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Linux, le cauchemar de Bill Gates

La nuit, Bill Gates fait des cauchemars. Le milliardaire américain rêve que Tux, un petit pingouin, anéantit son empire ! Ce palmipède inoffensif est la mascotte du nouveau concurrent de Microsoft : Linux. Pour le moment, la menace est lointaine : ce système d'exploitation pour ordinateurs, concurrent de Windows, est encore un nain sur ce marché, mais il est en train de réussir sa première percée vers le grand public. Le géant IBM vient d'annoncer que son portable Think Pad 600 utiliserait dorénavant ce logiciel. D'autres produits de sa gamme devraient suivre, ce qui donne une sérieuse crédibilité à Tux et à son Linux : c'est IBM, qui avait construit la fortune de Microsoft en choisissant son système dans les années 80. Autre appui de poids pour le pingouin : à la fin de l'année, Dell, le nouveau numéro un des constructeurs d'ordinateurs aux Etats-Unis, va commercialiser des PC grand public (les ordinateurs de bureau Dimension et les portatifs Inspiron) avec Linux déjà installé. " On y va parce qu'on y croit, dit Loïc Martinelli, responsable du marketing chez Dell-France. On n'abandonne pas Windows mais on a voulu répondre à une demande de nos clients. Cette offre devrait prendre une part non négligeable du marché. " Ce pari des gros constructeurs sur Linux est une petite révolution. Attaquer Windows, la poule aux oeufs d'or de la multinationale de Seattle, qui équipe presque tous les PC de la planète, n'est pas une mince affaire. Même Macintosh, qui résiste à grand peine au rouleau compresseur avec son système MacOs, s'y est cassé les dents. Quelles sont donc les qualités qui permettent au pingouin de se lancer à l'assaut de Windows ? Techniquement, il offre les mêmes possibilités que le système de Microsoft. Il propose l'équivalent de ses logiciels (traitement de texte, tableur...), il permet aussi de naviguer sur le web ou d'envoyer des courriers électroniques, et en plus il est réputé plus performants. Linux possède une botte secrète, qui séduit de plus en plus d'utilisateurs, notamment parmi les entreprises : il ne coûte quasiment rien ! On peut le télécharger gratuitement sur le Net ou recopier des cédéroms sans avoir à verser un seul centime, et ce, tout à fait légalement. Son concepteur, le Finlandais Linus Torvalds, a fait cadeau de sa trouvaille aux informaticiens du monde entier, en leur dévoilant son code informatique (lignes de programme). En échange, chacun peut spontanément et bénévolement améliorer son système, ce qui explique sa solidité technique, reconnue par les professionnels. Ces caractéristiques font de Linux un " logiciel libre " : un idéalisme inspiré des utopies du siècle dernier et remis au goût du jour à la sauce high-tech. Pour le grand public, avant qu'IBM et Dell ne sautent timidement le pas, il était quasiment impossible de trouver des PC équipés de Linux. En effet, la grande majorité des particuliers achètent dans les grandes surfaces ou dans les Fnac, où toutes les machines ont un système d'exploitation Microsoft dans le ventre. Conséquence : sans s'en rendre forcément compte, le consommateur paie non seulement le matériel mais aussi une licence pour utiliser le système d'exploitation du géant américain et certains de ses logiciels vedettes, comme le traitement de texte Word. . Mais cette pratique, que certains assimilent à de la vente forcée, ne laisse aucune alternative : c'est Microsoft ou rien ! Résultat : Windows et PC sont souvent considérés, à tort, comme une seule et même chose. La communauté Linux a tenté de réagir. Le 15 février dernier, elle a invité les acheteurs à exiger le remboursement des produits Microsoft non désirés. Sans grand succès. Mais c'est désormais au tour du gouvernement français de se préoccuper du dossier : à la suite de plaintes déposées par des consommateurs ulcérés, la direction des Fraudes, qui dépend du ministère des Finances, a ouvert une enquête sur les pratiques commerciales de Microsoft. Red Hat, le principal distributeur américain de logiciels Linux, a fait une entrée remarquée au Nasdaq, le marché américain où sont cotées les valeurs de la haute technologie : sa cotation a quadruplé dès le premier jour. Logique : d'après Dataquest, le logiciel libre a connu une croissance de 212 % en 1998, essentiellement grâce aux entreprises. Elles sont de plus en plus nombreuses à succomber : 13 % des sociétés américaines l'utilisent déjà. " Un niveau de croissance stupéfiant ", selon un observateur. Il reste désormais au pingouin à se faire adopter du grand public. Et s'il y arrive, Bill Gates aura vraiment du mal à trouver le sommeil.

Nouvel Obs : http://www.nouvelobs.com/economie/eco6.html

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