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Logiciel libre et logiciel propriétaire : vers la cohabitation

Le débat opposant logiciel libre et logiciel propriétaire laisse la place à un travail plus rigoureux sur les aspects économiques et juridiques du logiciel libre. C'est ce qu'a montré la conférence "Open Source Software : Economics, Law and Policy", organisée par l'Institut d'Economie Industrielle et le Center for Economic Policy Research à Toulouse. Cette conférence a confirmé la tendance dans le monde de la recherche et de l'industrie à concilier logiciel libre et logiciel propriétaire, afin de combiner leurs avantages respectifs. Les avantages du logiciel libre sont bien connus. L'accès libre au code source du logiciel et le mode de travail collaboratif, à l'origine basé sur le volontariat et Internet, permettent de produire rapidement des logiciels très fiables et gratuits. C'est ainsi que des logiciels libres de grande qualité ont pu être développés. Citons parmi les plus médiatisés le système d'exploitation Linux et le serveur Web Apache. Mais le mode de diffusion gratuit du logiciel libre n'encourage pas à innover ni à créer des produits véritablement nouveaux car il ne permet pas un retour sur investissement de l'effort R&D important que nécessite l'innovation. De fait, la plupart des logiciels libres sont des clones de logiciels propriétaires (Linux, par exemple, est un clone d'Unix). Il s'agit aussi surtout de logiciels de base, développés par des informaticiens pour des informaticiens. A l'inverse, le logiciel propriétaire, où le code source est protégé (en ne livrant que le code binaire) et rémunéré par la vente de licences, favorise davantage l'innovation par les éditeurs de logiciel et l'utilisation par des utilisateurs non spécialistes. Les organismes de recherche concilient adroitement développement de logiciel libre et logiciel propriétaire. Les chercheurs développent et utilisent le logiciel libre pour tester librement de nouvelles idées, sans avoir à tout prototyper, et contribuent ainsi à son évolution. Aussi, les organismes de recherche encouragent l'utilisation et le développement de logiciel libre pour accélérer le processus de recherche et mutualiser les efforts de développement. Par exemple, le consortium ObjectWeb (www.objectweb.org) créé par l'Inria, Bull et France Télécom a pour mission de construire une plateforme générique de gestion de composants distribués, à partir de laquelle les industriels pourront développer et vendre des composants métiers. En même temps, les organismes de recherche encouragent la production de brevets logiciels (pour protéger les inventions de leurs chercheurs) et la création de start-up pour créer des produits innovants à partir de ces brevets. Ce n'est pas une contradiction car les objectifs de retombées scientifiques et de valorisations industrielles sont différents. Comme l'a montré la conférence de Toulouse, nous assistons de plus en plus à l'intégration logiciel libre/logiciel propriétaire à la fois chez les constructeurs, les éditeurs de logiciels et les utilisateurs. Contrairement au mouvement initial, une proportion rapidement croissante des développements en logiciel libre se fait dans l'industrie et est donc rationalisée. Chez les constructeurs comme IBM, Sun et HP-Compaq, la tendance majeure est au support généralisé de Linux en complément de leur système d'exploitation propriétaire. Chez les éditeurs de logiciel, l'intégration de composants logiciel libre avec des logiciels propriétaires devient monnaie courante. La plupart des éditeurs de serveurs d'applications comme IBM et BEA intègrent le serveur Web Apache. Dans les entreprises, le logiciel libre cohabite désormais avec le logiciel propriétaire, parce que certains logiciels, libres ou propriétaires, sont mieux adaptés à des besoins spécifiques que d'autres. Et le choix d'un logiciel dépend de la satisfaction d'un besoin utilisateur et d'autres critères importants comme le ratio coût/performance, la fiabilité, la facilité d'intégration dans l'environnement existant, etc. Le poste client reste largement dominé par le système Windows de MS pour la richesse et l'intégration des outils et des applications. Le marché des serveurs est beaucoup plus fragmenté, car différents serveurs supportent différentes fonctions mieux que d'autres. Ainsi, des fonctions spécialisées comme la gestion d'imprimantes ou de messagerie sont de plus en plus réalisées par des solutions logiciel libre sous Linux. Mais les fonctions plus complexes comme la gestion de transactions ou la gestion de bases de données sont typiquement réalisées par des logiciels propriétaires comme Oracle, DB2 ou SQL Server. La standardisation des protocoles de communication entre serveurs tend à faciliter la compatibilité des serveurs hétérogènes. L'avènement de protocoles basés sur les standards du Web devraient améliorer encore cette interopérabilité et donc faciliter l'intégration entre logiciel libre et logiciel propriétaire. Le logiciel libre apparaît comme un complément souvent très intéressant au logiciel propriétaire plutôt qu'une alternative intégrale. Les professionnels de l'informatique et les utilisateurs ont bien compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer du logiciel libre. La logique de marché doit donc naturellement réguler l'intégration logiciel libre/logiciel propriétaire.

Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3416--283153-0,00.html

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