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L'infiniment petit dans la cour des grands

Un nanomètre, c'est un millième de micron, un millionième de millimètre, l'unité de référence dans bien des industries, de l'électronique à la mécanique, en passant par l'optique, le cent millième de l'épaisseur d'un cheveu. C'est l'objet d'une fabuleuse conquête scientifique. La science espère tourner à son profit les capacités de réplication des molécules pour inventer des usines capables de produire sans intervention humaine des nanomachines-outils, des robots, des capteurs, des bistouris... On imagine des industries non polluantes, de l'énergie presque gratuite, des ordinateurs capables de prévoir les caprices du ciel ou du sous-sol à long terme. En 1959, le futur Prix Nobel de physique Richard Feynman imaginait que l'on pourrait graver le contenu d'une encyclopédie sur une tête d'épingle. Depuis, on cherche, on bricole, on observe. Certains tentent de ciseler la matière de plus en plus finement, gagnant dixième de micron sur dixième de micron pour se rapprocher de l'infiniment petit. D'autres assemblent des objets atome par atome sans qu'on sache comment les deux approches pourront un jour se rejoindre. Les disciplines se mélangent. L'ADN est disséqué par les chercheurs qui, comme Leonard Adleman en 1994, tentent de détourner ses étonnantes propriétés pour effectuer des calculs mathématiques. En mars, a eu lieu la première démonstration expérimentale de sa conductivité électrique par une équipe de chercheurs de l'université de Bâle (Suisse). La molécule du vivant est désormais candidate aux futurs circuits nanoélectroniques, appelés à remplacer, au XXI è siècle, les pistes gravées sur le silicium avec des lasers. A moins qu'elle ne finisse dans quelque moteur infinitésimal. " La nature sait créer le mouvement avec de grosses molécules, explique Christian Joachim, du CNRS. Son équipe a réussi en 1998 à fabriquer le premier rotor moléculaire, pièce maîtresse de futurs moteurs nanoscopiques. En fixant un marqueur fluorescent sur des protéines, on peut même `filmer' leur déplacement le long d'une chaîne d'ADN. Mais on ne sait pas si on pourra créer du mouvement avec des objets de dimensions inférieures à celles choisies par la nature " Aujourd'hui, les chercheurs passent leur temps à réinventer la roue : de fil conducteur en aiguille invisible, ils reconstruisent pas à pas les outils consacrés par l'humanité depuis la nuit des temps. Ici, c'est le boulier ; là un rotor de moteur et un transistor nanoélectronique. Et, si aucune application ne pointe encore à l'horizon, à force de matière grise, à force de fonds investis par l'industrie électronique, la science des nanomondes cédera peu à peu la place à la nanotechnologie.

Dossier du Monde/14/04/99

http://www.lemonde.fr/nvtechno/futurs/nano/index.htm

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