à de très nombreuses drogues, dont la nicotine. Mais ces neurones ont également un rôle dans l'amélioration des performances cognitives.
Comprendre l'interaction moléculaire de la nicotine avec ses récepteurs aidera la lutte contre le tabagisme, mais aussi à mieux comprendre les fonctions supérieures cérébrales de ce kilo sublime de gras entre nos tempes. Uwe Maskos, qui a mené les recherches avec ses collègues du CNRS, a d'abord créé en 1995 des souris génétiquement programmées dont le récepteur nicotinique ne dispose pas de la sous-unité Beta 2, la plus fréquemment trouvée dans le cerveau normal. Ces souris ont quelques difficultés d'apprentissage, mais, surtout, elles refusent obstinément de se gaver de nicotine. Alors que les souris normales, munies d'une pédale et d'un injecteur à nicotine, deviennent dépendantes rapidement et appuient sur la pédale en permanence pour obtenir leur dose de nicotine.
Plus récemment, Maskos et ses collègues ont fait une seconde expérience : ils ont injecté chez leurs souris déficientes, un vecteur viral embarquant le gène de la sous-unité Beta 2 directement dans la région de la «récompense» qu'est le VTA. Le résultat a été immédiat : leurs souris ont fabriqué des récepteurs comportant cette sous-unité et se sont elles aussi auto administrées de la nicotine.
Comme l'explique dans un éditorial de Nature Julie Kauer (Providence University, Rhode Island), «étant donné la complexité du cerveau, il est frappant que la réintroduction d'une seule molécule dans une petite zone cérébrale ait un effet comportemental aussi important». Les chercheurs veulent maintenant chercher, dans des cerveaux humains post mortem, d'anciens fumeurs ou non-fumeurs, pour tâcher de trouver des combinaisons des sous-unités du récepteur. Ils ont également un projet de génotypage de cohortes de fumeurs et non-fumeurs, pour trouver des «profils» génétiques des récepteurs. Grâce à ces recherches, un jour il sera sans doute possible d'adapter les stratégies anti-tabac en fonction du profil génétique du patient désirant s'arrêter de fumer. Il est vrai que les produits actuellement disponibles ne dépassent pas 10 à 20 % d'efficacité». Reste une interrogation majeure qui dépasse le domaine médical : pourra-t-on un jour faire cesser la dépendance à la nicotine sans pour autant interférer avec des comportements cognitifs?
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- Publié dans : Neurosciences & Sciences cognitives
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