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L'œil était dans les Andes et regardait le ciel
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Installé sur le plateau Chajnantor au Chili, un nouveau radiotéléscope doit permettre d'explorer un pan de l'univers méconnu. Une vraie révolution pour l'astronomie mondiale.
Le plateau de Chajnantor, à 5 000 mètres d'altitude dans les Andes chiliennes, est l'un des endroits les plus inhospitaliers de la planète. L'air y est rare, ce qui rend la respiration difficile. Il n'y pleut jamais ou presque, et des vents violents font parfois baisser la température jusqu'à - 20°C. C'est pourtant dans cette zone désolée, qui n'est pas sans évoquer la géographie martienne, que vient d'entrer en service le téléscope le plus cher et le plus perfectionné au monde.
L'Atacama Large Millimeter/Sub-millemeter Array (Alma ; grand réseau d'antennes en millimétrique et submillimétrique de l'Atacama [Alma signifie "âme" en espagnol]) va permettre aux astronomes d'observer toute une moitié de l'univers qui, jusqu'à présent, restait invisible aux télescopes modernes. Il est déjà capable de percer du regard les lointains nuages de poussières et de débris dans lesquels se sont formées les premières étoiles, galaxies et planètes.
"C'est dans ces nuages de gaz et de poussière froids que se forment les étoiles", explique John Richer, de l'université de Cambridge et responsable scientifique de projet pour l'Alma. Ces formations, dont les composants forment une sorte de suie et qui sont aussi le lieu de naissance des planètes (Terre comprise), ont un effet obscurcissant qui masque les étoiles aux équipements optiques à infrarouge modernes, comme le télescope spatial Hubble. Mais ces amas de poussière sont aussi chauffés par la lumière stellaire, qui élève leur température de quelques degrés au-dessus du zéro absolu (- 273 °C) ; cette poussière émet de ce fait un rayonnement propre dans le domaine submillimétrique qu'Alma pourra détecter depuis la Terre.
Les ondes lumineuses submillimétriques sont semblables au rayonnement des fours à micro-ondes et 1 000 fois plus longues que celles de la lumière visible par l'homme. Les observer, c'est la promesse pour les astronomes de pouvoir se représenter un tableau plus complet de l'univers. "Si vous associez les images optiques à celles de l'Alma, vous mettez en relief toute l'activité de formation stellaire, alors que jusqu'ici la moitié de l'image nous échappait," s'enthousiasme John Richer.
Le plateau andin de Chajnantor, quoique inhospitalier, a séduit les astronomes par son ciel pur et dégagé toute l'année et son aridité, l'une des plus marquées au monde : les molécules d'eau absorbent les ondes submillimétriques et les rendent donc indétectables, mais pas de risque ici, puisque certaines zones du désert d'Atacama n'ont plus vu une goutte de pluie depuis plusieurs siècles. Par ailleurs, sa situation à pareille altitude va permettre à Alma de saisir des images d'une netteté incomparable. Pour superviser le télescope, des équipes d'astronomes se relaient dans une base plus accueillante, à plus de 1 000 mètres en contrebas.
Il aura fallu plus de 20 ans de conception et de travaux avant qu'Alma entre en service, le 3 octobre. Sur le plateau désertique sont installées aujourd'hui 20 antennes identiques mesurant chacune 12 mètres de diamètre. Quand cet observatoire, qui aura coûté un milliard d'euros, sera achevé dans deux ans, il comptera 66 de ces antennes en fibre de carbone qui pourront être disposées pour former d'innombrables configurations, sur une distance pouvant atteindre 16 kilomètres, en fonction des mesures que souhaitent effectuer les astronomes.
"L'Alma offre une sensibilité formidablement plus grande que les précédents télescopes d'observation submillimétrique, poursuit John Richer, et nous prévoyons qu'il pourra découvrir toutes les trois minutes une galaxie nouvelle quelque part dans l'univers." Bien qu'inachevé, l'observatoire est déjà au service de la science. Sa première image, obtenue grâce aux mesures effectuées par 16 des paraboles, met en évidence les violents tourbillons de la galaxie des Antennes, deux galaxies spirales qui sont en cours de collision à environ 70 000 années-lumière de notre planète.
Pour sa première année d'activité, les scientifiques ont aussi prévu qu'Alma étudierait Sagittaire A*, un trou noir supermassif situé au centre de la Voie lactée, à 26 000 années-lumière de la Terre. D'épais nuages de poussières et de gaz obscurcissent généralement le trou noir, mais Alma sera capable de "voir" au travers.
L'Alma est le fruit d'une collaboration entre les 15 pays membres de l'Observatoire européen austral (ESO), les Etats-Unis, le Japon, le Chili, Taïwan et le Canada.
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- Publié dans : Cosmologie et Astrophysique
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