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Logiciels libres : Linux poursuit sa progression

L'univers du logiciel " libre " vient de recevoir des soutiens financiers de poids. Intel, le numéro un mondial des microprocesseurs, et Netscape, le principal concurrent de Microsoft sur le marché des logiciels de navigation sur Internet, ont en effet annoncé qu'ils venaient d'acquérir une participation minoritaire au capital de la société américaine Red Hat, principal distributeur du logiciel d'exploitation Linux Qui aurait cru qu'un jeune programmeur de vingt et un ans pourrait, bien malgré lui, menacer la suprématie de Microsoft ? Quand Linus Torvalds, un étudiant finlandais, s'installe devant son PC en 1991, il n'a qu'une idée en tête : créer un " système d'exploitation ", c'est-à-dire un programme qui coordonne la marche des différents éléments de l'ordinateur, comme Windows, MacOS ou Unix. Il décide de créer un système qui soit le plus proche possible d'Unix, qu'il utilise à l'université, sans débourser les milliers de francs que coûtait un tel programme à l'époque. Son projet aurait pu en rester là, mais, généreux, il décide de partager son savoir-faire. Il choisit de diffuser le code source de son programme Linux sur Internet et de le rendre libre, ouvert et gratuit : n'importe qui peut l'utiliser, le dupliquer, l'analyser dans ses moindres détails, le corriger ou l'améliorer. Depuis, des centaines de programmeurs ont consacré une grande part de leurs loisirs à enrichir Linux, mais aussi à créer des programmes de toutes sortes diffusés selon les mêmes règles : " les logiciels libres ". Linux déferle sur la planète informatique. Le logiciel compte entre sept et dix millions d'adeptes, un nombre qui croît de plus de 80 % par an, sans marketing ni publicité. Après des années de quasi-clandestinité, Linux s'affiche désormais publiquement et fonctionne aujourd'hui sur de nombreux types de machines : PC, Macintosh, stations de travail... Les utilisateurs peuvent en cumuler les avantages avec ceux des autres systèmes en les installant côte à côte, le choix se faisant au démarrage de l'ordinateur. Pourquoi cet engouement ? Outre ses aptitudes à faire fonctionner des ordinateurs en réseaux, Linux s'est taillé une extraordinaire réputation de stabilité. A la différence de Windows, on le dit totalement insensible aux blocages intempestifs dus au malfonctionnement de certains logiciels, si bien que la NASA l'utilise pour conduire des expériences dans les navettes spatiales. La gratuité ne nuit pas à la qualité, au contraire. " Bien souvent, les logiciels commerciaux sont revus par des personnes très proches des auteurs, et qui commettent les mêmes erreurs ", explique Linus Torvalds. A l'inverse, un programme libre est analysé dans ses moindres détails par une armée de passionnés, sans aucun lien avec les créateurs. " Les logiciels libres sont faits par des artisans amoureux de leur art. Ce ne sont pas des produits fabriqués en grande série qui doivent respecter un calendrier, quitte à comporter des défauts ", ajoute-t-il. " Les logiciels libres s'en tiennent à l'essentiel et ne comportent jamais de fonctions superflues commerciaux. FreeBSD, un système d'exploitation analogue à Linux, poursuit une belle carrière. Un outil comme Apache a été adopté par la moitié des sites de la Toile pour distribuer les documents aux internautes. IBM l'a même intégré à son offre de commerce électronique. L'ossature même du réseau repose sur des logiciels libres comme Sendmail, qui gère la plupart des centaines de millions de messages électroniques échangés chaque jour. Linux a été conçu par Internet et pour Internet, et le Réseau le lui rend bien : le quart des sites de la planète l'utilisent pour fonctionner. Peu gourmand en puissance, Linux fonctionne sur de vieux PC dotés d'une puce 486 et même 386. En matière de logiciels d'application, l'utilisateur a l'embarras du choix. Et si les outils de bureautique sont encore rares, les éditeurs commencent à diffuser des suites comme Star Office et Applixware. Seule manque encore la reconnaissance des éditeurs de CD-ROM multimédias, qu'il s'agisse de jeux, de titres éducatifs ou culturels. Est-ce à dire que Linux pourrait un jour supplanter Windows auprès du grand public ? Peut être, à condition toutefois d'améliorer les interfaces graphiques et de simplifier la procédure d'installation. Les programmeurs devront également améliorer la compatibilité entre les nombreuses " distributions " (kits d'installation) de Linux et élargir la gamme de périphériques reconnus. Ces deux freins sont sur le point d'être levés. Intel a demandé aux créateurs de Linux de participer à la mise au point d'UDI, une norme visant à unifier la gestion des périphériques dans les systèmes de type Unix du marché. Aux Etats-Unis ou en Allemagne, de petits constructeurs proposent des machines Linux prêtes à l'emploi. Dell commence à le faire pour certains clients. Compaq s'apprête à généraliser le support du système sur toute sa gamme d'ordinateurs. Enfin il faut souligner l'engagement dans Linux des géants de la gestion de données que sont Oracle, Informix et SyBase. Face à la domination écrasante de Microsoft quelque chose est donc en train de changer au royaume de l'informatique.

(Le Monde/3:10:98)

http://www.lemonde.fr/

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