RTFlash

Matière

Un matériau capable de dépolluer nos habitations

Une équipe de chercheurs franco-danoise a mis au point une innovation révolutionnaire : un matériau ultraporeux capable de capturer un composé organique volatil (COV) toxique, que l'on retrouve couramment dans nos espaces de vie : le formaldéhyde. Ce polluant particulièrement nocif se dégage de nombreux matériaux et objets présents dans nos habitations, alors que son impact sur la santé est bien documenté, allant des irritations respiratoires à des effets cancérogènes connus.

La découverte réalisée par le Laboratoire de catalyse et spectrochimie de Caen (LCS, Université de Caen/EnsiCaen/CNRS), en collaboration avec l'Institut des matériaux poreux de Paris (CNRS/Espci Paris/ENS/Université PSL) et des chercheurs danois, pourrait révolutionner les méthodes de purification de l'air intérieur. « À ce jour, les rares solutions existantes, qui utilisent toutes du charbon actif, sont peu efficaces contre les polluants comme le formaldéhyde. En effet, le charbon actif absorbe tout ce qui passe à sa portée, de manière non sélective, et se retrouve donc très vite saturé en vapeur d'eau et en CO₂, deux composés omniprésents dans l'air intérieur », explique Marco Daturi, spécialiste en chimie physique au LCS de Caen. Or, une fois saturé, le charbon actif devient lui-même source de pollution, car il relargue ce qu'il a absorbé.

Marco Daturi, copilote de ces travaux de recherche menés dans le cadre d'un projet financé par l'Agence de la transition écologique (Ademe) en collaboration avec la société Teqoya, spécialisée dans la capture des particules fines, explique que le formaldéhyde est véritablement omniprésent dans nos intérieurs : « Il est dans les peintures, les colles, les sols, les vêtements, le mobilier, mais aussi dans de nombreux objets de consommation importés. On utilise le formaldéhyde comme désinfectant, car il empêche la prolifération de champignons et de moisissures. Ainsi, ces objets, souvent transportés par bateau depuis des régions humides d'Asie, sont imprégnés de formaldéhyde pour éviter tout dommage lié à l'humidité lors du trajet ». Or la nécessité de purifier nos espaces fermés prend d'autant plus d'importance que les bâtiments modernes sont de plus en plus hermétiques pour des raisons d'efficacité énergétique et qu'ils concentrent donc encore davantage de polluants comme celui-ci.

Les résultats des chercheurs mettent en lumière l'efficacité d'un nouveau matériau appelé MOF (Metal-Organic Framework), capable de capturer et de stocker durablement le formaldéhyde. Les MOF fonctionnent comme de véritables « éponges moléculaires » : des structures cristallines constituées d'atomes métalliques reliés par des molécules organiques, formant un réseau tridimensionnel avec de minuscules pores. Des pores qui, dans ce cas précis, ont été spécialement étudiés pour piéger les molécules de formaldéhyde et seulement les molécules de formaldéhyde. « Le matériau que nous avons développé, avec mon collègue parisien Christian Serre dont c'est la spécialité, est conçu pour être à la fois efficace et écologique. Sa fabrication est réalisée à basse température en utilisant de l'eau comme solvant et avec des composants – le pyrazole et l'hydroxyde d'aluminium – à la fois peu coûteux et non toxiques. Le résultat est un matériau capable de capturer le formaldéhyde de façon efficace, sélective, sans jamais relarguer ce polluant dans l'air », explique Marco Daturi.

En plus de son efficacité, la durée de vie du matériau défie celle des solutions actuelles, qui doivent être remplacées régulièrement. « Après un an d'utilisation, le filtre peut être rincé à l'eau pour éliminer les polluants et immédiatement réutilisé. Ce processus peut être répété jusqu'à dix fois. À l'issue de ces dix années d'utilisation, le filtre peut ensuite être retourné au fabricant qui pourra alors facilement récupérer ses constituants pour refaire un filtre neuf », précise le professeur Daturi. Quant à l'eau de rinçage, il suffit de la verser dans les toilettes après leur utilisation pour que le formaldéhyde entre en réaction avec l'urée présente, produisant de l'uréthane, un désinfectant. 

Concrètement, le MOF anti-formaldéhyde se présente sous la forme d'une poudre blanche, semblable à de la farine, que les chercheurs façonnent en petites billes insérables dans un filtre pour purificateur classique. Ces billes peuvent également être combinées avec d'autres types de MOF, conçus pour capturer d'autres polluants, comme les oxydes d'azote, qui sont courants dans les environnements urbains ou proches des grands axes routiers. « Nous avons procédé à des tests qui montrent que, avec notre nouveau matériau, quelques dizaines de minutes suffisent pour traiter une grande pièce, avec un seul purificateur. Car il suffit que l'air passe dans le filtre une seule fois pour voir la concentration en formaldéhyde baisser drastiquement », souligne Marco Daturi. Pour concrétiser cette avancée et breveter l'invention, une start-up baptisée SquairTech a été fondée par d'anciens étudiants impliqués dans ces travaux. Actuellement, la société se consacre à l'industrialisation de la fabrication du MOF qu'elle prévoit de commercialiser sous forme de dispositifs de filtration d'air.

Le Point du 07.11.2024 : https://www.lepoint.fr/science/cette-decouverte-qui-pourrait-depolluer-nos-interieurs-et-proteger-notre-sante-07-11-2024-2574680_25.php

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top