RTFlash

Vivant

Lupus et cancer du sein triple-négatif : un mécanisme inflammatoire commun !

Quel est le point commun entre une forme très agressive de cancer du sein (forme dite triple négative) et le lupus, une maladie auto-immune ? "Un même processus d'inflammation, qui survient de façon chronique pendant des décennies, finissant par déclencher la maladie tumorale dans le premier cas, ou par crises dans le cas du lupus" répond Patrick Legembre, directeur de recherche à l’Inserm à Rennes.

En quelques années, son équipe a décortiqué le mécanisme de ce processus inflammatoire, pour finalement aboutir à une piste thérapeutique qui pourrait, en premier lieu, bénéficier au traitement du lupus. Pour commencer, les chercheurs avaient mis en évidence un taux élevé d'une protéine, le Fas ligand (ou Fas-L), dans le sang de patients atteint de lupus ou d’un cancer du sein.

De plus, il était apparu que la valeur de ce taux est associé à la gravité de la maladie (lupus ou cancer). Le Fas-L est une molécule complexe intégrée à la membrane des cellules. Il ne peut être détecté dans le sang que s'il a été clivé par une enzyme, en libérant ainsi des fractions solubles. Son rôle "normal" est de réguler la réponse immunitaire.

Au cours d’un deuxième étape, les chercheurs ont démontré que la forme soluble de Fas-L peut initier une réaction inflammatoire. "Il faut bien distinguer les rôles de Fas-L dans la régulation de la réponse immunitaire et dans l'inflammation, car ils sont déclenchés par deux formes différentes de la protéine : membranaire ou soluble" insiste Patrick Legembre. C'est ce que l'équipe a confirmé en 2016, en identifiant la région de la protéine impliquée dans le déclenchement de l'inflammation. Appelée CID (pour calcium-inducing domain), cette zone est le lieu de fixation d'une autre enzyme : PLCγ1. C'est en réalité cette fixation qui déclenche le processus inflammatoire.

Restait à trouver un moyen de bloquer spécifiquement cette interaction, et donc le processus d'inflammation impliqué dans le cancer du sein et le lupus, sans pour autant altérer la fonction du Fas-L dans la régulation de l’immunité. C’est dans cet objectif que les chercheurs sont partis à la recherche d’une molécule capable d'"imiter" le domaine CID, pour piéger la PLCγ1 et l'empêcher d'interagir avec Fas-L. Les chercheurs ont adopté deux approches différentes en parallèle.

D'une part, ils ont criblé une chimiothèque de 1 280 médicaments autorisés (et libres de brevets), de structures chimiques et de classes pharmaceutiques très variées. D'autre part, en collaboration avec des chimistes, ils ont rationnellement créé des peptides qui ont une structure moléculaire similaire à CID.

Résultat : parmi les 1 280 médicaments testés, un inhibiteur de la protéase du VIH (une enzyme de dégradation des protéines), le Ritonavir, s'est révélé être le meilleur candidat. Côté chimie, l'équipe a conçu un peptide proche de CID puis en a dérivé une série de peptidomimétiques, autrement dit des molécules ressemblantes, mais suffisamment modifiées pour résister aux enzymes dégradant les protéines présentes dans le sang.

L’effet inhibiteur du Ritonavir et des peptidomimétiques ont ensuite validé in vitro, puis in vivo chez la souris : les molécules se sont montrées capables d’atténuer les manifestations cliniques du lupus chez ces animaux. "Deux approches totalement différentes ont finalement abouti au même résultat puisque le Ritonavir montre une structure proche de celle de nos peptidomimétiques !" s'étonne encore Patrick Legembre.

Le chercheur a créé une start-up dédiée à la valorisation de ces peptidomimétiques. Il cherche maintenant des partenaires pour développer ces molécules, jusqu'aux essais cliniques. Déjà autorisé dans le traitement des infections à VIH, le Ritonavir et ses dérivés devraient quant à eux prochainement faire l’objet d’un essai clinique chez des patients atteint de lupus, au CHU de Bordeaux.

Au-delà du lupus et du cancer, l'équipe vise à terme d'autres pathologies. "Nous avons montré que le taux de Fas-L soluble est élevé dans une dizaine de maladies auto-immunes ou inflammatoires, comme le syndrome du côlon irritable, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérodermie systémique ou le psoriasis. Le Fas-L soluble, longtemps ignoré, est une cible thérapeutique d'avenir" affirme Patrick Legembre.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Inserm

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top