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Edito : L’irrésistible ascension de l'énergie solaire
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En 2016, le monde a consommé environ 14 milliards de tonnes-équivalent pétrole, dont 23 000 TWH d’électricité. Bien que les énergies fossiles représentent encore 80 % de cette consommation globale d’énergie, les énergies renouvelables connaissent depuis 10 ans une irrésistible ascension et depuis 2015, elles ont dépassé les énergies fossiles en nouvelles capacités annuelles de production installée. Si l’on examine à présent la progression respective des différentes formes d’énergies propres, on constate que le vent a permis de produire environ 960 TWH en 2016 (soit un peu plus de 4 % de la production électrique mondiale), tandis que le soleil a représenté, avec 375 TWH, environ 1,2 % de cette production mondiale d’électricité.
Mais c’est l’énergie solaire, et notamment le solaire photovoltaïque, qui connaît depuis 10 ans la progression la plus forte avec une capacité de production électrique multipliée par dix depuis 2007. Et selon plusieurs rapports récents, cette irrésistible ascension du solaire ne fait que commencer et va s’accentuer au cours de ces prochaines années. Un récent rapport Bloomberg prévoit ainsi que la puissance photovoltaïque cumulée dépassera celle de l’éolien d’ici 10 ans et pourrait atteindre 1,9 TW en 2030 (0,14 TW en 2013), soit davantage que celle de l’éolien qui atteindra, à la même échéance, 1,3 TW.
Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), publié le 4 octobre dernier, souligne également que l'énergie solaire a été la source d'énergie qui a connu la plus forte croissance l'an dernier. Pour la première fois, elle a détrôné la croissance de toutes les autres formes de production d'électricité. Avec 74 GW installés en 2016, soit deux fois plus qu'en 2015, le photovoltaïque devance l'éolien (+ 52 GW, en baisse de 20 %), et surtout, pour la première fois, passe devant le charbon (+ 57 GW).
Pour Fatih Birol, directeur de l'AIE, « Nous assistons à la naissance d'une nouvelle ère dans l'énergie solaire photovoltaïque dont la croissance au cours de ces prochaines années sera bien plus rapide que celle de toutes les autres sources d’électricité ». Ce rapport confirme par ailleurs le rôle moteur du géant chinois dans ce développement bien plus rapide que prévu du solaire : avec 74 GW installés en 2016, soit deux fois plus qu'en 2015, le photovoltaïque chinois dépasse à présent nettement l'éolien dans ce pays (+ 52 GW), et surtout, les capacités de production énergétique solaire installées en Chine en 2016 sont, pour la première fois, plus importantes que celles du charbon. Résultat de ce volontarisme technologique et industriel : la demande chinoise en énergie solaire représentera en 2017 plus de la moitié de la demande mondiale…
Certes, l’AIE prévoit que le charbon restera au cours de la prochaine décennie la principale source de production d'électricité (35 %) mais l'écart avec les énergies renouvelables et notamment le solaire devrait se réduire bien plus rapidement que prévu et l'énergie solaire pourrait passer devant le charbon dans le mix électrique, d’ici 2030.
Ce rapport de l’AIE est confirmé par une étude de GTM Research, (WEF) qui montre que l’énergie solaire pourrait même rivaliser avec l'énergie nucléaire en matière de capacité mondiale d'ici la fin de l'année 2017(Voir article World Economic Forum). Cet organisme souligne que, même si la production effective annuelle d’électricité nucléaire reste aujourd’hui six fois plus importante que celle assurée par l’énergie solaire, le potentiel de développement de cette forme d’énergie est tel qu’elle pourrait devenir la plus grande source d'énergie au monde d'ici 2050.
Il est vrai qu’au cours de ces dernières années, le coût d'installation des panneaux photovoltaïques a considérablement baissé. En France, il a ainsi été divisé par quatre entre 2007 et 2014 pour une centrale au sol et atteint à présent 6 centimes le KWh. Et selon plusieurs études prospectives convergentes, notamment celles de l’Irena, de l'Ademe et de l’Institut Fraunhofer, cette baisse devrait se poursuivre et le coût du KWh solaire pourrait tomber, dans les régions les plus ensoleillées, à moins de 4 centimes en 2025, devenant ainsi inférieur au coût de production électrique de toutes les autres énergies, nucléaire compris. Pour l'Ademe, il résulte de cette évolution des coûts que les installations de production d'électricité solaire deviendront rentables sans subvention en France après 2020.
La baisse des coûts de production de l’énergie solaire est telle que même les pays nordiques, dont le climat est moins favorable à cette forme d’énergie, se lancent dans d’ambitieux projets de centrales solaires. La Grande-Bretagne a par exemple récemment inauguré à Clayhill sa première ferme solaire, réalisée sans aucune subvention publique. Cette vaste installation, d’une puissance de 10 mégawatts, produit assez d'électricité pour alimenter 2500 foyers et elle possède également un système de stockage de 6MW, pour faire face aux périodes moins ensoleillées. Profitant de la baisse constante du coût de production de l’électricité solaire, la Grande-Bretagne a multiplié par six sa capacité solaire installée en seulement cinq ans et, au cours d’un jour particulièrement ensoleillé du mois de mai dernier, l’énergie solaire a fourni près de 25 % de l'électricité du pays...
Mais ce développement déjà impressionnant de l’énergie solaire devrait connaître une nouvelle accélération grâce à plusieurs ruptures technologiques en cours dont certaines sont déjà disponibles sur le marché. La première de ces innovations concerne l’utilisation, pour la fabrication des cellules solaires, d’une famille de minéraux connue depuis presque deux siècles : la pérovskite.
Il y a quelques semaines, des scientifiques de l'EPFL sont parvenus à la plus haute reproductibilité jamais atteinte pour des cellules solaires en pérovskite, combinée avec un rendement qui repousse les limites à 21,1 % dans des conditions d'utilisation normales (Voir Science). En combinant des matériaux en pérovskite avec du césium inorganique, ces chercheurs sont parvenus à améliorer la stabilité de ce type de cellules solaires qui peuvent conserver à présent plus de 95 % de leur rendement initial, supérieur à 20 %, sous une illumination solaire complète à 60°C pendant plus de 1000 heures.
Parallèlement à cette rupture technologique majeure des cellules à base de pérovskite, les cellules photovoltaïques « classiques » ne cessent de gagner en efficacité et en rendement. C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, des chercheurs japonais de la Kaneka Corporation ont présenté une cellule photovoltaïque qui affiche le rendement record de 26,6 %. En ayant recours à la technologie de dépôt chimique en phase vapeur, les chercheurs nippons ont réussi à disposer les électrodes à basse résistance à l’arrière de cette cellule solaire d’une surface de 180,4 m2, ce qui permet à l’objet d’absorber plus de rayons solaires.
Mais avant que n’arrivent sur le marché ces nouvelles cellules solaires encore plus performantes, d’autres innovations technologiques remarquables vont favoriser la généralisation de l’énergie solaire. Parmi celles-ci figure l’arrivée de cellules et panneaux solaires souples ou hybrides, c’est-à-dire conçus pour produire à la fois de la chaleur et de l’électricité, ce qui va permettre une intégration systématique de l’énergie solaire dans l’ensemble des bâtiments et logements qui pourront recourir bien plus efficacement à l'énergie solaire, non seulement pour couvrir une partie de leur consommation électrique mais également pour fournir directement de la chaleur utilisable pour alimenter le chauffage et l'eau chaude sanitaire.
La société DualSun, située à Marseille, développe ce type de système hybride qui fonctionne avec un fluide qui se réchauffe grâce aux rayons du soleil et utilise un échangeur thermique. Ce procédé permet un rendement 3 à 4 fois supérieur à une installation photovoltaïque de base. Le coût d'investissement est certes plus élevé d’un tiers que celui d’une installation standard, mais ce surcoût est rapidement amorti grâce aux gains considérables obtenus en matière de production d'énergie globale, électrique et thermique.
Citons également la société Sunpartner, qui a inauguré début octobre sa première ligne de fabrication de panneaux solaires transparents et colorés d'une capacité de 150 000 m² par an. Basée sur la technologie Wysips qui repose sur des couches minces de cuivre, gallium, indium, sélénium (CGIS), ce sandwich composite a un rendement moyen plus faible que le silicium monocristallin mais il est bien moins coûteux à produire et peut s’appliquer comme une peinture sur des supports de verre ou de polymère. Ces surfaces solaires peuvent donc être découpées à la demande et il n’est plus nécessaire de les orienter face au rayonnement solaire.
Il faut aussi évoquer une autre avancée majeure mais encore peu médiatisée qui va révolutionner le secteur de l’énergie et celui du bâtiment : la fenêtre solaire. Depuis quelques semaines, on peut en effet trouver sur le marché une fenêtre solaire baptisée « Horizon » et développée conjointement par Vinci Construction et Sunpartner Technologies. Cette fenêtre productrice d’énergie est également composée du verre solaire Wisips (What you see is photovoltaïc surface, ce qui signifie, « Ce que vous voyez est une surface photovoltaïque »).
L'énergie ainsi récupérée peut être utilisée pour commander le système d'opacification du vitrage central, ce qui rend superflue la présence de stores intérieurs ou extérieurs. Bien entendu, l’électricité produite par ces fenêtres peut être réinjectée dans le réseau électrique, réutilisée directement par l’entreprise ou encore stockée sous forme d’hydrogène ou dans des batteries. Selon Vinci, un grand immeuble de bureaux entièrement équipé de ce type de fenêtre pourrait réduire de 30 %, au moins, sa consommation énergétique, ce qui permettrait un amortissement rapide de ce nouveau système de production d’énergie à partir du soleil.
Sur ce même créneau très prometteur, la société allemande Heliatek a pour sa part développé une technologie qui permet d’intégrer des cellules photovoltaïques dans un film léger et résistant, quasiment transparent qui peut être apposé directement sur les façades vitrées des immeubles. Capable, selon le niveau d’ensoleillement, de produire jusqu’à 80 watts par mètre carré, ce système peut contribuer à rendre totalement autonomes en énergie bon nombre de bâtiments.
Pour terminer ce rapide tour d’horizon des ruptures technologiques qui vont permettre de produire partout de l'énergie à partir du soleil, il faut évoquer la « brique solaire », mise au point par la société anglaise Build Solar. Se présentant sous forme de blocs de verre de 19 cm de côté et 8 cm de profondeur, cette « brique possède une structure particulière composée de cavités aux formes savamment étudiées, ce qui lui permet de concentrer la lumière du soleil sur ses cellules photovoltaïques intégrées ». Résultat : cette « brique » peut produire jusqu’à trois fois plus d’électricité que les cellules photovoltaïques ordinaires…
Quant au verrou technologique majeur que représente le stockage massif de l’énergie solaire, par nature intermittente, il est également en passe d’être surmonté par l’arrivée de différentes technologies que j'ai déjà évoquées dans notre lettre, comme le « Power To Gas », qui consiste à utiliser le surplus d’électricité solaire pour produire et stoker de l’hydrogène qui peut ensuite être utilisé pour produire à nouveau de l’électricité ou être injecté en grande quantité (comme l'ont montré les essais en Allemagne et aux Pays-Bas) dans les réseaux existants de distribution de gaz.
Dans ce domaine stratégique du stockage de l’énergie, la société Sylfen, créée en 2015 à Grenoble, a mis au point, après dix ans de recherche, et en coopération avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, une solution particulièrement innovante. Ce système, baptisé Smart Energy Hub, permet de stocker l’électricité solaire excédentaire produite et de la réutiliser plus tard, à la demande.
Ce dispositif est le premier au monde à fonctionner à ce niveau selon le principe de réversibilité du processeur d’énergie. Cela signifie qu’il peut fonctionner, soit comme un électrolyseur pour transformer en hydrogène le surplus d’électricité créé localement, soit comme une pile à combustible pour restituer cet hydrogène sous forme d’électricité. Grâce à sa réserve permanente, le Smart Energy Hub peut basculer instantanément de la charge à la décharge et répondre ainsi aux brusques pics de consommation. Compte tenu de la densité énergétique de l’hydrogène, un réservoir de seulement un kilogramme peut contenir 40 kWh d’énergie, soit l’équivalent de presque une semaine de consommation électrique dans un foyer français moyen. En outre, et cet avantage est évidemment décisif, ce système revient vingt fois moins cher que la solution courante des batteries pour stocker la même quantité d’énergie.
J’aurai également pu évoquer dans cet éditorial les différents projets de vêtements solaires mais aussi de « routes solaires » qui sont en cours de développement dans plusieurs pays du monde et devraient permettre d’utiliser et de valoriser, d’ici quelques années, une petite partie des immenses surfaces dévolues à nos routes et autoroutes pour produire d’immenses quantités d’énergie.
Je sais à quel point l’art de la prospective est toujours un exercice délicat mais je suis convaincu, à la lumière de ces avancées et innovations en cours, que l’énergie solaire, propre, gratuite et inépuisable, va connaître un essor encore plus important que prévu et assurera à elle seule plus de la moitié des besoins énergétiques de l’Humanité d’ici le milieu de ce siècle.
Si nous nous donnons tous les moyens d’atteindre cet objectif qui a cessé de relever de l’utopie, nous pourrons non seulement répondre à la soif toujours plus grande d’énergie des 10,5 milliards d’habitants que comptera notre planète dans 30 ans sans continuer à détruire notre environnement et à générer une pollution et des nuisances de plus en plus dévastatrices pour l’homme.
En nous battant pour atteindre un tel objectif, nous aurons également de sérieuses chances de réduire à un niveau acceptable par notre Terre les effets du changement climatique global et brutal en cours.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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